À quelle rupture la crise actuelle du capitalisme appelle-t-elle ?
Comment changer de société sans s’affronter à l’Union Européenne ? Intervention dans le débat du 6 novembre 2020

, par  pam , popularité : 2%

La question de l’Union Européenne vient immédiatement quand on parle de rupture avec le capitalisme en France. Le visio-débat du 6 novembre a éclairé l’enjeu de la rupture avec le capitalisme comme la construction d’une autre société, qu’il faut appeler "socialiste" pour se faire comprendre sur le niveau de la rupture nécessaire pour une autre politique de l’emploi, des services publics, de l’industrie, de la distribution...
Mais affirmer qu’on veut construire une société socialiste en France, c’est nécessairement dire comment c’est possible dans le cadre contraignant des traités européens. Cela conduisait à évoquer la rupture avec l’Union Européenne comme un préalable à toute transformation sociale portant une rupture avec le capitalisme.

C’est dans ce contexte que je suis intervenu pour évoquer au contraire l’idée que c’est la transformation révolutionnaire de la France qui doit conduire la transformation révolutionnaire de nos rapports avec l’europe, comme avec le monde d’ailleurs.

La question d’un préalable est peut-être ambigue... Veut-on dire qu’il faut d’abord sortir de l’UE pour ensuite construire le socialisme ? ca me paraitrait une erreur. Par contre il faut bien, pour poser la question de la souveraineté populaire, poser la question de la rupture avec les institutions de l’UE ; C’est un préalable politique pour gagner la bataille du socialisme... Peut-être que le terme de préalable est inadapté.

Cela dit, le lien entre rupture avec UE et rupture avec le capitalisme est évident, surtout qu’on ne peut pas dire qu’il faut sortir de l’UE comme l’Angleterre en renforçant la concurrence entre les salariés. J’ai toujours noté avec intérêt la position du KKE qui devrait à minima nous interpeller.. Ils dénoncent l’UE comme une construction capitaliste qu’il faut combattre, mais ils ont comme slogan que le problème n’est pas d’en sortir mais de construire un pouvoir ouvrier, ce qui pour eux implique évidemment la rupture avec l’UE.

Je partage la manière de poser la question en introduction, même si je suis sceptique sur l’affirmation "plus facile d’affronter les multinationales au niveau européen ?" Il est déjà difficile d’unir les luttes des différentes entreprises de l’électricité en France, si on tente de l’unir au niveau européen, c’est peine perdue.

Par contre, oui, il ne suffit pas de dénoncer l’UE pour faire reculer le vote FN, ce que disait la copine de Vitry, alors que notre premier problème, c’est comment construire une majorité populaire avec des contradictions dans le peuple importantes entre une partie de la classe ouvrière fortement intégrée dans la mondialisation, une partie martyrisée par cette même mondialisation, une partie notamment de l’immigration qui a des liens très larges sur toute la planète.. une partie coincé dans la régression de territoires perdus.

Je propose donc une argumentation en quatre points

1/ il est impossible de proposer une rupture avec le capitalisme sans proposer en même temps une rupture avec l’UE, c’est à dire avec des traités qui nous interdisent de prendre des décisions comme des nationalisations, des investissements publics, des contrôles sur les investissements privés, des décisions politiques de partenariats publics-privés... Mais la question ne se pose pas en terme de "sortie" de l’europe car à l’évidence, nous continuerons à échanger avec les pays de l’union européenne, et donc nous avons besoin de cadres pour ces échanges. Mais nous devons affirmer qu’une décision politique souveraine de la France ne peut pas être mise en cause par la commission européenne au nom d’une de ses directives. C’est en ce sens que nous portons une rupture avec la soumission à l’union européenne.

2/ il est impossible de proposer une rupture avec le capitalisme sans faire comprendre notre projet de socialisme à la française, et notamment comment nous pouvons reconstruire des filières technologiques, industrielles, dans d’autres relations internationales, de coopérations et non pas de concurrence, ce que les chinois appellent le gagnant-gagnant d’un avenir commun. C’est le coeur d’un projet de société. Comment nous répondons aux besoins humains, sociaux, individuels et collectifs, aux besoins de consommation, d’échanges, de voyages... Bien évidemment pas dans l’autarcie, le repli nationaliste, pas non plus dans l’idéalisme d’une relocalisation d’une économie sans échanges internationaux. Non, nous devons dire que nous redévelopperons des filières industrielles tirées par de grands services publics et un état planificateur.

3/ notre projet de socialisme doit proposer un rapport au monde qui sorte de l’insertion dans la domination US et l’OTAN, donc ouvre des rapports nouveaux avec le Sud, donc la Chine. C’est essentiel face à la crise de mondialisation qui conduit le capitalisme à un retour nationaliste violent qu’a symbolisé Trump. Nous devons affirmer que nous sommes porteur d’un monde de coopération et de paix. Un grand accord de coopération gagnant-gagnant avec la Chine, pratiquement première puissance mondiale serait un marqueur fort, même si nous avons aussi besoin de coopération avec l’Afrique, l’Amérique Latine..

Mais bien sûr, notre projet suppose aussi un autre rapport à nos voisins géographiques, qu’ils soient dans l’UE ou pas, et notamment de proposer un autre rapport à l’Allemagne. C’est sans doute le plus difficile, car le rapport de forces économiques n’est pas en notre faveur, et nous avons beaucoup laché au plan technologique et industriel à l’Allemagne. Le projet européen capitaliste que portait Mitterrand peut ainsi se résumer en un deal où la France garde ses banques, son arme nucléaire et son siège à l’ONU en laissant l’industrie et l’europe à l’Allemagne. Inverser cette longue histoire européenne ne sera pas facile. Mais il y a justement dans les défis technologiques de l’énergie, des transports décarbonés des points d’appuis pour la France, et notamment avec le nucléaire.

4/ donc nous devrons proposer d’autres cadres de coopération européenne, mais pour l’instant, on a pas besoin de l’appeler une autre union européenne, d’autant que très probablement, ce sera un processus contradictoire et à géométrie variable. Il faudra des accords avec l’Italie et l’Espagne, d’autres avec l’Angleterre, d’autres encore avec l’Allemagne et ses voisins. Peu importe de savoir si des traités d’une autre union européenne sont possibles ou pas. C’est en construisant une France socialiste rompant avec le capitalisme et tissant d’autres relations internationales que nous apporterons la plus forte contribution à la transformation européenne.

Donc en conclusion, je suis totalement en désaccord avec l’idée que la France n’est pas la Grèce, et que donc, l’Union Européenne ne pourrait pas faire à la France ce qu’elle a fait à la Grèce. Pour l’instant, on ne fait pas mieux que les grecs en terme de mobilisation, et le défi d’une rupture avec le capitalisme imposera nécessairement une rupture difficile et qui ne peut être un long fleuve tranquille avec ceux qui dirigent l’union européenne. C’est pourquoi le préalable à la bataille politique du socialisme dans notre peuple, c’est d’affirmer que notre projet est de reprendre notre souveraineté en commençant par refuser de respecter les directives de l’UE qui seraient contraires à notre politique. C’est bien sur ce point que Siriza a trahi en se soumettant au diktat de l’UE, et ce n’est pas parce que la Grèce était trop petite, c’est parce que Tsipras n’a pas voulu prendre le risque de finir comme Allende.

Et c’est ce que notre parti doit affirmer.. nous ne ferons pas comme Tsipras !

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