Soral fait son numéro. Fascisme, idéologie et pratique

, par  Marc Harpon , popularité : 1%

Je suis en train de préparer des formations militantes que je dois animer, à la demande de lecteurs, sur le néofascisme contemporain. J’ai relu énormément de documents sur les versions anciennes et modernes de ce qu’incarnent aujourd’hui des gens comme Soral, Dieudonné ou Kémi Séba. L’historien Roger Bourderon, dans son excellent ouvrage, Le fascisme, idéologie et pratique, depuis longtemps épuisé, écrivait que la propagande fasciste « se donne des apparences révolutionnaires, pour attirer, dans une période de crise, des éléments sans aucune culture politique » (p. 153). Chez Soral et Dieudonné, manque certes la propagande par le fait que constitue la violence physique contre l’adversaire, et que seul, pour l’instant, Kémi Séba, avec le triste épisode de l’expédition punitive dans un quartier juif de Paris, a pour l’instant repris à son compte. Mais il n’y a aucun doute sur le fait qu’Égalité et Réconciliation, l’association de Soral, cherche à attirer des « éléments sans aucune culture politique », voire des éléments sans aucune culture quelle qu’elle soit - ce qui ne serait pas un mal s’il ne s’agissait pas de les embobiner mais de les former.

En témoigne à mon sens une consternante conférence prononcée à Lille et dont la transcription est donnée sur le site de l’association. Je ne me livrerai pas à une réfutation linéaire du malheureux aspirant penseur : la logique, comme le droit, exigent que la charge de la preuve revienne à celui qui affirme. En termes clairs, c’est à Soral de prouver qu’il a raison (ce qu’il ne pourra jamais faire qu’aux yeux de plus grossièrement inculte que lui) et pas à ses adversaires de prouver qu’il a tort. Cependant, pour le plaisir de faire sourire, j’ai voulu relever une ou deux énormités telles qu’on en voit rarement, pour ne pas dire jamais, chez des gens qui ont la témérité de publier leurs réflexions - remarquez que sur ce blog, je traduis plus que je n’écris, par peur du ridicule dont s’affublent ces gens là.

Dans sa conférence, Alain Soral prétend montrer que l’histoire du mouvement socialiste est celle de luttes de classes entre un socialisme populaire national et un socialisme bourgeois « mondialiste ». Soral explique que celui-là est inventé et défendu par des petits-bourgeois « nationaux », c’est-à-dire français, alors que celui-ci trouverait ses avocats dans une prétendue « grande-bourgeoisie ashkénaze », c’est-à-dire juive. On remarquera au passage l’opposition entre juif et national/français, qui rappelle tristement le « aucun juif ne peut être citoyen » (c’est-à-dire allemand) du quatrième des « Vingt-cinq points » (février 1920) du NSDAP, le « Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands ». Ce qu’il y a de surprenant, c’est que, parmi les socialistes petits-bourgeois « nationaux », il mentionne… un aristocrate russe francophone : Michel Bakounine ! Et parmi les grands bourgeois « juifs », un fils de converti, qui passera la majeure partie de sa vie dans la misère, au point d’avoir sans cesse recours à l’aide de son alter ego intellectuel (Engels) : Karl Marx ! Soit Soral est con et ne comprend pas l’énormité de ses propos, soit il est malin et ne croit pas un mot de ce qu’il raconte pour emberlificoter son auditoire, soit encore, il a le mot pour rire et veut tout simplement faire le clown ! Mais son numéro n’est pas fini : vous avez bien lu, Bakounine, est bien au nombre des adversaires des « mondialistes », entendez, dans le vocabulaire d’avant le GRECE, « internationalistes » ! Le pauvre, il doit se retourner dans sa tombe, lui qui a milité au sein de l’AIT, la première Association Internationale des Travailleurs !

Soral connaît-il les auteurs dont il parle ? Ignorer leur biographie n’est pas ignorer leur pensée me direz-vous ! Vous avez raison, et, en matière de pensée, au moins, Soral, connaît les œuvres de Marx, de 1848 à 1848. Il mentionne en effet la philosophie de l’histoire, encore marquée d’hégélianisme, du Manifeste de 1848 et cite explicitement Misère de la philosophie, le célèbre texte de 1848 critiquant Proudhon. Et là, le clown s’est fait magicien : un coup de baguette, et les deux-mille pages du Capital ont disparu ! Avec les milliers d’autres pages postérieures à 1848 ! La section I du Livre I de Das Kapital par exemple n’est pourtant pas moins vraie dans une économie mondialisée que dans une économie « enracinée » comme dirait le clown-magicien. La formule A-M-A’ vaut pour le petit comme pour le grand capital. Que je transforme en capital-marchandise (M) un capital-argent (A) de 10.000 euros ou de 100.000.000 d’euros, le but est toujours qu’au terme du processus de production, j’empoche un capital argent A’ tel que A’>A ! Les lecteurs de Changement de Société se souviennent d’ailleurs que cette propriété si simple de tout capital, petit ou gros, permet à John Bellamy Foster d’affirmer que le capitalisme est toujours déjà financiarisé ! Pour faire croire que la communauté de nature (qui n’exclut pas des différences de degrés) entre petit et grand bourgeois, entre petit et grand capital, n’est qu’une illusion philosophique du socialisme marxiste, il faut, par goût de la plaisanterie, feindre d’ignorer que, en dernière instance, suivant la formule d’Engels dans sa célèbre lettre à Bloch datée du 21 septembre 1848, ce n’est pas la philosophie mais l’économie qui détermine le réel.

Marc Harpon

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