Quelle industrie pour la défense nationale ?

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C’est un sujet longtemps oublié par le parti communiste, la défense nationale et son industrie. Pourtant, dans le siècle dernier, il y a eu des débats vifs au PCF sur la défense nucléaire, mais aussi sur les restructurations de l’industrie militaire avec, comme dans d’autres secteurs, des milliers d’emplois perdus, et aussi une transformation profonde de la nature des productions, s’orientant toujours plus vers des armes sophistiquées destinées aux interventions extérieures et non à la défense nationale, pendant que la France perdait ses capacités industrielles en munitions, chars...

L’association « Initiatives Citoyenneté Défense » publie un périodique « L’arme et la Paix » qui anime un espace de discussions ouvert à tous – spécialistes ou non des questions de défense – qui contribue à une meilleure connaissance et compréhension des enjeux de défense, et dans ce numéro 48 de l’industrie militaire.

Voici un article sur la politique de l’armement, d’un auteur syndicaliste dans un grand groupe de l’armement.

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Quelle industrie pour la défense nationale ?

C’est un grand plaisir de me retrouver avec vous aujourd’hui pour introduire une problématique dont l’actualité souligne l’importance tout autant que la nécessité d’une réflexion populaire pertinente et éclairée. J’ai intégré le groupe ThomsonCSF, aujourd’hui Thales, en 1989.

Jeune ingénieur, j’étais fiers de rejoindre l’un des acteurs majeurs de l’électronique professionnelle et peu préoccupé par la dimension militaire de ses activités. Mais, rapidement, la première guerre du golfe m’a conduit à m’interroger sur la spécificité de celles-ci, au sens de mon travail au service de l’industrie de défense et aux responsabilités que cela impliquait pour l’ingénieur, le salarié et le citoyen impliqué dans la fabrication de ces armes ou systèmes d’armes qui ne sont certainement pas des marchandises ordinaires.

J’ai choisi d’introduire votre réflexion par quelques considérations sur « L’industrie de défense en France à la lumière des bouleversements techniques et géopolitiques post guerre froide ». Inutile de préciser que le conflit russo-ukrainien qui a débuté en février 2022 y tient une place importante. Un conflit de haute intensité en Europe qui implique, directement ou indirectement, les héritiers des deux grands blocs de la guerre froide.

Mon discours va sans doute contredire la propagande dominante et déranger ceux qui adhèrent au discours officiel bien que, en définitive, « Nous ne savons [sur ce conflit] que ce que nos gouvernements et les autres partisans de la guerre veulent que nous sachions. » comme le souligne l’ancien ambassadeur Chas Freeman. Raison de plus pour reprendre la main sur notre propre capacité de réflexion en dépassant la vision superficielle des médias du quotidien.

Le « Bilan de trois ans de guerre de haute intensité en Ukraine » de l’historien Sylvain Ferreira qui donne une vision à la fois pertinente et concise des opérations militaires nous servira de guide.

« L’opération militaire spéciale a atteint très rapidement ses objectifs politiques, à savoir contraindre l’Ukraine à négocier aux conditions de la Russie. Début mars 2022, un accord était trouvé (…). Mais pour Londres, Paris et Berlin, cet accord ne doit pas être signé et la guerre doit se poursuivre. (…) Malgré le repli des forces russes autour de Kiev à la fin du mois de mars 2022, rien n’y fait. Londres veut que la guerre dure. (…)

La fin de l’été sera marquée par la contre-offensive ukrainienne sur deux axes : Kherson et Kharkov. Si les progrès ukrainiens sont spectaculaires et notoires sur ce dernier, au sud, la progression ukrainienne est lente et difficile mais elle aboutira en novembre 2022 au repli russe sur la rive sud. (…). A partir de cette date, (…) Moscou adopte une stratégie d’attrition de l’armée ukrainienne pour ne pas exposer ses hommes à des pertes élevées. »

Il faut, dans ce début de conflit, apprécier à sa juste valeur la performance de l’armée russe qui, malgré les erreurs et les lacunes abondamment soulignées, parvient rapidement à neutraliser les forces aériennes ukrainiennes, désorganiser ses centres de commandement, mener une offensive coordonnée sur plusieurs axes et menacer sa capitale tout en isolant le gros des forces ukrainiennes aux confins du Donbass. Un succès opératif, obtenu sur le territoire de l’un des plus grand pays d’Europe avec un rapport de force défavorable, qui souligne l’importance des capacités de planification et de conduite des opérations donc des moyens de renseignement et de communication mais aussi de défense antiaérienne.

On y ajoutera une maîtrise de l’Art Opératif, qui remonte aux années 1920-1930, dont la pertinence s’exprime déjà en 1939 lors de la victoire de Khalkhin Gol en Manchourie contre les armées Japonaise. Elle sera l’une des causes majeures de la victoire de l’Union Soviétique sur le Reich allemand. « dès avant Stalingrad, non seulement la production de guerre soviétique dépassait celle du Reich, mais la doctrine stratégique et l’art opératif des états-majors de l’Armée rouge progressait rapidement. A partir de 1943-1944, leur savoir-faire en constant perfectionnement atteignit un niveau inégalé. (…) Les offensives géantes de l’Armée rouge en 1945 (Vistule Oder, Berlin et Prague) démontrèrent un très haut degré de sophistication, en particulier dans la synchronisation des mouvements et des attaques sur des fronts de grande et très grandes dimensions. » nous rappelle David Glantz. Un savoir faire qui, d’évidence, n’a pas été perdu et qui se révèle précieux face à un adversaire qui peine à coordonner ses actions au delà de la brigade.

L’Ukraine se retrouve rapidement, dépendante du soutien occidental en termes d’équipements, d’armements, de munitions, d’information satellite ou de moyens de commandement mais peut poursuivre la guerre alors que la faiblesse des effectifs engagés par la Russie ne lui permet pas de pousser son avantage initial. La stabilisation de la situation est un succès contrebalancé par la résilience économique de la Russie qui a bien encaissé les sanctions économiques occidentales.

Le canon Caesar Françis figure parmi les « Wunderwaffe » (armes miraculeuses") fournies par les occidentaux sans que celles ci ne changent réellement le cours de la guerre en Ukraine. Elles sont sans doute trop sophistiquées, trop fragiles et trop peu nombreuses.

La guerre change d’aspect et le modèle dynamique initial laisse place à une guerre d’attrition à laquelle la Russie qui adapte son dispositif et ses moyens et qui n’apparait déclassée dans aucun domaine technologique semble bien préparée. Une surprise peut être au vu d’un budget de défense apparemment assez moyen mais qui s’explique mieux avec des comparaisons basées sur la la parité du pouvoir d’achat : la Russie fabrique la plupart de ses armes et importe peu d’équipements ce qui permet des dépenses en rouble plus importantes que si elles étaient faites à l’étranger en dollars. De plus, l’état est attentif à limiter les profits des industriels du secteur de la défense. Ainsi, la Russie, qui reste une grandes puissance économique, dispose d’un budget de défense suffisant pour maintenir une armée conventionnelle capable de défier les États-Unis.

La France est aussi une puissance économique respectable avec un budget défense conséquent. Pourtant, la guerre russo-ukrainienne a consommé en un an l’équivalent de 10 fois ses stocks de chars, 20 fois ceux de ses systèmes de défense solair et la moitié de ses stocks d’avions de combat. Comment expliquer ces écarts ?

La Fédération de Russie disposait d’un arsenal conventionnel hérité de l’URSS et dimensionné pour une large armée de conscription. L’importance de l’attrition lors de la Grande Guerre patriotique avait conduit à une logique anticipant la faible durée de vie au combat des véhicules et privilégiant la « cannibalisation », la récupération et la réparation au remplacement complet. Ce choix a dimensionné une production de masse cohérente étalée dans le temps et favorisant l’amélioration fréquente d’un modèle. Le stockage et le maintien en conditions opérationnelles sur le long terme sont envisagés dès la conception.

A l’inverse, la démarche des Occidentaux est basée sur des générations de systèmes conçus pour durer au moins deux décennies avec d’importants sauts qualitatifs impliquant des ruptures technologiques et conduisant à reprendre le développement souvent très en amont. En France, la politique des stocks a été repensée dans le but d’économiser les coûts de maintenance et d’infrastructure. Les stocks ont globalement disparus entre 2007 et 2016 remplacés par une logique de flux tendus qui s’étend jusqu’aux munitions et aux parcs opérationnels.

Revenons au conflit russo-ukrainien. « Tout au long de l’année 2023, à l’exception de la bataille titanesque de Bachmout, l’armée russe reste en posture défensive à l’abri de la ligne de fortifications érigée au cours de l’hiver (...). La contre-offensive ukrainienne de l’été viendra se briser sur ces défenses en profondeur. »

Dès ce moment il apparaît que les armements fournis par les occidentaux n’apportent pas, sur le terrain, l’avantage décisif attendu. Question de quantité mais aussi de qualité pour du matériel souvent d’ancienne génération parfois fourni à la limite de sa durée de vie. Question aussi de diversité conduisant à de véritables casse-têtes logistiques et à des difficultés de maintenance. Question, enfin, de cohérence et de doctrine d’emplois limitant leur intégration opérationnelle.

Un matériel de haute technologie, certes, mais nouveau pour l’armée ukrainienne et parfois mal adapté à la nature du conflit ou au théâtre d’opération : les « Wunderwaffe [1] » occidentaux ne se sont pas révélés les game changers promis.

Il est vrai que l’occident est friand d’armes de haute technologie forte consommatrice d’investissements en Recherche & Développement. Des produits spécifiques à forte valeur ajoutée très performants mais souvent fragiles et onéreux. Ils exigent un outil industriel de pointe, des ouvriers très qualifiés ainsi qu’une grande quantité de matières premières et de sous-éléments importés (composants électroniques par exemple).

Contre partie de cette haute technologie, les stocks sont limités par soucis d’économie et l’outil industriel n’est pas dimensionné pour produire en masse : les volumes livrés restent faibles et les cadences de production relativement lentes. Les capacités d’exportation de matériel militaire permettent de maintenir un volume minimal de production mais ne permettrait pas d’augmenter fortement les cadences.

La base industrielle et technologique de la défense (BITD) ainsi fragilisée devient particulièrement sensible aux ventes de ces équipements très perfectionnés.

Les armes de précision ou guidées représentent aujourd’hui la quasi totalité des munitions utilisées par les forces occidentales (Sahel, Irak, Syrie). Leur emploi est censé limiter les dommages civils collatéraux mais permet surtout de compenser, par l’amélioration de la précision, la réductions du nombre de vecteurs (aéronefs, artillerie) susceptibles de les délivrer. Grand consommateur de matériel, un conflit de haute intensité l’est également de missiles, de munitions d’artillerie utilisait en 2022 entre 5000 et 6000 obus d’artillerie par jour et la Russie quatre fois plus. C’est bien au delà de la capacité de production française mais aussi américaine même avec l’objectif de monter la production de 15000 à 90000 obus par mois.

L’industrie de défense est confrontée à un risque de coûts irrécouvrables qui nécessite de sécuriser les débouchés industriels. En France, le secteur se caractérisait par une faible concurrence, une structure de marché oligopolistique, où dominent des champions nationaux, un large recours aux financements de l’État avec des investissements dans la R&D militaire justifiés par le rôle moteur de la R&D de défense et le modèle des retombées technologique civiles de ces investissements.

Les années 1990 ont marqué un tournant tant du fait de la disparition de l’URSS que de la dynamique d’innovation qui passe de plus en plus à la R&D civile : la R&D défense ne tient plus devant le rythme d’innovation du secteur civil et n’est plus perçue comme un entraîneur technologique. Cependant, cette industrie arrive à maintenir sa singularité structurelle et sa stratégie industrielle des petites séries de produits très innovants à forte valeur ajoutée.

La primauté donnée à la performance technologique satisfait facilement l’objectif de rentabilité économique, en permettant de forts gains financiers tout en évitant les lourd investissements industriels, mais rend dépendant d’exportations nécessaires pour maintenir un socle de production minimum. Les pays développés et spécialement ceux de l’Alliance Atlantique restant, pour les matériels majeurs, une chasse gardée des Etats Unis, la France a du se doter dès les années 1960 d’une doctrine d’exportation incluant d’autres pays dont un certain nombre ne sont pas très regardants sur les droits humains. Une politique d’exportation dénoncée régulièrement comme opaque et à l’origine de plusieurs scandales politico-financiers.

« Tout au long de l’année 2024, l’armée (russe) est à l’offensive mais avec des objectifs limités et une approche toujours prudente pour limiter au maximum ses pertes. Dès la mi-février, Avdiivka tombe. (...) Les Russes remportent ainsi leur cinquième victoire majeure (après Marioupol, Sievierodonetsk, Lyssytchansk et Bachmout) dans une agglomération d’importance en tout juste deux ans. (…) Le début de (l’année 2025) est marqué par le sixième succès d’importance de l’armée russe en zone urbaine avec la conquête de Toretsk (…) Ses succès conjugués à l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche ont débouché comme annoncé par la majorité des observateurs sérieux de ce conflit (sur) l’ouverture des négociations entre la Russie et les Etats-Unis le 18 février dernier. »

C’est dans cette perspective de paix que nous sommes confrontés aujourd’hui à un discours militariste omniprésent dans la sphère politique comme dans la sphère médiatique : seul le rapport de force permettrait la paix face au péril représenté par la Russie justifiant une augmentation drastique des budgets de défense et des dépenses d’armement. Il est cependant, « difficile de comprendre la logique de ceux qui, depuis trois ans, nous ont dépeint l’armée russe comme une force indigente (...) qui appellent (maintenant) au réarmement face à la menace russe. » comme le remarque Olivier Dujardin qui, par ailleurs, nous met en garde contre le risque menace, qui reste relative. »

Alors, avant de parler d’outil de défense ou d’industrie d’armement n’oublions pas que l’un et l’autres découlent de choix de souveraineté, de politique étrangère et de conception de notre sécurité en terme de confrontation ou de coopération.

Là encore, les leçons du conflit russo ukrainien sont précieuses. « Cette guerre devrait provoquer une réflexion sérieuse ici, à Moscou, et au sein de l’OTAN sur les conséquences d’une politique étrangère militarisée et sans diplomatie. » souligne Chas Freeman pour qui « Il ne peut y avoir d’ordre stable en Europe qui exclut l’une de ses grandes puissances. » dans un contexte où les bouleversements géostratégiques à l’échelle mondiale peuvent déboucher sur « un chaos croissant » ou sur « l’émergence d’un nouveau système international dans lequel un respect renouvelé de l’égalité souveraine des nations et de leurs préoccupations en matière de sécurité remplacera l’anarchie mondiale actuelle. »

Quelle stratégie de politique extérieure ou de relations internationales pour garantir au mieux la paix, la sécurité et la prospérité de notre nation et de ses habitants ? Quels moyens de souveraineté, de diplomatie et de défense et donc quelle industrie d’armement pour atteindre ces objectifs ? Comment la nation et ses représentants sont associés à la conception de ces outils ? Des choix qui engagent tous les citoyens et plus particulièrement les salariés de l’industrie de défense tant par la finalité de leur travail que par l’expertise qu’ils peuvent apporter et les propositions qu’ils peuvent formuler sur des problématiques souvent très techniques. Et, de la dualité entre industrie civile et militaire à l’équilibre entre souveraineté technologique et besoin d’interopérabilité en passant par l’épineuse question du commerce des armes, elles ne manquent pas.

Marc Dorel, Saint Marcellin, le 19 mars 2025

Bibliographie
 David Glantz, La Guerre germano-soviétique 1941-1945, mythes et réalités, Editions Delga, 2022.
 Marc Mausset, En Ukraine, deux économies de guerre face à face, Economie et Politique n° 824825,
mars avril 2023 (https://www.economieetpolitique.org/2023/05/11/enukrainedeuxeconomiesdeguerrefaceaface/).
 Ambassador Chas W. Freeman, The Many Lessons of the Ukraine War, 26 september 2023 (https://chasfreeman.net/themanylessonsoftheukrainewar/).
 Ambassador Chas W. Freeman, The End of Peace in Europe and the Western dominated World Order ? 22 février 2025 (https://chasfreeman.net/theendofpeaceineuropeandthewesterndominatedworldorder/).
 Sylvain Ferreira, Bilan de trois ans de guerre de haute intensité en Ukraine, Le Diplomate, mis en ligne le 24 février 2025 (https://lediplomate.media/2025/02/bilantroisansguerrehauteintensiteukraine/sylvainferreiramonde/russieetukraine/)
 Olivier DUJARDIN, La Russie, une menace pour la France et l’Europe ? Centre Français de Recherche sur le renseignement (Cf2R), mars 2025 (https://cf2r.org/actualite/larussieunemenacepourlafranceetleurope/).

Le contenu du numéro 48 du périodique "l’arme et la paix"

ÉDITO Bienvenue en idiocratie ​
La démocratie est critiquée pour avoir élu des dirigeants jugés idiots.
Les gouvernants sont accusés de négliger la lutte contre le réchauffement climatique.
L’idiocratie est perçue comme un danger majeur pour la paix mondiale. ​

ReArm Europe ? ​
63% des achats d’armes en Europe proviennent des États-Unis. ​
Le programme « ReArm Europe » vise à renforcer l’industrie de défense européenne.
Une bifurcation est nécessaire entre diplomatie et militarisation.

ÉCLAIRAGE Armement Quelle industrie pour la défense nationale ? ​
Marc Dorel évoque l’importance de la réflexion sur l’industrie de défense en France.
Le conflit russo-ukrainien a révélé des lacunes dans les capacités militaires occidentales. ​
La Russie a une stratégie d’attrition et une résilience économique face aux sanctions. ​

JUSTICE Turquie ​
Le Tribunal Permanent des Peuples examine les crimes de guerre de la Turquie au Rojava. ​
Des témoignages évoquent des déplacements forcés et des violations des droits humains.
La Turquie est accusée de génocide et de destruction de l’identité kurde.

LIVRE Ukraine
Le livre de Vladimir Caller critique les actions des Occidentaux et de Poutine dans le conflit ukrainien.
L’auteur souligne la duplicité des accords de Minsk et l’exploitation des revers militaires.
L’ouvrage est un outil d’analyse stratégique sur la guerre en Ukraine.

POINT DE VUE Défense Nationale Une loi de programmation militaire obsolète ? ​
La loi de programmation militaire est remise en question face aux nouvelles réalités géopolitiques. ​
La souveraineté nationale et la défense du territoire doivent être prioritaires. ​
Une réflexion sur l’organisation des forces armées est nécessaire pour une défense efficace. ​

L’arme et la paix, N° 48

Voir en ligne : site de l’association ICD

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