Un communiqué commun, signé par plus de cinquante collectifs, syndicats, associations dénonce la répression accrue (...)
Quand les « Carbone Savoie » luttent pour leur survie et notre avenir Ni partir, ni mourir !
C’est un jour de neige en Savoie. Nous sommes devant l’usine Carbone Savoie, filiale du groupe Rio Tinto à Notre Dame de Briançon. Une entreprise de haute mémoire où le père d’Ambroise Croizat en mars 1906 lança la première grève du siècle pour la protection sociale. C’est là qu’Ambroise, né dans la cité ouvrière voisine prendra plus tard son relais en instituant l’une des plus belles conquête de la dignité : la sécurité sociale. Devant les grilles, des ouvriers attendent dans le froid.
A l’issue d’une réunion du CCE, un délégué téléphone les résultats : 20 licenciements, 60 à l’usine sœur de Lannemezan avec fermeture définitive du site. La nouvelle tombe le jour même où François Hollande aux USA donne l’accolade aux patrons en proclamant à la tribune « C’est vous messieurs qui avez du talent ! ». L’entreprise produit du carbone à haute valeur ajoutée. Une des fiertés de la technique industrielle française.
On y affine le carbone et le graphite de la sidérurgie, les cathodes de l’aluminium. Au cœur du même pôle industriel, l’entreprise voisine Graphtec élabore les revêtements intérieurs de la fusée Ariane, les pièces du nucléaire, autrefois même les moules des carrosseries de la firme Ferrari. 1200 ouvriers en 1971, 600 en 2006, à peine 340 aujourd’hui. Dans la vallée de la Tarentaise, 5.000 emplois inducteurs ont disparu depuis 1974 dans le gouffre des délocalisations successives. Au fil de l’hémorragie, l’usine Carbone Savoie a perdu la vitalité de ses savoirs faire, et la région, toute une chaine de vie qui passe par le maintien de l’agriculture, de la sous traitance, de l’artisanat, du commerce, des services publics locaux, cent ans de mémoire et de conquis sociaux arrachés par la lutte.
Motif de la casse : L’avidité des actionnaires. Argument patronal : « Le coût du travail ! ». Je ne n’ai jamais compris ce terme souligne David Pivier, délégué CGT. Le travail ne coûte pas. Il rapporte, c’est tout ! Et malheureusement pas à nous quand on lit le bas de nos fiches de paie ! ». Le coût du travail ? Les statistiques corroborent la remarque du syndicaliste. En 1981, l’ouvrier de Carbone Savoie travaillait 12 jours pour les actionnaires… 45 jours en 2013 ! « Oui, c’est le capital qui coûte cher, pas notre main d’œuvre ! » reprend David. « Aujourd’hui, tout ce qui, dans l’entreprise, ne va pas au capital est considéré comme une charge ! Ce sont les patrons la charge, ce sont eux les assistés, pas nous ! ». En appui de l’argument, on pourrait citer d’autres chiffres plus éloquents encore : 312 milliards d’euros de revenus financiers non soumis aux cotisations sociales, 50 milliards d’exonérations de cotisations patronales, 100 milliards d’évasion fiscale, 220 milliards de subventions accordées aux patrons sans contreparties. « Ajoutez-y les 20 milliards récemment dévolus aux crédits d’impôts et 30 milliards de cotisations pour les allocations familiales qui sautent et vous avez la clé du problème. L’argent est là !
Un peu de courage politique suffirait aujourd’hui pour régler nos problèmes et relancer l’industrie française ! », renchérit un autre syndicaliste… « Nous ne lâcherons pas, l’enjeu est trop fort. Ce sont nos familles et nos enfants que nous défendons ici ! Ni partir, ni mourir ! C’est notre slogan ! ». A l’appui des mots, l’action : le soir même, 98 % de l’effectif de l’usine était en grève…
Michel Etiévent