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Pourquoi je ne participerai pas à la marche du 23 septembre
L’intitulé de l’appel à la marche du 23 septembre, "pour la fin du racisme systémique, des violences policières, pour la justice sociale et les libertés publiques" fait comme si les forces progressistes ne butaient pas depuis des années sur leur propre fracture avec les milieux populaires, comme si le problème des rapports police-population n’était qu’un problème de police et pas le problème de toute la société, de toutes les politiques publiques.
Si les syndicalistes exaspérés par les répressions anti-syndicales ont bien raison de mener bataille pour les libertés publiques, ils savent aussi que la répression anti-syndicale est rendue possible par la faiblesse relative de la mobilisation sociale, largement insuffisante pour faire reculer le gouvernement, avec une majorité de travailleurs espérant le rejet de la réforme des retraites mais ne s’engageant pas dans l’action pour imposer au gouvernement son rejet, une majorité des milieux populaires regardant le mouvement comme spectateur, et une minorité de "blacks blocs" préemptant les manifestations pour imposer aux syndicats leurs pratiques violentes. Tout le monde sait que ce rapport de forces n’évolue pas dans des marches nationales mais dans une bataille de terrain, de reconquête organisée du monde du travail et des milieux populaires. Non, c’est pas "dans la rue qu’ca s’passe", mais sur le lieu de travail !
Si les militants des quartiers populaires ont raison de dénoncer le racisme existant malheureusement dans la police, les contrôles et la suspicion au faciès, une pratique de maintien de l’ordre ne reposant que sur la force et considérant la population comme complice par défaut, ils savent aussi que l’intervention de police nécessaire se fait avec des voyous de plus en plus violents et organisés, immergés dans les quartiers et la population.
Dans ce contexte, centrer la réaction politique de la rentrée sur la bataille contre les violences policières après la semaine d’émeutes que la France a connu au début de l’été est incompréhensible pour ceux qui ont vécu ces violences dans leur quartier, c’est une immense erreur politique qui va durement aggraver la fracture entre la gauche et les milieux populaires.
Car personne ne donne la parole aux habitants des quartiers populaires, ceux qui se retrouvent d’un coté face au violences de rues qu’ils ont vécus tournées contre leur cadre de vie, leurs moyens de transports, leurs services publics, leurs commerces de proximité, et de l’autre face à la réaction violente et réactionnaire des médias et forces de droite accusant les parents qui n’éduqueraient pas leurs enfants ou les habitants des quartiers qui seraient complices des trafics.
C’est la double peine pour les millions de familles souvent issues de l’immigration, ancienne ou récente, et marquées par la précarité, les premiers de corvées, la consommation de mauvaise qualité, le faible accès aux loisirs, à la culture... Dans certains quartiers, ce sont les rares équipements publics qui ont été détruits, cassant des lieux de vie sociale essentiels.
Réduire ces journées à une réaction aux violences policières, c’est être en dehors du réel vécu par des millions de Français. Les promoteurs de la marche du 23 septembre n’ont pas entendu les habitants des quartiers populaires dénoncer les violences, les incendies de logements parfois terribles comme à Villeurbanne ou à Saint-Fons, réclamer des sanctions lourdes, supplier qu’on les débarrasse des trafics odieux et meurtriers, demander plus de police, une police et une justice plus sévère.
Ils ne s’interrogent pas sur le terrain social et politique qui permet à l’étincelle de la réaction à la mort de Nahel de mettre le feu dans de si nombreuses villes, cachant le vrai enjeu des batailles politiques nécessaires pour défendre les milieux populaires. Si la politique de l’ordre est une impasse, plaçant les policiers eux-mêmes dans une situation individuelle ingérable, c’est d’abord parceque les politiques publiques acceptent et organisent les inégalités, accordant quelques aides contribuant à la mise en concurrence, individualisant les relations des citoyens avec des services toujours plus dématérialisés et déshumanisés, et laissant la dégradation sociale pourrir des quartiers malgré la "politique de la ville".
Ils ne s’interrogent pas sur le niveau de violences dans la société, notamment contre les jeunes, sur l’absence d’émotion face aux dizaines de jeunes tués par des dealers, par une balle perdue. Les première causes de mortalité des ados sont le suicide, la route, les violences familiales. Il est terrible de voir notre société sans empathie pour toutes ces violences frappent la jeunesse.
Car notre société est massivement violente, organisée sur la concurrence entre tous, le règne du marché roi, et les trafics en sont dans les quartiers le symbole du capitalisme sans limites. Personne ne peut espérer une police républicaine, dans une société qui détruit la république. C’est ce que masque complètement cet appel qui fait de la police la cause des malheurs publics, au moment même où les milieux populaires demandent plus de police, plus d’arrestations, plus de condamnation, espérant retrouver de la tranquillité dans le quotidien après des journées de travail et de transport éreintantes.
L’extrême-droite se frotte les mains. La gauche médiatique travaille pour elle.
Non, je ne participerai pas aux marches du 23 septembre !