Si un sondage n’est qu’une photo de l’instant et ne prédit rien du tout [2], ce nouveau sondage en faveur du RN nous dit trois choses essentielles sur la situation actuelle :
– La gauche est faible, unie ou divisée, et son meilleur résultat avec Glucksman (!) est loin d’un Bardella à 58%
– Mélenchon à 26% au deuxième tour est très loin pouvoir construire un rassemblement majoritaire, même face à Bardella
– le RN est bien en situation de prendre le pouvoir, les digues ont sautées et une grande majorité des électeurs de droite et du centre peut voter pour Bardella.
Dans ce rapport de forces, les 7 différences idéologiques entre électeurs RN et NFP de l’enquête « Fractures françaises 2025 » présentées par Gilles Finchelstein dans l’émission Quotidien, révèlent une fracture qui semble irrémédiable :
| Question | électeurs RN | électeurs NFP |
| On a un besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre : tout à fait d’accord | 82% | 29% |
| La démocratie est-elle le meilleur système possible : d’accord | 53% | 78% |
| L’islam est compatible avec la république : d’accord | 17% | 64% |
| Favorable au rétablissement de la peine de mort | 80% | 25% |
| Il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres : d’accord | 51% | 91% |
| Dans notre société, il y a trop d’assistanat : d’accord | 76% | 24% |
| Le changement climatique est principalement du à l’activité humaine : d’accord | 47% | 78% |
Ce n’est plus du tout un vote protestataire, mais bien un vote de conviction qui semble affirmer un choix profondément réactionnaire [3]. On peut en déduire qu’il faut être encore plus engagé dans l’action contre les idées d’extrême-droite. C’est nécessaire [4], mais totalement insuffisant sans prendre conscience que ces résultats confirment une crise politique du discours de gauche sur l’extrême-droite, dont l’échec peut être illustré avec le rassemblement contre le meeting du candidat du RN à Villeurbanne... quelques centaines de militants pour "terrasser l’extrême-droite", dans une action comme un oxymore [5], défendre la démocratie en tentant "d’empêcher" le meeting d’un candidat aux élections.
Prendre conscience de la crise politique du discours "antifa", c’est d’abord chercher à comprendre pourquoi tant d’électeurs ne voient pas le danger, pourquoi tout indique que sur des questions politiques clés, une large majorité de notre peuple peut faire le choix d’un pouvoir autoritaire, agissant contre l’immigration et contre beaucoup d’immigrés, réduisant les dépenses sociales jugées comme "d’assistanat"... ?
On peut poser une question duale, qui est en fait la même. Pourquoi une large majorité de notre peuple ne croit pas qu’un pouvoir progressiste, porté par la gauche telle qu’elle est, pourrait répondre au sentiment de déclassement et de désindustrialisation de la France, aux fractures dans notre peuple face aux dérives individualistes et communautaires faisant reculer l’état de droit, aux peurs d’une dette bien réelle et qu’il faudra bien payer un jour...
Ce n’est pas que la gauche n’a pas d’arguments ! Sur la dette nos arguments sont sérieux, rigoureux... sur la contribution des plus riches et des grandes entreprises, comme sur l’incroyable accroissement des inégalités. Au contraire, le RN flirte sans cesse dans des contradictions que révèlent les votes de ses députés et dont pourtant aucun électeur ne lui tient rigueur.
Il est vrai qu’à gauche aussi, il y a des contradictions, par exemple l’acceptation par tous hors PCF de l’étatisation de la SECU, l’importance et la possibilité de nationalisations fortes, l’ampleur et la nature d’une réindustrialisation dans un monde toujours plus interdépendant... Mais est-ce que ces contradictions sont la cause de la faiblesse de la gauche ?
Catherine Tricot a raison de souligner que l’affrontement contre l’extrême-droite ne se joue pas dans un débat de chiffres sur la meilleure politique possible. Mais il faut caractériser sur quoi il porte pour pouvoir en dire plus sur « un projet et une vision solide, alternative au monde qui va mal »
Le débat à gauche est nécessaire et la réorientation du PCF après son 38e congrès a réouvert un débat utile sur des enjeux cruciaux, le travail, l’industrie, la souveraineté nationale, les nationalisations... Mais le discours général de gauche est inopérant sur l’enjeu central de l’état qui apparaît dans les réponses aux questions de Gilles Finchelstein. Le fonds de la fracture porte sur la nature du pouvoir et de la démocratie, l’identité de notre nation et ce qui fonde l’unité de notre peuple.
On peut comme Marine Tondelier dénoncer les régimes "illibéraux" et les discours "identitaires", mais quand elle défend face à Marion Maréchal le modèle européen en associant le RN à Trump et Poutine, elle révèle la contradiction fondamentale qui la conduit par exemple à oublier la nature "macroniste" de l’union européenne, comme la place de l’extrême-droite, y compris dans sa déclinaison néonazie, contre la Russie en europe de l’Est, en Pologne, dans les états baltes et bien sûr en Ukraine derrière le régiment Azov dont il se dit qu’il joue un rôle clé dans l’armée ukrainienne elle-même.
Dans sa conclusion, Marine Tondelier s’enferme même dans le soutien aux politiques militaristes de Macron, justifiant la nécessité de défendre le modèle démocratique européen par le choix de la guerre, et de fait abandonne tout espoir d’être entendue du refus populaire de "payer pour la guerre".
C’est un point que n’aborde pas Catherine Tricot car elle ne peut pas dénoncer ce que porte "l’universalisme européen" face à Trump, Poutine ou Xi, un universalisme du capitalisme de la concurrence libre et non faussée qui s’accommode très bien de l’extrême-droite et du néofascisme, et qui n’est opposé à Trump et Poutine que par cette concurrence entre capitalisme qui conduit à la guerre comme la nuée l’orage. Marine Tondelier se place dans la défense de cette illusion démocratique européenne et c’est ce qui l’enferme dans ses attaques contre Marion Maréchal la dénonçant comme alliée de Poutine, avouant ainsi qu’elle est elle-même, Marine Tondelier, une alliée de Macron et Von der Leyen dans ce "monde qui va mal"...
Les électeurs NFP proposent-ils un état faible, une mondialisation de la concurrence, une charité sociale garantie par l’état ?
Ce n’est pas le problème de la seule Marine Tondelier mais illustre ce qui pose problème dans les réponses des électeurs du NFP aux questions idéologiques de Gilles Finchelstein :
- Il ne faudrait pas de pouvoir fort et la démocratie serait le meilleur système possible ? Bien sûr, refuser tout "chef pour remettre de l’ordre", pour les progressistes, ça veut dire, pas de dictature et faire respecter l’avis du peuple... Sauf que la réalité vécue massivement c’est que le système politique actuel, qu’on dit "démocratique" ne respecte pas l’avis du peuple ! que ce soit sur le référendum pour la constitution européenne de 2005 ou sur la réforme des retraites de 2023...
La démocratie, celle dont on fait l’expérience serait le meilleur système possible ? Les électeurs du RN sont-ils totalement dans l’erreur ou à l’inverse, les électeurs du NFP ne sont-ils pas dans un incroyable idéalisme ? Si nous avions aujourd’hui un leader populaire comme Maurice Thorez ou Georges Marchais, est-ce qu’une partie du peuple n’aurait pas plus confiance en sa capacité à imposer la justice fiscale à ceux qui ne la veulent pas, y compris s’ils parlaient de nécessaire "dictature du prolétariat" ? - l’immigration économique serait une nécessité pour la France ? C’est ce qu’affirment les 3/4 des électeurs NFP et que dénoncent presque tous les électeurs RN. L’enquête complète de Fractures Françaises 2025 précise que c’est aussi l’avis des cadres (50%) contre l’avis des ouvriers (36%), et chacun sait que le MEDEF est demandeur d’une immigration plus forte, comme celle qu’organise la néofasciste Méloni en Italie, pays sans salaire minimum où on peut légalement payer un immigré 5€ de l’heure. Les électeurs NFP répondent bien sûr contre un discours qui place l’immigration comme la cause des problèmes économiques de la France, mais en acceptant sans s’en rendre compte le discours de la concurrence du patronat, ils s’enferment comme Marine Tondelier dans la défense d’une économie de la concurrence qui interdit toute rupture politique et sociale !
Bien sûr, le sondage ne demande pas ce que pensent les électeurs NFP des conditions dans lesquelles des personnes fuient leur pays en espérant trouver un avenir meilleur en occident. Sans doute beaucoup dénoncerait les guerres financées par l’occident dans le coeur de l’Afrique, certains dénonceraient la guerre contre la Lybie qui a transformé ce pays en fournisseur d’immigrés clandestins exploitables, des réseaux de traite jusqu’aux économies de la misère d’un capitalisme hors limites.
C’était le débat sur l’immigration des dernières rencontres internationalistes de Vénissieux sous cette maxime qui ouvre une vraie alternative à ce piège organisant la confusion entre immigration, un modèle économique du monde, et immigrés, une partie du monde du travail : "Si l’Afrique connaissait dans les 20 ans qui viennent, le même développement que la Chine depuis 20 ans, il n’y aurait alors plus aucun immigré africain en Europe pour être mal payés de « sales » boulots, mais des touristes, des coopérants et des investisseurs ! Ce serait une autre société, un autre monde ! " - il n’y aurait pas trop d’assistanat disent les électeurs NFP précisant massivement qu’il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres, contre les électeurs RN qui refusent l’assistanat, tout en étant partagé (51%) pour prendre aux riches... Certes, les deux types d’électeurs partagent une préoccupation proche sur le pouvoir d’achat, première priorité pour le NFP (38%) et pour le RN (41%). Mais ne faut-il pas dire que les dépenses sociales sont massivement des pansements coûteux à des inégalités qui naissent dans le monde du travail ? Ne faut-il pas dire que ces dépenses sociales assumées par l’état viennent en fait adoucir une violence organisée par le patronat dans le partage des richesses produites par les travailleurs ?
Prenons l’exemple des aides au logement. Si l’état apportait plusieurs milliards par an en aide à la pierre, si on revenait au 1% logement pour toutes les entreprises, on pourrait construire massivement des logements à loyers très modérés, accessibles aux bas revenus salariaux, et on réduirait d’autant les APL... Si on créait plusieurs millions d’emplois nécessaire dans l’industrie, les services publics, l’éducation et la prévention, on réduirait d’autant le besoin de RSA ou prime de pouvoir d’achat...
Autrement dit, les électeurs du NFP considèrent-ils en défendant les dépenses sociales qu’il est normal qu’on ne puisse plus vivre dignement de son travail ? Les électeurs RN ont-ils tort de considérer qu’on peut mobiliser des millions de travailleurs français actuellement sans emploi ? [6]
Plus profondément encore, les inégalités sont-elles d’abord un problème de redistribution dans un système économique qui crée les inégalités que l’état devrait compenser par la fiscalité ? Ou bien au contraire, ne faut-il pas affirmer d’abord que c’est le système économique lui-même, les entreprises donc, qui doivent organiser le droit au travail de tous, un salaire digne qui permette de vivre sans aides ?
Ne faut-il pas affirmer que l’accès à la consommation pour tous ne peut être satisfait dans un système marchand qui organise la "segmentation" des clients, la "séparation" des milieux sociaux entre tranches de revenus avec chacune des circuits de distribution dédié, le bio circuit-court en centre ville pour les CSP+ et le discount de l’agro-industrie mondialisé pour les milieux populaires ? Peut-on se contenter de proposer des épiceries sociales ou des circuits courts à petit volume ou faut-il poser en grand la question de la nationalisation des grands groupes de distribution pour mobiliser leur logistique de grand volume au service du droit de tous à une consommation saine et décarbonée ?
Pour faire reculer l’extrême-droite, il faut défendre un projet de socialisme aux couleurs de la France !
Tant que les forces progressistes regarderont cette réalité des fractures idéologiques de notre peuple comme un enjeu de "valeurs" entre "progressistes" et "populistes" comme le prétend Macron lui-même, et donc en se plaçant dans une bataille défensive de "nos valeurs" contre les "valeurs de l’extrême-droite", elles seront inefficaces pour faire reculer les idées d’extrême-droite en les attaquant là ou elles naissent, dans les contradictions de classes d’un capitalisme financiarisé et mondialisé mortifère.
Elles doivent au contraire affirmer le projet d’un pouvoir populaire déterminé, fort pour faire respecter l’intérêt général, capable de reconstruire une identité populaire nationale, une fierté populaire à réinventer une France révolutionnaire, affrontant les grandes puissances capitalistes pour imposer l’intérêt des peuples, d’un peuple de France allié aux peuples du sud pour sortir franchement du néocolonialisme.
L’extrême-droite, c’est l’impérialisme, la réponse, c’est le socialisme !
C’était la conclusion tirée des débats sur l’immigration des 11es rencontres internationalistes de Vénissieux
La réponse fondamentale à l’extrême-droite, c’est de montrer que contre la barbarie du monde dirigé par l’impérialisme qui provoque violences, migrations forcées, sous-développement, trafics et surexploitation des migrants, la guerre entre les peuples est la pire des réponses, celle qui ne fait qu’aggraver la violence du monde et ses conséquences [7].
Pour répondre aux urgences sociales des milieux populaires, permettre de reconstruire leur unité en faisant reculer l’extrême-droite, les communistes doivent clairement affirmer qu’ils proposent un autre monde, une autre société, qu’ils combattent la concurrence, les guerres et l’impérialisme et qu’ils proposent un autre développement fondé sur un immense effort de reconstruction d’une France ouverte à des coopérations nouvelles, s’appuyant sur la dynamique des BRICS pour tenir tête aux diktats US, construisant sa réindustrialisation dans une nouvelle organisation du travail, fondée sur la formation massive, la réduction du temps de travail, l’innovation scientifique et technique, avec des services publics retrouvant toute leur place dans tout le territoire pour construire l’égalité, la citoyenneté, la tranquillité publique.
Oui, l’extrême-droite est de plus en plus clairement la solution politique d’un impérialisme en crise, la seule réponse est d’afficher clairement notre ambition pour un socialisme aux couleurs de la France.
La question que Catherine Tricot devrait aborder dans la suite de son constat, c’est d’éclairer pourquoi sa revue ne porte plus une telle vision parce-que ce qui serait décisif pour la faire vivre serait de la placer résolument dans le mouvement de l’histoire des peuples pour dépasser le capitalisme, mouvement qui porte un nom : le socialisme. Oh, le vilain mot diront beaucoup des lecteurs de regards...
Extrême droite : la combattre sans compter
par Catherine Tricot
Face à Marion Maréchal sur LCI, Marine Tondelier a vacillé. Pour la gauche, l’alerte se confirme.
LCI organise des grandes émissions politiques avec de possibles candidats à l’élection présidentielle. Déjà ! Marine Tondelier, désignée candidate des Ecologistes pour la primaire des gauches, était l’invitée ce vendredi de la chaîne d’infos. Elle était notamment opposée à Marion Maréchal. A écouter ce face-à-face, on peut être inquiet de la solidité de la gauche, surtout après le fiasco de Glucksman face à Zemmour dans la même émission.
Marine Tondelier n’est pas la moins expérimentée ni la moins assurée dans les débats politiques. Mais cela n’a pas suffi. L’échec va au-delà de celui d’une personne.
Le thème proposé par Marion Maréchal, auquel Marine Tondelier avait consenti, était celui de l’immigration, de l’insécurité et de la laïcité. Chacune est venue préparée et bardée de chiffres. Marine Tondelier a tenté de corriger, rectifier et faire des mises au point sur les données mises en avant par son adversaire. Mais c’est Marion Maréchal qui a imposé les termes du débat et le cœur de son discours : les immigrés sont la cause première de l’insécurité ; ils compromettent la laïcité et l’égalité femmes-hommes, chères à notre nation.
Le problème central n’est pas que Marion Maréchal manipule la réalité, même si c’est bien sûr ce qu’elle fait. Le problème est qu’elle organise et impose un discours. Elle donne une cohérence idéologique à des données sélectionnées, exagérées ou sorties de leur contexte. Elle ne cherche pas seulement à avoir raison : elle structure son récit et le rend crédible.
On ne peut s’opposer à cette structure idéologique renforcée depuis des décennies en lui opposant d’autres chiffres. Rétablir des vérités partielles ne suffit pas à neutraliser l’efficacité d’une vision partout répétée. L’extrême droite ne gagne pas parce que ses chiffres sont exacts. Elle gagne parce qu’ils viennent confirmer une lecture du réel qui donne sens à des angoisses. Tant que cette lecture ne sera pas remplacée par une autre, elle continuera de prospérer.
Il faut prendre garde à la manière dont on répond aux logiques déployées par l’extrême droite. C’est le cas lorsque l’on répond que les immigrés délinquants ne le sont pas parce qu’ils sont immigrés mais parce qu’ils sont des pauvres. Ainsi, soutenir, comme trop souvent à gauche, qu’il y a davantage d’immigrés dans les prisons parce qu’ils sont les plus pauvres est un argument inflammable… quand bien même il ne serait pas neuf. Il est, en fait, catastrophique. Il vise sans le vouloir la masse des hommes jeunes des quartiers populaires, immigrés ou non, à la fois exclus et en révolte contre ce monde qui ne leur fait pas de place. Donc on admettrait que les pauvres étant potentiellement délinquants, il faut les contrôler, les reléguer et les réprimer ? Au lieu de s’en tenir à la logique policière de la suspicion et de la contrainte, il est plus juste d’user d’une autre logique.
Ce n’est pas en assimilant classes populaires et classes dangereuses qu’on a pu contenir la tentation désespérée du hors-la-loi et de la violence. C’est quand on cesse de reléguer, qu’on intègre, qu’on ouvre à la possibilité de progression sociale, qu’on rompt le cycle infernal de la mise à l’écart et de la violence. Désigner les immigrés comme des délinquants potentiels contribue à exacerber leur ressentiment, leur désespérance et à nourrir l’idée qu’il n’y a pas d’autre solution que l’écart à l’égard de la loi. La politique anti-immigrée n’écarte pas la violence : elle la nourrit, la légitime et ouvre la possibilité de son extension sans fin.
Face au projet d’extrême droite qu’il faut désigner comme tel, et qui se traduit en projet de tri, d’exclusion, de hiérarchisation des vies, la question pour la gauche est celui d’affirmer valeurs, principes, finalités. En l’occurrence, dire qu’il faut une politique d’accueil des migrants aujourd’hui abandonnée. Et exprimer que la gauche vise la construction d’une France, d’un monde où chacun peut prendre place et nourrir l’espoir d’une vie meilleure. C’est le fond de notre projet et de la lutte contre la criminalité.
S’en tenir à discuter et corriger les chiffres sans proposer un autre récit revient à perdre la bataille avant même qu’elle ne commence. Ce qu’il faut opposer à Marion Maréchal, ce n’est pas seulement une meilleure lecture des données, c’est un projet alternatif. Une autre explication globale de ce qui produit l’insécurité, les tensions sociales, la violence.
L’impréparation évidente de la cheffe des écologistes est aussi le symptôme que la force des punchlines ne suffit pas quand il faut combattre une extrême droite solide. On ne va pas à un débat de cette nature sans savoir précisément ce que l’on veut y défendre. Dans un débat politique, celui qui sait où il va a toujours un avantage sur celui qui improvise ses réponses en défense. Le passage sur la question du voile des petites filles était une caricature : il ne fut même pas opposé à Marion Maréchal qu’elle ne s’intéresse au sort des femmes qu’au seul sujet du voile et qu’elle défend une vision archaïque des rôles sexuels ; que la gauche entend défendre les libertés pour toutes face à leurs ennemis, fascistes de tout poils, islamistes compris et qu’elle défend une laïcité qui permet à chacun de vivre selon ses convictions.
Ce débat n’est pas un accident médiatique mais un symptôme. On ne peut affronter l’extrême droite sans un projet et une vision solide, alternative au monde qui va mal. Les chiffres ne viennent qu’éclairer cette proposition politique et les punchlines, l’ancrer dans les mémoires. Pas l’inverse.
Catherine Tricot
« l’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte de classes »

(2002) Lenin (requiem), texte de B. Brecht, musique de H. Eisler
