Le travail considérable que suppose de se débarrasser d’une vision de la classe dominante

, par  Franck Marsal , popularité : 4%

C’est un travail considérable que nous avons à faire car nous sommes pénétrés, sans le plus souvent en avoir même conscience, par l’idéologie bourgeoise.

Je voudrais donner un exemple qui m’a frappé récemment. Macron en visite à Marseille a fait sa provocation habituelle expliquant qu’en faisant le tour du Vieux Port, il trouverait dix emplois à pourvoir.

Cette phrase a été critiquée sur un aspect essentiellement moral. On a parlé de l’arrogance de Macron, de sa méconnaissance de la vie des jeunes …

Personne n’a – à ma connaissance – fait remarquer à Macron que, s’il pouvait trouver dix emplois à pourvoir en faisant le tour du Vieux Port, on pouvait aussi certainement trouver dix personnes en recherche d’emploi en faisant le même circuit.

Et que donc, les patrons, qui disent manquer de main d’œuvre n’avaient qu’à traverser la rue pour en trouver. Même nous, partons de l’implicite capitaliste que c’est à l’ouvrier de trouver du travail, que l’emploi est en quelque sorte un avantage que le capitaliste concède gentiment à l’ouvrier. Ce qu’a fait Macron, c’est rappeler, avec sa force de conviction habituelle que dans la société capitaliste, l’effort de traverser la rue pour permettre l’adéquation de l’offre à la demande incombe au travailleur et non au capitaliste. Et sans s’en rendre compte, tout le monde a acquiescé.

Or, en réalité, c’est bien l’ouvrier qui fait apport d’un temps de sa vie en la consacrant à la production de plus-value pour le compte du capitaliste. Présenter l’ouvrier comme un demandeur, qui doit faire les efforts pour trouver du travail et le capitaliste comme l’offreur à qui l’on doit se conformer est typique de l’inversion de la réalité par l’idéologie bourgeoise.

Cette inversion n’est pas qu’idéologique. Le fait que le capitaliste soit placé en position de force face au travailleur est une condition nécessaire de l’existence du capitalisme. C’est pourquoi le capitalisme a besoin d’un volant incompressible de chômeurs que Marx appelait l’armée de réserve industrielle. Et ce n’est pas un hasard si Macron insiste et revient périodiquement sur le sujet. C’est qu’aujourd’hui la reconstitution de l’armée de réserve industrielle est une urgence pour les capitalistes, qui estiment (non sans raison), dans un certain nombre de branches, ne plus avoir le rapport de forces suffisant pour adapter (à la baisse) les salaires et (à la hausse) la productivité afin de maintenir le taux de profit.

Ce changement de situation économique tient à plusieurs facteurs.
- la baisse de la natalité qui a commencé après l’an 2000, qui se traduit par des classes d’âge arrivant sur le marché du travail en nombre nettement inférieur aux départs en retraite (ce pourquoi il était si important de repousser l’âge de la retraite – et ce pourquoi il était inconcevable pour le patronat que la réforme Macron ne soit pas votée)
- Les limites atteintes par le processus de délocalisation : ces limites sont de plusieurs ordres. D’abord, on ne peut pas tout délocaliser. Ensuite, la Chine n’est plus en situation d’absorber les délocalisations massives de l’industrie de main d’œuvre des pays développés car elle est elle-même développée et va se concentrer de plus en plus sur l’industrie de pointe. Enfin, la crise russo-ukrainienne a montré les limites géopolitiques de l’exercice.
- Le problème de l’armée de réserve industrielle moderne, c’est qu’elle s’use vite. Les exigences de ce que les capitalistes appellent “l’employabilité” sont de plus en plus élevées. Le travail est devenu plus technique, il faut manipuler avec soin des outils de travail puissants et coûteux. Il faut aussi arriver à comprendre et à se situer dans les organisations du travail parfois ubuesques (et en perpétuel changement) produites par les techniques “modernes” de management. S’est installé dans les pays développés un chômage de longue durée et une dégradation du niveau d’étude des jeunes qui fait que nombre de chômeurs de longue durée sont considérés par les entreprises comme inemployables, c’est à dire insuffisamment productifs pour être embauchés. Il faut dire que les entreprises ne veulent à la fois pas payer des impôts pour un système social et éducatif performant, mais ne veulent pas non plus avoir à former elle-même leurs nouveaux salariés au delà de quelques jours (et encore).

Il résulte de tout cela, et c’est ce qu’il faudrait opposer à Macron que l’organisation capitaliste de la société est profondément inefficace, que cette inefficacité s’accroit désormais de plus en plus vite, que la désorganisation qu’elle produit nous mène au bord de l’effondrement économique et social et que sa politique n’apporte que des pansements sur des jambes de bois. L’existence même de cette armée de réserve industrielle, de ces millions de chômeurs et de personnes sorties du monde du travail est une terrible tragédie et une bêtise monumentale induite par le capitalisme.

Il faudrait donc expliquer, à Macron et à tous, qu’une autre organisation sociale est possible et même indispensable. Qu’une planification globale de la production, qui peut tout à fait être, à la chinoise, une planification appuyée sur le marché, est nécessaire pour garantir le développement économique, la stabilisation économique, la souveraineté nationale, la protection du climat et de l’environnement et le progrès social.

Voir en ligne : publié sur le blog histoire et société de Danielle Bleitrach

Introduction au texte sur le site

Nous avons beaucoup perdu avec la transformation de l’Humanité en organe du consensus social démocrate un peu socialisant et moraliste, comme en ayant perdu toute formation marxiste dans le Parti. Il faudrait chaque jour reprendre chacune des affirmations de Macron et des siens pour en démontrer non seulement “le point de vue” de classe mais aussi le caractère totalement inefficace du dit point de vue, comme le fait Franck à partir de la simple réflexion de Macron sur l’idée de faire le tour du Vieux port pour trouver un emploi, une adaptation locale du traverser le rue. Il faudrait montrer que chaque fois qu’une proposition présente réellement un intérêt concret pour le bien-être de l’humanité, elle est écartée et on crée un leurre dont on est assuré que posé ainsi il n’aura pas de solution. Ainsi en est-il de ce cas d’un jeune français Nahel, en échec scolaire, contraint aux petits boulot, dont le meurtre par une police – qui si on en juge les propos de deux de ses syndicats ont une vision assez particulière de l’égalité des droits entre citoyens. L’affaire, après les pillages d’une bande de voyous se transforme bizarrement en grand débat sur la nécessité de limiter l’immigration. Non seulement grâce au RN, mais avec un Vedrine venant sur LCI vanter les mérites d’une solution européenne qui s’inspirerait de la social-démocratie suédoise. L’évolution de celle-ci a fait d’elle le chantre du refus de l’immigration (ce qui encourage semble-t-il les Suédois d’extrême-droite brûlant le coran tandis que les pays de l’autre côté de la méditerranée, on brule un drapeau de l’OTAN mais aussi des LGBT que l’on a réussi avec le féminisme à transformer en symbole de l’impérialisme au même titre que l’OTAN). Derrière cette “solution” européenne et l’exemple social-démocrate, il y a le contraire de la solution de l’affaire : à savoir par la social-démocratie suédoise la privatisation des services publics comme l’adhésion à l’OTAN. Bref à partir de l’assassinat d’un jeune français des couches prolétariennes qui prend de plein fouet les politiques de délocalisation, de destruction des services publics, et de l’éducation nationale, monsieur Védrine vient vanter sur la chaîne de Bouyghes une social-démocratie dont on ne voit plus très bien la différence avec l’extrême-droite. Le discours de Roussel sur le droit au travail, à un emploi bien rémunéré, comme d’ailleurs quand il a mis en garde sur la manière dont le pouvoir méprise l’Assemblée Nationale à propos des retraites se pose la question d’à quoi servent les élus seulement à prendre l’argent, j’ajouterais qu’ils deviennent un succédané du capital pour des exclus du travail. Roussel dans ce cas-là a représenté un renversement de perspective nécessaire mais tout a été fait pour le gadgétiser et gommer derrière lui le rôle du PCF, revendiquant le pouvoir autant que la possibilité d’intervention sur le terrain, pourtant c’est “l’humanisme réel” celui qui part de “l’homme réel” tel que le défendait Marx. (note de Danielle Bleitrach)

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