Le combat révolutionnaire de notre temps : l’exemple chinois
En 1950, la Chine était sans doute le pays le plus peuplé mais aussi le plus pauvre du monde. Aujourd’hui (70 ans après), c’est un pays dont le revenu moyen par habitant le classe à peu près au 110e rang dans l’ensemble des pays. L’illettrisme en a quasiment disparu. Ses gouvernants se sont donnés la tâche de vaincre définitivement la pauvreté, non pas en faisant l’aumône mais en donnant aux pauvres les moyens de s’en sortir. Ils ont l’ambition de faire qu’en 2020, le niveau de vie y soit celui de ce qu’ils appellent « la moyenne aisance ». Comment sont-ils sortis de cet état de misère et de sous-développement extrêmes ?
Le socialisme chinois a connu deux périodes. La première, dirigée par Mao Zedong, a duré de 1949 à 1978 (29 ans) et n’a pas produit des résultats fulgurants. La deuxième, initiée par Deng Xiaoping, a commencé en 1978 et fut à l’origine du développement actuel. En réalité, il a fallu du temps pour que cette nouvelle politique soit acceptée. Cela s’est produit entre 1992 et 1997. Le développement socialiste actuel date donc de 20 à 25 ans.
Le problème que nous nous posons, les uns et les autres, est le suivant : la Chine actuelle est-elle socialiste, comme le prétendent ses dirigeants ? En réalité, cette interrogation a 2 origines.
La première vient de celles et ceux pour lesquels il n’y a de socialisme que celui reproduisant l’expérience soviétique. C’est ce qu’a fait Mao et il a échoué. J’ai montré, dans le livre que les Éditions Delga viennent de publier (Jean-Claude Delaunay, Les trajectoires chinoises de modernisation et de développement, De l’Empire agro-militaire à l’Etat-Nation et au Socialisme, 2018) en quoi et pourquoi le socialisme chinois différait du socialisme soviétique. Je ne suis pas antistalinien pour autant. Je pense que, tout simplement, les 2 époques sont différentes. Bien comprendre cette différence revient donc à bien comprendre que nous avons changé d’époque.
La deuxième vient de celles et de ceux pour lesquels le socialisme est une horreur. Comme il y a des entreprises capitalistes en Chine, ils disent que ce pays, un jour ou l’autre, va se comporter de façon totalement capitaliste. Ils veulent hâter l’arrivée de ce moment. Dans ce but, ils déclarent, à cor et à cri, que le socialisme chinois est un faux-nez, qu’en réalité la Chine est un pays capitaliste qui ne dit pas son nom.
Ces deux courants idéologiques se rejoignent et forment un fleuve puissant. Nous nageons dans ces eaux. Parfois, nous ne savons pas très bien quoi dire. Je ne suis pas un adorateur des Chinois et je ne m’incline pas chaque matin devant le portrait de Xi Jinping. Je n’en pense pas moins que la Chine est un pays socialiste et que, à sa manière, ses dirigeants, unis par la force que leur donne le Parti communiste chinois, par la solidité de leurs institutions, par la confiance de leur peuple, mettent en œuvre un principe politique que les communistes français ont rayé des statuts de leur parti, celui de la dictature démocratique du prolétariat.
Les Chinois lui préfèrent le terme de dictature démocratique du peuple. Quel que soit le principe évoqué (dictature du peuple ou du prolétariat), il veut dire que les intérêts populaires guident la politique et l’économie du pays considéré.
En France, ce qui règne est le mode de production capitaliste. Toute la politique du pays, nationale et internationale, vise à préserver ce mode, à enrichir toujours plus les capitalistes et à appauvrir le peuple.
En Chine, ce qui est admis, pour hâter le développement, ce sont des entreprises capitalistes. Ce n’est pas pareil. Les entreprises capitalistes ont le droit d’y faire du profit, mais elles n’ont pas le droit à la parole. Elles doivent respecter strictement les lois de ce pays.
Au delà de ce que l’exemple chinois nous apprend sur le changement d’époque par rapport à l’Union soviétique de la première moitié du 20e siècle, il conduit donc à réfléchir à nouveau sur ce que signifie « la dictature démocratique du peuple » dans l’énoncé d’un projet communiste et dans la construction d’une société socialiste.
Jean-Claude Delaunay
Texte paru dans le numéro 97 de L’Improbable