« La princesse JM à l’hôpital »

, par  Mireille Popelin , popularité : 2%
Je dédie cet article à la mémoire de Robert Brun

Elle est arrivée le dernier soir à l’hôpital de la voisine de chambre, avec oxygène et mari vociférant. Elle doit prendre la place libérée le matin. Mais c’est qu’elle ne veut pas ! L’infirmière explique :
 Nous n’avons que 8 chambres seules. Elles sont toutes occupées. Il faudra attendre qu’une chambre se libère, madame !
 Comment ? dit la femme toute ébouriffée de colère.
 Comment ? dit le mari. J’avais demandé impérativement une chambre seule. Mais vous êtes des incapables ! Appelez-moi immédiatement la directrice du service.

La directrice arrive, très calme mais ferme.
 Calmez-vous ! Il n’y a pas de chambre seule ce soir ! Vous allez passer cette nuit dans cette chambre à deux lits en attendant.

Le mari rouge de colère : « Vous êtes une incapable madame ! ».

La voisine de chambre est éberluée, solidaire des soignants venus soutenir leurs collègues agressés, qui font bloc autour. Elle fait des signes de connivence. Mais ferme soigneusement le rideau de séparation : pas question d’être polie avec ces deux personnages !
 Appelez-moi immédiatement le cardiologue des urgences ! Il paraissait plus compétent que vous !

Le cardiologue arrive, il s’assoit, très calme, sur la table en face du lit de la patiente :
 Continuez, madame ! Je vous écoute.
 Eh bien, je dois vous dire d’abord que je déteste les médecins !
Je les ai toujours détestés ! Je ne veux pas voir les radios de mes poumons ! Oui je fume et je n’arrive pas à arrêter ! Et je fumerai encore !

Derrière son rideau, la voisine pense : « Mais alors que fait-elle à l’hôpital ? Elle allait sûrement trouver des médecins à l’hôpital ? Nous, militants, pensons qu’il n’y en a pas assez. ».

Le cardiologue garde un calme impressionnant :
 Madame, vous avez PEUR ! (il appuie sur le mot). Eh oui, c’est un médecin cardiologue avec son équipe qui vous ont sauvé la vie cette nuit ! Vous n’acceptez pas de ne pas avoir de chambre seule. Mais enfin, que voulez-vous que l’on fasse ? Que l’on « vire » un malade pour que vous preniez la place ? Vous devrez attendre qu’une place se libère. Dans votre cas, je crains une embolie pulmonaire. Donc, demain, un scanner.

 Quoi ? Une embolie pulmonaire ? Qu’est-ce que c’est ? Et un scanner ? C’est quoi ?
Le cardio explique longuement, un caillot qui peut se loger partout, dans vos jambes…

 Oh non ! Ça ne peut pas être dans mes jambes ! J’ai des jambes magnifiques !

Là, la voisine étouffe son fou-rire. L’équipe des soignants la voit rire, derrière le paravent. Ils retiennent leurs sourires. Elle décide aussitôt de donner un nom à cette femme qui se prend pour une princesse. Ce sera « Princesse JM », Princesse jambes magnifiques.

Le couple finit par accepter la chambre avec la "manante" (oui de manant y a pas de féminin mais elle en fait un). La "manante" pense que la cohabitation va être difficile. Elle ne s’est pas trompée.

Après lecture et télé, la voisine à 22h 30 voudrait dormir. Or la princesse a exigé la pleine lumière pour lire sur sa tablette. Elle téléphone aussi pour raconter les horreurs subies dans cet hôpital ! Elle a houspillé l’infirmière incapable de prendre correctement la saturation, de placer l’oxygène…

Mais pas le temps de protester, l’infirmière dit avec autorité : « Madame a raison, à 22h30, votre voisine a besoin de dormir ! ».

La "manante" n’a, bien sûr, pas eu un bonsoir, pas un mot. Pensez, une princesse avec une "manante" ?

Il y eut encore la visite musclée du mari, avec le beau-fils, style commando :
 Nous voulons voir le cardiologue ! Changer d’hôpital !

Mais l’interne de service a répondu avec ironie :
 Mais vous savez, messieurs, que les médecins dorment ? Le cardiologue est rentré chez lui ! Et personne ne viendra ! Vous feriez mieux de rentrer vous aussi.

Le lendemain , le cardiologue est venu, changement de ton :
 Madame, vous m’avez presque insulté, j’ai accepté mais je n’accepte pas que vous insultiez mon équipe, les soignants. Savez-vous qu’ils font un travail difficile, avec des salaires trop bas, pour soigner TOUS (il insiste sur le mot) les malades ? Donc vous devez les respecter, ils n’ont pas à supporter vos agressions verbales ! Et si vraiment, vous voulez changer d’hôpital, ce sera à vos risques ! Et dans votre état c’est dangereux ! Vous devez passer un scanner ce matin. L’acceptez-vous, oui ou non ?

Là, Princesse JM est sans voix. Un faible « Oui » sort de sa bouche.

La voisine aurait presque applaudi. Mais elle a réussi à s’exprimer un peu plus tard. L’équipe soignante lui souhaite un bon retour :
 Merci ! Et merci de vos bons soins ! Vous faites un travail magnifique ! Je vous soutiens, vous méritez de meilleurs salaires, et des embauches pour de meilleures conditions ! Je vous dis BRAVO ! ».

Elle en fait des tonnes, et les soignants s’amusent et en rajoutent aussi :
 Ah si tous les patients étaient comme vous !

Nous rions, complices. Princesse JM est muette, résignée... On vient la chercher pour la scanner, « cette horreur ».

Il faudrait envisager des hôpitaux avec des classes supérieures et même « royales » pour les princesses JM, avec scanners spéciaux ?

La voisine n’avait jamais vécu une telle expérience à l’hôpital. La lutte des classes existe même à l’hôpital…

C’est pourquoi il faut reprendre le chemin de la lutte pour sauver l’hôpital, les services publics, l’école publique (avec ces enseignants feignasses, comme dit Sarkozy).

Tous à la manifestation en décembre !

Mireille Popelin

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