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Alors que l’année a été (...)
L’insurrection qui vient a déjà eu lieu
En son temps la révolution française était considéré comme l’événement le plus important qui ne soit jamais arrivé, en tout cas était -ce ainsi que s’exprimait le leader whig Charles James fox en 1790. Si une importante école historique est venue depuis en réduire la porté en considérant qu’elle n’avait été qu’un trouble malencontreux venu bouleverser de façon sanglante le mouvement général vers le libéralisme, le livre d ‘Eric Hazan écrit après avoir consulté de nombreux ouvrages dont les 79 volumes de 600 pages des archives de la constituante, stockés a la bibliothèque de la ville de Paris, veut l’inscrire dans une toute autre lignée.
Recueil de l’âme errante des révolutionnaires de jadis, ce livre s’agrémente d’extrait des comptes rendu des débats conventionnels, de lettres de citoyens et d’intervention des délégations venues des provinces. Construit de tous ces ingrédients il donne à entendre un récit a deux voix de la révolution : celles des assemblées où intervenaient les personnages célèbres qui s’y sont révélés pour la postérité, mais aussi celles du peuple,celles des ouvriers, des paysans, des femmes de France, bref de tous ceux qui resteront anonymes et que l’histoire a oublié parce qu’ils ne conviennent pas aux catégories de l’historiographie dominante.
Ce parti pris dans l’écriture prend de front la sacro-sainte famille qui traditionnellement illustre les grandes sagas dont nous abreuvent les représentants de l’histoire officielle. Il tient compte de cet enseignement que nous a laissé Marx dans la sainte famille pour qui les idées ne peuvent jamais mener au-delà d’un ancien ordre du monde, car elles ne peuvent mener ailleurs qu’au-delà des idées de l’ancien ordre du monde, des idées ne pouvant absolument rien réaliser seules. « Pour réaliser des idées il faut les hommes qui mettent en jeux une force pratique » concluait-il.
C’est dans cet esprit que le récit d’Eric hazan va s’émailler de notations inattendues, sur la place que vont prendre dans les événements les femmes par leur présence forte et déterminée contre la vie chère, mais aussi pour montrer comment vont s’établirent les relations Paris -province,et que pris naissance le discours politique
En effet jusqu’alors « ceux qui dirigeaient les affaires de l’état ne prenaient pas la parole en public et d’ailleurs devant quel public auraient -ils pu parler ? Or voici que « soudain au crépuscule de l’ancien régime, l’éloquence politique surgit et atteint tout de suite des sommets » car comme l’écrivait Michelet l’une des grandes figures convoquée dans ce livre avec Jaurès, Mathiez, Soboul,et Lefevre, « sans nier l’influence de la puissance du génie, nul doute que dans l’action de ces hommes, la part principale ne revienne cependant a l’action générale du peuple, du temps , du pays » sachant que bien plus que ces parleurs brillants et charismatique qui ont exprimé la pensée des masses, il n’y avait qu’un « héros : le peuple » En effet, si ces grandes personnalités historiques semblaient puiser en elles-mêmes leur inspiration, elles n’ont été grandes que dans la mesure ou elles avaient su porter a la lumière « la vérité de tous les temps et de leur monde » (Hegel).
Ces deux voix autour desquelles se structurent le récit se feront entendre tout au long de la séquence choisie par l’auteur, qui part de juillet 1789 avec la convocation des états généraux pour se terminer dans la discorde et la défaite de l’insurrection communale du neuf thermidor en passant par la prise de la bastille, la fin de la royauté en août 1792, la chute de la gironde de mai juin 1793.
Selon Eric Hazan, les thermidoriens sont toujours au pouvoir. Ils consacrent tous leurs efforts à déformer cette période et singulièrement la figure de son représentant le plus emblématique Maximilien Robespierre. Celui ci, élève de Rousseau considérait que le gouvernement démocratique était celui dans lequel « l’état est vraiment la patrie de tous les individus » admis sur un pied d’égalité aboutissant « a la plénitude des droits du citoyen ».
Cette conception différait radicalement de celle qu’en avaient la monarchie et l’aristocratie, pour qui un seul ou quelques individus pouvaient revendiquer une patrie. A l’inverse de ces certitudes Robespierre, prenant a contre pied la formulation qui assimilait les travailleurs a des étrangers ou encore à un peuple distinct et inférieur, expliquait que« Dans un état bien ordonné personne ne doit se sentir étranger »
Dominico Losurdo nous disait que pour comprendre la genèse de la démocratie moderne il convenait de remonter à la révolution française pour trouver en Europe quelque chose qui ressembla au suffrage universel. C’est en effet au cours du processus de radicalisation de cette révolution qu’en a émergé la revendication, en particulier après la journée du 10 août où se signait l’acte de naissance de la commune de Paris et qu’était mis en discussion l’institution des corps électoraux intermédiaires selon la formule :« le peuple souverain doit le moins possible aliéner sa souveraineté ».
Le suffrage universel direct sera ratifié sous l’impulsion de Robespierre par la constitution du 24 juin 1793( laissant toutefois les femmes en dehors). Or dans cette même période de radicalisation jacobine, correspond aux traditions démocratiques du système électoral d’importantes interventions de l’état dans le champ économique, interventions que nous qualifierions aujourd’hui de redistributives, manifestées sous la forme d’impôts progressifs. C’est aussi durant cette période que Robespierre mettra en avant le droit à la vie comme le premier « des droits imprescriptible de l’homme » . C’est parce qu’elle ne pouvait le supporter que la bourgeoisie libérale pour qui « l’égalité absolu était un chimère » y mettra fin le 9 thermidor. Pour elle l’impôt progressif était le synonyme de la loi agraire et donc attentatoire à la propriété privée.
Or si Robespierre subsumait le droit de suffrage et le droit a la vie sous la catégorie générale des droits de l’homme,« les misères humaines » pour les libéraux devaient être l’oeuvre de la providence et non des lois. Comme l’expliquera plus tard Tocqueville la référence élue des nôtres, il est absurde de penser « que l’on peut supprimer la pauvreté en changeant l’ordre social
Contre eux et pour les générations à venir Eric Hazan veut contribuer à garder vivante la mémoire et l’inspiration de ce moment ou l’on a pu entendre que « les malheureux sont les puissances de la terre, que l’essence de la république et de la démocratie est l’égalité, et que le but de la société est le bonheur commun » Sans prétendre a l’objectivité il espère en ayant écrit ce livre « avoir fait souffler un peu d’enthousiasme révolutionnaire sur notre époque où la tendance est plutôt au relativisme et a la dérision. »
Eric Hazan, fils et petit fils d’éditeur s’était engagé très tôt au côté du F.L.N durant la guerre d’Algérie Chirurgien cardio-vasculaire en 1975, il fondait une association franco-palestinienne d’aide médicale puis s’est rendu au Liban pour servir de médecin aux côté de palestiniens progressistes. Membre du tribunal de Russel sur la Palestine il prendra la direction de la maison d’édition de son père a son retour jusqu’à son rachat par le groupe Hachette. En 1998 il fondera les éditions de « la fabrique » et se tournera vers l’écriture. Traducteur d’Edward Saïd il est aussi l’auteur de « l’invention de Paris » de « chronique de la guerre civile », de changement de propriétaire, la vie continue » de « l’antisémitisme partout aujourd’hui avec Alain Badiou et de « un état commun entre le Jourdain et la mer » avec Eya Sivan
Eric Hazan auteur d’une « histoire de la révolution française » sera présent le 16 mars a 15h30 à la librairie le bal des Ardants pour présenter son livre dans le cadre d’une rencontre débat organisée par l’association l’improbable