Feu sur le crétinisme parlementaire, votons pour l’existence d’un parti communiste de lutte de classe (1)

, par  Gilbert Remond , popularité : 3%

Bonjour, de nombreux camarades se sont exprimé cette semaine sur le vote des communistes. Je leur donne ici la réponse aux questions qu’ils posaient telles qu’elles m’ont interrogé, mais plus largement aussi à la suite de tout ce que j’ai pu lire et entendre. Comme mon texte est assez long, je mettrai sur un deuxième message les textes qui m’ont interpelé et qui me semble apporter des éléments à notre débat.
Gilbert

Feu sur le crétinisme parlementaire, votons pour l’existence d’un parti communiste de lutte de classe

Le débat fait rage depuis une semaine autour du vote que les communistes vont émettre à partir des 24, 25 et 26 novembre. Il se dit et s’écrit tout et n’importe quoi sur ceux qui défendent l’option 2. Il se dit qu’ils sont droitiers, qu’ils veulent s’allier avec le PS, qu’ils sont tous des partisans de l’Europe sociale, qu’ils sont des diviseurs, qu’ils veulent empêcher que le seul candidat en mesure de battre la droite et l’extrême droite se retrouve au deuxième tour, bref qu’à cause d’eux, le pays va vers des jours sombres, que l’heure devrait être aux front antifascistes, au rassemblement des forces de gauche pour défendre des valeurs de progrès et j’en passe des pires et des meilleurs, tant le déluge verbal est vigoureux pour nous sommer de rallier le seul pôle possible de la raison et de la renaissance communiste.

Comme aux grandes heures de l’anticommunisme des débuts, nous sommes repartis pour tous les fantasmes possibles et imaginables, pour tous les mensonges, toutes les constructions les plus délirantes, mais aussi dans une personnalisation à outrance, un idéalisme béat. La curée est telle que Marx en prendrait des démangeaisons et une envie pressante de revenir pourfendre de sa plume sarcastique et précise, tous ces tissus d’ineptie déployés en son nom. Les philistins sont de retour.

Martelli, au lendemain du 5 novembre lance une grand idée dans Regard, le journal qu’il partage avec Clémentine Autin après avoir procédé à une fine analyse du vote. Il nous dit que l’option 2 représente un vote identitaire. Mais c’est quoi ces histoires d’identité communiste ? Voilà comment la sociologie de l’histoire fabrique des catégories qui viennent désamorcer la valeur combative des mots en les vidant de leur contenu pour leur adjoindre des assemblages d’idées qui ne leur appartiennent pas.

Il n’existe pas une identité communiste mais une pratique communiste, une pratique destinée à transformer le monde d’un point de vu concret. Cette pratique est nécessairement collective, mais elle a besoin d’une organisation. Qu’ensuite les communistes aillent dans les masses et participent à des collectifs, c’est dans leur rôle d’organisateur et d’éclaireur. Lénine ne cesse de le répéter dans "Que faire", expliquant qu’il n’existe pas de petites revendications. Il le disait en 1902 dans une période de crise politique et de reflux de l’organisation social-démocrate (qui était alors le parti révolutionnaire). Cette exigence ne devrait pas avoir changé depuis, mais il reste à reformuler la question de la prise du pouvoir à quoi ces luttes sont forcément corrélées, et pour ce faire, il faut une organisation structurée avec des objectifs clairs et non pas un foutoir mouvementiste articulé sur une vision petite bourgeoise de la société.

Les gens qui voient partout le spectre de l’identité, je leur conseille d’entreprendre un travail sur eux-même, c’est qu’il doivent souffrir d’en manquer. Martelli et tous ceux qui comme lui font de l’identité l’axe de l’engagement, aimeraient bien tout ramener à cette question métaphysique et traiter l’activité politique d’un point de vue ontologique plutôt que matérialiste. Pour les communistes, travailler avec les autres est une nécessité révolutionnaire et c’est d’autant plus facile quand on est clair avec soit même et que l’on a une base d’appui solide tel que devrait être un parti communiste.

Je rajouterai que les gens attendent cela. Les prises de consciences ne sont jamais spontanées. Elle se forgent dans les luttes et selon des degrés différents depuis des histoires et des expériences à chaque fois singulières. Le parti communiste reste ce référent permanent et solide qui permet d’apporter du sens et des perspectives. C’est pourquoi il ne doit pas disparaître et dire ce qu’il sait des matériaux qu’il a accumulé, dans les grands moments de débat national. Il s’agit d’une question tout à fait pratique qui n’a rien d’identitaire.

Autre exemple, Chassaigne fait l’objet d’une attention particulière de la part de toute la sphère mellenchonistes. Il est le seul à s’opposer au ralliement soudain de la direction. Cette position le distingue et le singularise. Il devient tout d’un coup la cible de tous et le responsable de toutes les erreurs du PCF, de toutes les situations indélicates dont le parti s’est rendu responsable depuis cinq ans. Le PRCF lui adresse une lettre ouverte pour lui demander des comptes, alors que les communistes n’ont pas encore choisi leur stratégie, mais le voila déjà désigné comme leur candidat, et comme on connaît les saints on les honore, s’il est candidat il est forcément tout puissant et donc seul responsable de son programme. Chassaigne doit donc s’expliquer .

Puis voila qu’il refuse le costume qu’on lui prête, dénonce les risques pour le parti, de disparaître en cas de soutien accordé au candidat autoproclamé de la "France insoumise", dénonce son autoritarisme et une conception hypercentralisée dans la manière de faire de la politique. Il est derechef violemment pris à parti par Alexis Corbières qui sur le mode du « c’est celui qui le dit qui est » rebascule sur son dot la critique adressé à Mélenchon et l’accuse de s’être autoproclamé candidat à son poste de député après l’exercice de trois mandats. Mais Alexis Corbières ne s’arrête pas à ce renvoi de balle, il enchaîne aussitôt sur un air que nous commençons à connaître en disant « aujourd’hui, la seule candidature pouvant empêcher un second tour droite/FN est celle de Mélenchon », puis il poursuit sur un ton menaçant « si Chassaigne continue a s’obstiner à nous tirer dans le dos, on s’interrogera sur les racines politique de cet acharnement, d’un noyau d’hypocrites remplis de mauvaise fois ».

Depuis quinze jours, les interventions des mélenchonistes sont toutes taillées sur ce modèle. Elles oscillent entre la mégalomanie et les menaces. Qu’a dit Chassaigne ? Dans une tribune publiée dans l’Humanité, il donne son analyse de la situation par les mots qui suivent « Réunis en conférence nationale le 5 novembre à Paris, les délégués du PCF de tout le pays ont envoyé un message fort, dont la teneur et le sens profond méritent ici d’être précisés. Les médias l’ont en effet interprété comme un vote contre Jean-Luc Mélenchon. Cette lecture est superficielle. Certes, la personnalisation de cette candidature, comme son orientation, suscitent de justes interrogations auprès de nombre de nos militants. Il n’empêche, l’essentiel est ailleurs. Ce vote revêt un sens positif, constructif et dynamique ». Franchement, peut-on continuer à le qualifier de pro socialiste « hypocrite et de mauvaise fois » quand, dénonçant les coup de butoirs des gouvernements socialistes, il explique quelques lignes plus loin : « Dans le contexte actuel, une candidature issue du parti communiste est légitime et nécessaire pour faire entendre la voix des communistes. Bien au-delà, elle a vocation à rassembler les progressistes de notre pays. ».

S’agit-il dans son esprit de temporiser et de tromper nos attentes quand il termine sur ces mots « une candidature qui portera l’exigence et l’urgence de mettre en chantier une société nouvelle. Une candidature qui n’affronte pas seulement la finance par les mots, mais par les actes, en s’appuyant sur les intelligences et les mobilisations sociales. Cette fin de semaine, par leur vote, les communistes se doivent de prendre leur responsabilité devant l’Histoire, notre Histoire. » ?

Avons-nous décidé de faire d’avantage confiance à ses détracteurs, à ceux qui ne lui pardonnent pas son refus d’être dans la conformité de la clique de petits bourgeois qui traîne depuis l’élection de Hollande ses états d’âme sur toutes les scènes du parisianisme et autres "lundi de gauche" ? Je lis ici et là que nous serions bicéphales, que les partisans de l’option 2 ne sont pas homogènes entre eux et qu’ils tirent dans des directions différentes. Est-ce de cette manière que se traitent dans leur conflictualités internes les contradictions secondaires qui s’opposent dans un pacte de circonstance à une contradiction externe qui les menace ? Sont-elles nécessairement destinées à devenir des forces centrifuges ? Ne sont-elles pas au contraire soumises à un travail qui peut les conduire à l’ unification, par une prise de conscience des objectifs communs et des ressorts que possède la situation nouvelle ?

Nous soutenons une candidature communiste parce que c’est une nécessité historique pour au moins deux raisons. La première c’est que si nous ne le faisons pas nous acterions de fait ce que les directions successives que nous avons connu cherchent à faire depuis Martigues, à savoir donner sa fin au PCF. La deuxième c’est que si nous ne le faisions pas, nous laisserions les campagnes des présidentielles et des législatives sans contradicteurs face aux candidats du MEDEF et laisserions les classes populaires sans perspective de luttes, sans organisation pour leur permettre de les structurer.

La "France insoumise" n’est qu’un ramassis de petits bourgeois qui agitent le catalogue de ses revendications en faisant un bras d’honneur à la classe ouvrière. Il n’y a qu’à vérifier dans son programme pour comprendre quelle est sa position sur la fiscalité où sont repris les propositions très rocardiennes de la TVA, sur les salaires avec un SMIC à un niveau nettement en dessous de celui proposé par la CGT, ou sur les questions industrielles. Ce programme, n’annonce aucune nationalisation significative des grands groupes qui décident de l’économie nationale, et privatise de fait les services publics d’énergie avec ses propositions de transition écologique.

Face aux programmes de la droite, qui vont pouvoir continuer en l’accentuant encore plus fortement la politique libérale du gouvernement socialiste, ce ne sont pas quelques coups de mentons dans des messes à grand spectacle taillées sur mesures pour la nouvelle idole des classes moyennes, que la riposte va pouvoir s’organiser et prendre quelque efficacité. Certains ne croient plus en notre parti ; je ne sais pas comment ils concevaient leur opposition quand ils militaient dans leurs réseaux, mais pour moi il n’y a qu’une solution envisageable, faire le travail militant avec les camarades, et faire avec eux l’expérience de la vacuité de cette direction en la démontrant dans les faits à chaque fois que nous nous trouvons en défaut face aux nécessités des luttes.

Je constate de ce point de vue, que quelque chose vient de se manifester avec force qui traduit un refus net de ce qu’il se passe depuis des années. Contrairement à ce que beaucoup indiquent, ce refus est porté par la jeunesse qui exige d’avoir les moyens des combats pour lesquels elle s’est engagée. Il l’est aussi par tout un réseau de cadres intermédiaires qui constatent avec effarement les incompétences de notre direction et son incapacité à avoir prise sur le mouvement de la société.

La dernière décision prise par cette direction en est une parfaite illustration. Elle préfère au nom d’un tout sauf avec le parti, faire cause commune avec l’ennemi d’hier, plutôt que de laisser les communistes se battre sous leur drapeau. Cette direction n’est plus communiste, nous le savions, mais le plus extraordinaire c’est que ses contempteurs d’hier deviennent tout d’un coup ses plus fervents soutiens, parfois au nom même du communisme dont ils auraient seuls gardé la quintessence, en remettant toutes les responsabilités que cette direction porte, sur le dos de ceux qui veulent ouvrir une autre voix que celle de la résignation.

Redisons le, l’option 1 est celle que défendent tous les partisans de la liquidation. Elle est celle de tous ceux qui depuis Martigues défendent les accords privilégiés avec le PS, d’ailleurs, ce week-end, Dartigolle se retrouve dans le Nord avec tout un aréopage de cette gauche de casse et de catastrophe. Un camarade qui nous écrivait récemment faisait une analyse qui à priori semblait juste. Ceux qui défendent l’option 2 en effet, à première vue, ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. Cependant comme nous avons pu le constater à l’occasion du derniers congrès, nombre d’entre eux s’étaient déjà rapprochés de nous sur un certain nombre de questions importantes, comme celles de la sortie de l’Europe ou du refus des primaires. Nous aurions pu d’avantage rassembler tous ces camarades si nous avions pu leur proposer un texte commun, qui dépasse les petites différences qui ont fait l’éparpillement sur les texte 3 et 4. Le refus qui nous a été opposé par celui qui aujourd’hui appelle au boycott, n’a pas permis ce rassemblement. C’est un manque à gagner pour la bataille d’aujourd’hui, c’est une perte de temps d’énergie et d’efficacité car on est toujours plus fort uni que divisé. Alors faisons attention de ne pas reproduire cette erreur.

Conforme à notre objectif d’unir les communistes nous avons décidé de soutenir l’appel intitulé « pour un choix clair », tout en indiquant les faiblesses et les ambiguïtés contenues dans ce texte (voir les précédents courriers que je vous ai envoyés et qui sont sur le site lepcf.fr). Cette attitude a permis une dynamique et le résultat du 5 novembre. Cette dynamique s’est confirmée et renforcée depuis. Un deuxième appel issu d’une vingtaine de membre de l’exécutif national du parti a confirmé leur choix pour l’option 2 tout en appuyant d’avantage sur la nécessité d’une candidature communiste « garantie d’une démarche collective » capable de porter une exigence populaire et de travailler au rassemblement le plus large possible.

Comme le disait Gilles Gourlot, il y a rassemblement et rassemblement. Il y a le rassemblement de la gauche ou des gauches et puis il y a le rassemblement à faire en terme de classe, le rassemblement de tous ceux qui ont des intérêts communs contre le capital et les grands monopoles. Ce n’est pas exactement le même scénario, ni le même projet, parce que ce n’est pas le même objet. Notre conception du rassemblement réclame d’autres moyens que ceux du spectacle et des cliques sur internet. Il réclame un autre engagement que celui de l’esbroufe et des reality-show. Il réclame une force militante de terrain et des convictions de combats. C’est sur ce point particulier qu’il existe un gouffre entre le projet des communistes et celui de la "France insoumise" (voir le petit reportage de Descartes et son analyse de la « France insoumise »).

Alors ne reprenons pas les méthodes, ni les présupposés de l’analyse que faisait la gauche de la gauche sur le résultats du référendum sur la constitution européenne, d’après lesquels il y aurait eu un non de gauche et un non d’extrême droite. Et bien non, il y eu un vote de classe, principalement issu des quartiers populaires, qui s’est prononcé pour le non et un vote des classes moyennes qui s’en est distingué en votant pour le oui avec la grande bourgeoisie. Pareillement il y a eu le 5 novembre un vote pour le parti et la poursuite de son existence dans les luttes du peuple et un vote pour son effacement, un effacement qui à court terme enclenchera sa disparition.

D’une part, il faut faire l’analyse de ce vote en terme de contradictions. La contradiction principale se trouve aujourd’hui entre ceux qui veulent continuer le parti et le rendre présent partout où se produit le mouvement de ceux qui résistent au capital et veulent un changement de société et ceux qui veulent le paralyser et le considèrent comme une chose inutile d’autre part. Nous avons reçu cet outil des mains des générations qui avant nous ont porté haut le drapeau du monde du travail et de la lutte des classes. Nous avons aujourd’hui la tâche de lui redonner son usage, de le remettre aux générations qui viennent. Les contradictions ne sont pas des choses figées. Elles produisent du quantitatif et du qualitatif dans leurs affrontements. Je vois déjà les positions se raffermir dans le groupe de ceux qui ont exigé « un choix clair ». Le camarade qui nous disait qu’il y a deux groupes qui ne sont pas en phase, semble à priori avoir raison, cependant je vois que les groupes se rapprochent du fait du combat qu’ils mènent ensemble et des contradictions qu’ils affrontent dans ce combat.

Lénine constatait qu’il existe des périodes où les choses s’accélèrent et où la conscience de classe fait des bonds fulgurants, comme après 1905 ou en 1917. On ne résout que les questions qui sont en passe d’être résolues parce qu’elles ont été mûries par des conditions objectives. Elles le sont parfois dans la méconnaissance conscientes de leurs acteurs, ils pensent être à jamais figés dans l’attente du mouvement, puis tout d’un coup le fruit tombe quand ils ne s’y attendaient pas. Nous somme arrivés à un carrefour, où tout le travail fait par le réseau depuis plusieurs congrès et singulièrement au cours du dernier, est en train de prendre sens dans la tête de nombreux communistes.

La campagne des primaires de la droite vient de faire souffler un vent glacial sur le pays, mais les partisans de la "France insoumise" n’en tirent qu’une chose : ils sont les mieux placés pour les battre. Ils refusent de s’apercevoir que quelque chose vient d’arriver qui va tout redéfinir dans les scénarios des uns des des autres. Or tout n’est pas encore connu. J’ai envie de dire, mais attendez l’entrée en campagne du PS avant d’établir vos certitudes. Cette campagne pointe déjà son nez avec le soutien de personnalité de la culture apporté à Hollande. Elle commence depuis les résultat du premier tour des primaires de la droite avec la montée au créneau contre ses programmes. On voit poindre à cette occasion l’esquisse d’une stratégie, le PS se présentant en seul recours crédible contre le dangereux retour au pouvoir d’une droite dure. Bientôt viendra le tour des primaires socialistes. Il n’y en aura rien que pour eux et ils vont pouvoir se poser comme le seul vote utile pour empêcher le programme revanchard de la droite. Il aurons alors beau jeu de faire apparaître Mélenchon comme un diviseur, comme ils avaient déjà réussi à le faire en 2012, et je suis près à parier qu’il y aura de nombreux retours de vestes.

Les attaques des mélenchonistes et des partisans de l’option 1 cherchent à nous faire peur avec des spéculations qui feront pschitt dans le vif de la campagne. L’élection qui arrive risque de nous réserver à tous une grosse surprise, ce sera cela notre Brexit ou notre effet Trump. C’est à dire qu’à la sortie de la foire d’empoigne à laquelle se livrent les actuels prétendants, nous risquons d’avoir un résultat que personne n’avait prévu six mois avant. Déjà Fillon a pris tout le monde de court. Le Pen tiendra-t-elle la longueur face à lui ? Poutine a fait connaître sa préférence et il a du flair. C’est normal il n’est pas pris dans les mêmes contradictions que nous et il défend ses intérêts. Le réalisme politique va trancher, ce sera sec et sans bavure, car comme nous l’observons depuis quelques temps, le monde ne peut pas se satisfaire des formes dans lesquels l’idéologie veut l’enfermer. Ceux qui restent dans les combinaisons d’hier n’ont aucune chance de se dégager des élections à venir !

Le peuple a une sorte de flair qui lui donne souvent des intuitions qui dérangent le jeu conventionnel. Mélenchon est un homme d’hier, il fait parti du système. Fillon est parvenu à donner l’idée qu’il lui était extérieur. Enfin trop de gens donnent le PS mort, quand rien n’est moins sûr. Les verts ont choisi celui qui voulait défendre les idées du parti au lieu des combines avec les partis. La tendance on le constate est au grand ménage, et seul un communiste qui n’a pas trempé ses mains dans tout ce petit monde parisien pourra rassembler les milieux populaires.

Quand ils n’utilisent pas les insultes ou les tentatives de culpabilisation, les mélenchonistes et leurs supplétifs gauchistes lancent des tentatives de séduction ou désinforment sur la réalité des soutiens qu’ils enregistrent. C’est le cas avec cette information qu’ils jugent de la première importance et qu’ils rappellent à l’envie sur les réseaux sociaux, du ralliement depuis le mois de juin d’une fédération complète du PCF à la "France insoumise". Alors là je peux vous dire qu’il nous prennent vraiment pour des idiots. Voilà des semaines, voire des mois qu’ils nous donnent cet exemple comme représentant l’étalon de ce qui va permettre de tout changer pour construire la seule vraie alternative. Seulement voilà, il y a plusieurs détails qui ne donnent pas un fond harmonieux à ce joli roman et qui en troublent sérieusement la trame narrative. Qui sont ces communistes ?

D’abord je voudrais rappeler que nous avons connu le parti plus prompt à dissoudre une fédération qui ne respectait pas les statuts quand cela l’arrangeait. La Somme en sait quelque chose. Ensuite qu’aurait dit ce même parti si nous avions soutenu publiquement un autre candidat que celui qui nous avait été imposé dans des circonstances assez semblables il y a cinq ans ? Ou encore plus récemment dans certaines circonscriptions où avaient été passés des accords avec le PS ?

Voila donc une fédération qui le congrès terminé fait officiellement savoir qu’elle prend une autre orientation que celle votée par les conférences et qui choisit en dehors de toute procédure légale une démarche indépendante ! Qu’est-ce à dire ? N’est-on pas fondé de se demander à quoi il peut servir de la laisser poursuivre la bride laissé libre au cou ? Ensuite cet article nous apprend que cette même fédération organise 19 collectifs de soutien à la "France insoumise" avec d’autres militants, pour atteindre un effectif mirobolant de 170 inscrits sur le département.

Enfin il y a cette information savoureuse que l’on nous donne sans doute à titre exemplaire, qu’ils ont enregistré 28 adhésions sur cette base et que ce chiffre correspond a 30% de leurs adhérents. Ah bon, mais alors trois fois 28, même en rajoutant quelques unités pour arrondir, cela fait quelque chose comme 90 adhérents pour toute la fédération, c’est a dire un groupuscule. Autant dire que le PCF est inexistant dans ce département. N’est-ce pas faire beaucoup de bruit pour rien comme disait le grand Shakespeare ? A moins que justement il fallait bien ébruiter, à titre de sonde, la nouvelle impertinence dans un galop d’essai, vers les grands pâturages de la "France insoumise". Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils font l’objet de beaucoup d’attention et sont devenus très utiles au nouveau cours du rassemblement comme à tous les donneurs de leçon qui viennent nous expliquer où se trouve le vrai courage.

Dans mon dernier texte, je concluais en reprenant un passage du livre de Laurent Gaudet "Ecoutez nos défaites". Je pense qu’en effet il est temps d’avoir cette écoute, comme le demandent certains camardes dans leur courrier. Il est temps d’apprendre des défaites que nous avons subi toutes ces années. Il est temps de questionner les stratégies d’union de la gauche qui depuis 1965 nous livrent à chaque fois dans les pattes de machiavels qui ne pensent qu’a leur carrière et assurent la pérennité des institutions bourgeoises. Il faut sortir « du crétinisme parlementaire », sortir de ses limites qui « enferment dans un monde imaginaire, enlève tout sens du souvenir, toute compréhension pour le dur monde extérieur ».

Je relisais ces jours "Les luttes de classe en France" et je trouvais en ouvrant le livre un avertissement de Karl Marx qui m’a tout de suite sauté au yeux, comme un écho du passage que j’avais évoqué du livre de Laurent Gaudet. Marx tenait à faire la remarque suivante « A l’exception de quelques rares chapitres, chaque période importante des annales de la révolution de 1848 à 1849, a pour titre : défaite de la révolution !. Ce qui succombât dans ces défaites ce n’est pas la révolution. Ce sont les traditionnels accessoires prérévolutionnaires, résultant de conditions sociales qui ne s’étaient pas encore exacerbées en conflit de classe, personnes, illusions, projets, dont le parti révolutionnaire n’était pas libéré avant la révolution de février, dont il ne pouvait être libéré par la victoire de février, mais seulement par une série de défaites. En un mot : ce n’est pas par ses conquêtes tragi-comiques immédiates que la révolution a progressé et s’est frayé la voie ; bien au contraire, en produisant une contre révolution massive, puissante, en suscitant un adversaire à combattre, le parti de la subversion s’est mué en parti réellement révolutionnaire ».

Marx dans le développement qui s’en suit, fustige l’hésitation de la classe historiquement censé être appelé a gérer la société en asseyant sa domination grâce au régime parlementaire. L’expression "crétinisme parlementaire" qui la visait, sera repris plus tard par Engels pour accuser le parlement de Francfort « d’une maladie incurable » qui faisait pénétrer « dans ces infortunées victimes, la conviction solennelle que le monde entier, son histoire et son avenir, étaient gouvernés par la majorité, dans ce corps représentatif particulier qui a l’honneur de les compter parmi ses membres ». Mélenchon ne nous prose rien d’autre, il est tout entier tourné vers la gloire présidentielle et ses conséquences législative pour, avec une révolution dans les urnes, nous enfermer dans une assemblée constituante dont tout le salut viendrait. Loin de s’appuyer sur les luttes des masses, il nous renverrait assurément dans l’ornière des cinquante dernières années, tout occupé par son complexe de Charléty. Marx s’en prenait pour le démystifier, au neveu de l’oncle et à son socialisme [1] impérial, nous avons à faire un travail de la même dimension avec le plus mitterrandien des trotskystes et sa révolution citoyenne, mais nous ne pourrons échapper non plus à la tâche d’une relecture critique des années d’union de la gauche et de ses stratégies mortifères.

Gilbert Rémond

[1dans une première version de ce texte, une erreur avait fait écrire « impérialisme impérial » qui ne voulait pas dire grand chose...

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