11es rencontres internationalistes de Vénissieux
Cinq défis pour le mouvement anti-impérialiste Intervention de Milena Polini, Assemblée Internationale des Peuples

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Deuxième séance des rencontres internationalistes de Vénissieux, intitulée « Le monde, le sud global, le développement et les coopérations face au dollar » avec une vidéo de Daniel Jadue, maire de Recoleta connu pour ses innovations sociales, dirigeant du parti communiste chilien, candidat remarqué à la primaire de la gauche chilienne. Il devait participer à nos rencontres mais a été emprisonné dans des provocations judiciaires sans fondements, libéré récemment mais toujours assigné à résidence. Milena Polini, qui remplace Rodrigo Suñe, du secrétariat international de l’Assemblée Internationale des Peuples. Elle présente cette organisation peu connue en France et l’expérience du mouvement des sans terres au Brésil. Elle explique l’action contre l’impérialisme a besoin de la perspective du socialisme. Enfin Leyanis Perojo Martiatuun, secrétaire de l’ambassade de Cuba en France, présente la situation difficile de Cuba en même temps que l’engagement du peuple cubain pour relever le défi de son indépendance face à une véritable guerre non déclarée menée par les USA.

Séance présidée par Yves Cotten, militant communiste du Rhône, responsable de Cuba Coopération Lyon Métropole

Intervention de Milena Polini, Assemblée Internationale des Peuples

Elle a proposé un long exposé sur la démarche de l’assemblée internationale des peuples, notamment avec l’expérience du mouvement des sans terres au Brésil. Son témoignage structuré autour d’une réflexion et analyse politique du système capitaliste, en recherche pour une pratique internationaliste. En conclusion, elle précise cinq défis pour le mouvement : approfondir la lecture de la réalité par la dialectique et le marxisme de la crise structurelle et des actions visant à une transformation radicale de la société ; reprendre la centralité de la classe ouvrière (les outils traditionnels étant insuffisants) ; formation politique et idéologique des militants ; unité dans la diversité contre les spoliations pour changer les rapports de force ; recherche de centralité des organisations internationalistes.

Milena Polini, Assemblée internationale des peuples, Mouvement des Sans-Terres du Brésil

Intervention de Milena Polini

Bonjour à tous et à toutes. Je suis du secteur internationaliste du mouvement des sans-terres, et je suis ici en France pour accompagner une délégation qui célèbre nos 40 ans avec le comité des amis.

Donc ma tâche c’est de vous parler de notre analyse des conjonctures internationales. Ce ne sont pas mes idées, mais des analyses collectives du mouvement des sans-terres et aussi de l’Assemblée internationale des peuples (AIP).

Dans un premier temps, je vais parler de la situation générale et ensuite des défis. Si vous avez l’envie de savoir un peu plus sur le mouvement des sans-terres ou l’AIP, on peut discuter dans le débat. L’AIP est une coordination que nous avons créé depuis l’Amérique latine, un effort pour organiser des mouvements, des partis, des syndicats, tous les sujets collectifs, pour avoir une stratégie en commun pour combattre l’impérialisme.
C’est une coordination qui est plus forte au sud global, mais que nous essayons de rendre concrète ici en Europe. Nous travaillons avec l’Institut tri-continental par exemple qui est un institut de recherche qui fait la liaison entre le Brésil et l’Afrique du Sud, et d’autres pays du Sud global.

L’Assemblée internationale du peuple est une coordination nouvelle, elle a 6 ans. Je peux en parler plus, mais elle va apparaître dans les défis. Après la présentation, vous allez comprendre mieux pourquoi nous avons décidé de mettre de la force dans cette coordination et dans cette organisation au niveau international.
(…)
Pour commencer aujourd’hui, prenons un peu du temps et on va retourner à la chute du mur de Berlin. Depuis ce temps-là, nous sommes dans une longue période de défaite de la classe ouvrière. Depuis la chute du mur de de Berlin, donc le changement dans le rapport des forces, dans la géopolitique mondiale, on monde qui était bipolaire et qui après la chute est devenu unipolaire, seulement une force.

Dans ces moments-là, les États-Unis ont commencé à défendre un narratif de la fin de l’histoire qui est le capitalisme, c’est la règle et il n’y a pas d’autres possibilités. Ils ont essayé de faire ces discours et ce narratif qui persiste même jusqu’à aujourd’hui. Ils ont commencé à consolider un bloc impérialiste du nord global, avec une hégémonie culturelle, économique et militaire. Et dans le même temps, ils ont commencé à essayer des projets néo-libéraux en Amérique latine qui a organisé des résistances. Mais ça a été un peu comme une conséquence de cette consolidation du bloc du Nord global. On dit qu’ils sont un bloc solide, parce que ils ont ces 3 aspects en commun, ils ont la même idéologie, ils ont un rapprochement économique et aussi militaire avec l’OTAN.

Après la crise de 2008 dont tout le monde a connaissance de ce qui s’est passée au cœur du capitalisme, les contradictions de ce système de production capitaliste ont été élevées à niveau mondial. L’idée que c’était la fin de l’histoire et que c’est seulement l’unique réponse, a été mise en échec. Parce qu’on peut voir plus clairement les contradictions de ce système. Et lorsque ces contradictions deviennent apparentes, cela ouvre une porte d’une part à l’adaptation du capital qui régénère le système capitaliste lui même, mais aussi d’autre part, au développement des idées révolutionnaires visant à dépasser le capitalisme.

Quand on ouvre une porte, on peut avoir les deux. Elles sont des idées antagonistes, mais ça se passe dans le même temps, le capitalisme peut se renforcer, mais on peut modifier le système, avancer sur d’autres projets de transformation.

Pour nous, cette crise qui est passée, est une crise structurelle. Elle est structurelle parce que dans son origine, elle se trouve dans le système productif, dans l’organisation même du système. Donc il est impossible de dépasser cette crise sans s’attaquer au fondement même du capitalisme.

Les principales dimensions de cette crise sont en premier, la crise économique. On voit de plus en plus la concentration des richesses, on voit de plus en plus de riches et plus de personnes dans la pauvreté.

La 2e caractéristique de cette crise, c’est la crise environnementale, qu’on ne peut pas nier non plus. C’est ce qui suit la logique d’appropriation des biens communs de la nature par des intérêts privés dans le but des profits.

La 3e caractéristique de cette crise structurelle, c’est la crise politique. Parce que ça démontre aussi la fragilité de la démocratie libérale bourgeoise, où la majorité a moins de voix et moins de force sur les décisions politiques. On peut parler d’un exemple, en France ce qui s’est passé avec le Premier ministre. La population, la majorité a dit une chose, et après le président en a fait une autre. Donc la voix de la plupart de la population, n’est pas écoutée, même dans cette logique de la démocratie bourgeoise.

Le 4e caractère de cette crise, c’est la crise sociale, parce que on voit de plus en plus, de faim, de pauvreté ; les retraites, les droits et la condition de vie des gens sont pires. C’est une dimension aussi de la crise.

Donc, quand on dit qu’on doit avoir un projet qui est radical, c’est parce qu’on croit qu’il devrait être à la racine du problème. Donc si la crise, elle est dans la racine du système, on doit être radical pour aller à la racine et transformer les choses, l’essence du système.

On a commencé à voir un déclin, une décadence même de l’hégémonie économique, des États-Unis et même du nord global. Et ce déclin, il a des conséquences. Quand l’occident se rend compte qu’il est en déclin, il commence à augmenter ses dépenses militaires et ses interventions militaires comme une façon de de répondre à cette perte. Par exemple, les guerres que vous connaissez, en Palestine, en Ukraine, à Taïwan et dans d’autres parties du monde.

Les pays du Nord global avec l’OTAN représentent 75% des dépenses militaires mondiales. C’est pour ça que c’est aussi une alliance militaire. En 2e place, c’est la Chine qui représente 12% de la dépense mondiale, pour la plupart pour payer l’armée permanente, donc ce n’est pas pour avoir des bases militaires. Alors que les États-Unis ont plein de bases militaires, dans presque tous les pays, et même à à Cuba. Ils ont des bases militaires partout. C’est ce qui fait qu’ils ont une dépense très grande.

Mais du coup, l’issue que le capitalisme a trouvé à ce scénario n’est pas de ralentir le système face aux crises, mais au contraire, il accélère la crise pour augmenter la destruction de la nature en faisant payer les coûts aux travailleurs et plutôt aux travailleurs du Sud global. Même au Nord global, les travailleurs commencent à payer, ça se traduit par exemple dans le retrait des droits, l’augmentation de l’exploitation et de la répression, et que de nouveau, on continue dans une logique de néocolonialisme. Si on pense à ces guerres, et nous avons beaucoup parlé de ça hier, de ce caractère de la guerre, du génocide en Palestine, du caractère colonial ou même néocolonial, n’importe néo ou colonial, c’est la même logique et la même structure d’agir, de penser et de l’idéologie.

Sur le plan géopolitique, nous nous dirigeons, si on se rend de compte de ce déclin de l’hégémonie, économique, nous nous dirigeons vers un monde multipolaire, avec la Chine, l’Inde, la Russie, qui deviennent des centres de développement économique et qui mettent en échec la suprématie des États-Unis.
On a un bon exemple, les BRICS. On fait une analyse, le nord global, c’est un bloc solide, mais le sud global, ce n’est pas encore un bloc solide, parce que nous n’avons pas une alliance idéologique, nous n’avons pas une alliance militaire, mais on essaie d’avoir une alliance économique à travers les BRICS.

Les BRICS essaient de ne pas mettre le dollar comme paramètre, mais de construire, de développer des valeurs qui ne sont pas des valeurs impérialistes. Les deux pays qui veulent faire des échanges gagnent. C’est une manière de respect de la souveraineté des peuples qui ne passe pas dans des accords avec le nord global. Donc nous apportons un support aux BRICS mais nous pensons qu’on doit dire au-delà des accords économiques, qu’on doit faire aussi une alliance idéologique. Mais ça dépend de chaque pays. Et ça ne va pas tellement vite. Mais c’est une bonne initiative du Sud global qui commence aussi à questionner le rôle de ces organisations internationales par exemple l’ONU, et son effet pratique dans la réalité. On voit de plus en plus qu’elles ne réussissent pas à faire grand chose. Donc ça commence aussi à questionner ce rôle de ces organisations internationales qui font des promesses, mais qui n’accomplisse pas dans l’action. C’est ce dont nous avons parlé hier, elles ne sont pas coupables, mais elles ont une responsabilité sur ces actions.

Si on pense au cas de de Palestine, si on pense aussi au cas des des entreprises multinationales qui détruisent le sud global et n’ont pas de respect, n’ont pas de responsabilité avec les peuples, avec la nature. Si on pense à l’Amérique latine, la principale marque de cette crise, c’est ce que je viens de vous parler, c’est l’augmentation de la pauvreté, la diminution de l’accès aux services publics, et aussi les effets du changement climatique.

Donc nous avons vu cela, pas seulement en Amérique latine, mais même en France, en Suisse, en Espagne, au Brésil. En Amazonie, le fleuve commence à sécher. Le principal fleuve du monde commence à sécher dans quelques parties ! La population, le peuple, ont les effets de la crise environnementale dans leur propre peau et ça affecte aussi la souveraineté alimentaire en Amérique latine, et aussi partout dans le monde. L’expression de l’impérialisme au cas du Brésil, c’est l’agrobusiness, cette logique de la monoculture. On ne dit pas expropriation, on dit plutôt spoliation des ressources naturelles. On dit spoliation parce que ce n’est pas "on a besoin de ça", non c’est "on va enlever tout, on va détruire tout", pour nos profits et pour nos intérêts privés.
Ça, c’est l’expression directe de l’impérialisme. Par exemple au Brésil avec les grands propriétaires terriens, avec les grands latifundia des monocultures qui utilisent beaucoup de pesticides et qui même dans le cas des mines tuent, des rivières, des fleuves, ils tuent. C’est le cas de mariana, le barrage est rompu et le fleuve est tué, tout un écosystème. C’est tellement grave et on se sent un peu prisonnier, parce que ces entreprises, elles ne sont pas brésiliennes. On dit souvent que nous n’avons pas une bourgeoisie nationale. C’est évident que nous avons des gens qui sont nés au Brésil, mais elles ne sont pas nationales parce que elles correspondent aux intérêts du capital étranger. Ils n’ont pas un projet national, même s’il y a un côté de droite. Ils n’ont pas un projet de nation. Leurs projets c’est seulement du profit et du profit pour atteindre les intérêts étrangers.

Et donc ça fait aussi une instabilité politique dans la région. Par exemple le cas du Venezuela ou d’autres pays, même au Brésil. Et ça fait aussi et ainsi une crise, des projets en dispute et une offensive idéologique. La question idéologique, elle est très forte et culturelle. Ils font une offensive idéologique.

J’ai parlé avec un un camarade sur la position de Lula sur le Venezuela. Il a dit les mêmes discours que le Nord global et les États-Unis. Donc c’est aussi une offensive idéologique. Les gauches manquent dans ces moments d’avoir des projets concret, pour résoudre les problèmes concrets de la population. Parmi les pays, je parle surtout sur le Brésil, parce que nous avons un gouvernement de gauche maintenant, mais les projets, ils ne sont pas les mêmes que les discours. Le discours c’est un, et la pratique c’est une autre. Parce que il y a plusieurs aspects qu’on doit prendre en compte. Par exemple le Parlement, la majorité de droite ou d’extrême droite, ou par exemple les élections municipales et les gouverneurs des États qui qui ne sont pas de gauche. Donc c’est difficile de mettre en action un projet qui a été élu.

Cette partie de la crise, je parle toujours de la crise structurelle, et de ses conséquences, elle ouvre une porte pour la montée des idées d’extrême droite, et de sortie autoritaire dans cette crise. C’est ce qui s’est passé au Brésil avec Bolsonaro, mais aussi en Europe, avec l’élection de plus en plus de candidats d’extrême droite, et nous avons vu, récemment, les élections aux États-Unis. Donc face à une crise, l’extrême droite augmente, elle monte, parce qu’elle donne des solutions qui sont des solutions faciles, parce que ce ne sont pas des vraies solutions et que ça attache la population qui n’a pas un un niveau de conscience de classes.

Avoir cette dimension de classes, passe aussi par cette dimension culturelle. Nous affirmons que l’hégémonie culturelle, elle est aussi en dispute. Ce n’est pas donné que les États-Unis ou que le nord global ont une hégémonie culturelle pleine. Elle est aussi en dispute. Nous savons que la dimension économique est en déclin, la dimension militaire, elle est toujours à l’épreuve, avec les dépenses militaires au plus haut, mais la dimension culturelle, c’est aussi un champ de bataille qu’on doit doit penser et sur lequel on doit agir.

Donc, en tenant compte de tous ces éléments, la tâche principale des forces populaires pour nous aujourd’hui est de s’impliquer dans la confrontation contre ce système impérialiste, qui tente de contrôler des territoires tout en menaçant nos démocraties avec les idées fascistes et aussi de notre survie avec les armes nucléaires.

Nous devons donc renouveler nos efforts pour la paix tout en développant, toutes les formes des luttes nécessaires à cette confrontation. Et aujourd’hui, il ne suffit pas seulement de critiquer l’impérialisme ou le néolibéralisme, mais nous devons faire avancer un programme en commun.

Pour construire une alternative au capitalisme. Pour nous, le mouvement des sans-terres, et l’Assemblée internationale des peuples, l’alternative c’est le socialisme.

Pour finir, je vais parler des 5 défis pour nous dans ces moments.

Cinq défis pour le mouvement anti-impérialiste

Cinq défis pour une réflexion sur les tâches urgentes face à la crise du capitalisme et ses différentes dimensions et effets, tels que les guerres, la montée de l’extrême droite et le contexte de la défense de la classe ouvrière :

1. Affiner notre lecture de la réalité, dans une perspective historique et dialectique, sur le caractère et les conséquences de la crise structurelle, avec le marxisme comme guide pour l’action. Nous n’étudions pas la réalité pour devenir plus savants, mais pour avoir une plus grande capacité à influencer les contradictions et à accumuler de la force sociale et politique pour transformer radicalement la société.

2. Reprendre la méthode du travail de terrain, en dialogue avec la réalité concrète de la classe ouvrière, qui n’est plus la même qu’il y a 20/30 ans. Nous avons besoin de créativité et d’audace pour organiser les gens. Nous ne renions pas les outils « traditionnels », mais ils sont insuffisants face aux nouveaux défis.

3. Former politiquement et idéologiquement une nouvelle génération de militants afin qu’ils puissent continuer à construire un projet socialiste pour nos peuples. C’est pourquoi l’AIP consacre beaucoup d’énergie à l’organisation d’écoles et de processus de formation dans chaque région, en encourageant l’étude et la réflexion, toujours sur la base de la pratique concrète qu’ils développent déjà.

4. L’unité dans la diversité - il est essentiel de travailler à l’unité dans les luttes contre l’impérialisme et sa machine de guerre (OTAN), contre le pillage des biens communs de la nature par les grandes entreprises transnationales, contre le retrait des droits, contre l’avancée des idées fascistes. Pour que notre lutte soit couronnée de succès, elle doit être une lutte de masse, car c’est la seule façon de changer la corrélation des forces, et pour cela l’unité est fondamentale. Il faut se concentrer sur les convergences et non sur les divergences.

5. La centralité de la solidarité internationale, en tant que valeur, principe, mais fondamentalement en tant qu’élément de notre stratégie de lutte. C’est pourquoi nous nous concentrons sur les actions de solidarité avec Cuba, le Venezuela, la Palestine et les luttes des peuples d’Afrique contre le néocolonialisme (Sahel, Congo, Soudan, etc.). Il ne suffit pas de parler, il faut une pratique internationaliste qui soit cohérente avec nos rêves et qui agisse fermement dans la réalité.

L’assemblée internationale des peuples

Pour mieux découvrir cette assemblée internationale des peuples, créés par les mouvements sociaux de masse du Sud, en réaction à la domination des ONG occidentales dans les forums sociaux mondiaux, un article à lire

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