"Ils disent Venezuela, on dit Suède". Le virage social-démocrate de Podemos : copier le PS de 1982 pour être le PS de demain ?

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Combien faut-il à Podemos pour Podemos abjurer ? En moins d’une année, la formation qui peut mais ne sait ce qu’elle veut a affirmé sa volonté : être le PSOE de demain. C’est ce qu’affirme son leader Pablo Iglesias, ce que confirme le nouveau programme du parti.

27,7 %. C’est le sondage de novembre pour Podemos. Vertige du pouvoir. De quoi revenir en quelques semaines sur certaines prétentions au changement radical. Mais qu’y a-t-il à renier ?

L’idéologie du possibilisme (Podemos, yes we can !), ce programme du « Vous verrez quand on gagnera ! » (Veremos quando venceremos !), représente un vide idéologique fait mouvement politique.

Un mélange composite de jeunisme, de rejet de la politique traditionnelle, de mouvement d’intellectuels universitaires parlant aux intellectuels déclassés, de spontanéisme dévoyé, d’alter-européisme plein de bons sentiments doit grandir, vite. Il doit devenir un parti de pouvoir, déjà.

Le programme des élections européennes ne proposait rien de révolutionnaire. Ambigu en parole, opposé de fait aux nationalisations (parlant de « contrôle public »), prônant le maintien dans l’euro, silencieux sur la réappropriation des terres ou des logements, Podemos n’a pas promis le Pérou.

Renoncements sur la nationalisation des banques, la retraite à 60 ans, la dette...

Pourtant, le programme publié cette semaine, défendu par les économistes réformistes Juan Torres et Vicenç Navarro, intitulé un « Projet économique pour les gens » marque un tournant social-démocrate assumé. Quatre points marquent un recul par rapport aux élections européennes.

1 – Abandon de toute nationalisation du secteur bancaire. Pas réaliste. Podemos propose de réformer l’Institut de Crédit Officiel (ICO) pour recevoir des « prêts du BCE dans les mêmes conditions que la banques privées, pour assurer des crédits aux familles qui en ont besoin ».

2 – Abandon de la « retraite à 60 ans ». C’était le marqueur identitaire de la gauche espagnole. Adieu. Podemos trouve plus réaliste de demander l’abaissement à 65 ans l’âge de départ à la retraite. 65 ans, c’est la retraite pour les morts comme disait Guesde, en 1910 comme en 2014.

3 – Abandon du « revenu minimal universel ». Cette revendication importée de la social-démocratie nordique, même Podemos n’y croit plus. Elle l’a abandonnée dans son nouveau programme préférant parler de programmes d’ "aides" à toute personne sans revenu. On n’est pas loin du RMI ou RSA qu’on connaît en France.

4 – Abandon du refus de payer la dette. Il était déjà bien partiel dans le programme initial, ambigu avec le refus de payer la dette dite illégitime. Désormais, le programme parle de restructuration négociée de la dette, ce qui nécessite de « restaurer la stabilité politique ».

Et sur le reste ? Toujours aucune nationalisation, le maintien dans l’euro et on promet un « droit à l’alimentation », des « garanties pour le logement », une « réforme fiscale » progressiste, les 35 heures mais aussi la ré-orientation de la BCE, des plans d’investissement européens.

Des vœux pieux, des droits vides, des réformes ambiguës, mais une certitude : il faut toujours plus d’intégration européenne !

Iglesias, le Suédois : « on est Européens, on regarde vers le nord de l’Europe »

Pablo Iglesias, le leader de Podemos, assume tout à fait. Il le répète ses derniers jours : son inspiration est sociale-démocrate, son programme doit pouvoir être adopté par n’importe quel social-démocrate. « On s’adresse à la majorité sociale », répète le leader de Podemos.

Interrogé pour savoir s’il voulait importer le modèle du Venezuela, ou des processus de transformation d’Amérique latine, Iglesias a répondu : « Vous me dites Venezuela, moi, je vous dis Suède ».

Il ajoute : « Nous sommes européens, notre modèle se trouve dans le nord de l’Europe », il se justifie : « en Europe du nord, 1 personne sur 4 travaille dans l’économie sociale, contre 1 sur 10 en Espagne. Voilà notre modèle ».

Étonnant quand on sait que l’Etat-providence suédois a été largement démantelé depuis les années 1990, que le Danemark est le paradis de la "flexsécurité". Passons.

Le secrétaire des Relations avec la Société civile (sic), Rafael Mayoral explique : « Le problème c’est que notre programme fait peur aux gens ». Mais de quels gens parle-t-on : les damnés de la terre sans pain ou les grands (patrons) d’Espagne ?

Pour le PSOE : « ils copient notre programme » ! De 1982 ou de 2014 ?

Les analystes politiques perçoivent dans la stratégique politique de Podemos, une tactique électorale bien rodée visant au dépassement (sorpasso) du PSOE.

Ironie de l’histoire, la ligne électoraliste tentée, ratée par le communiste Julio Anguita à la tête d’Izquierda Unida dans les années 1990 – qui a peut-être achevé ce qui restait comme influence du Parti communiste – est en passe d’être réussie par la force qui pourrait être le fossoyeur d’IU.

Iglesias ne le cache pas. La direction du PSOE peste contre Podemos qu’elle accuse, non sans raisons, d’ « opportunisme idéologique ».

Le secrétaire du PSOE, Pedro Sanchez, ironise sur Podemos qui a commencé en lien avec la "gauche anti-capitaliste", puis s’est positionné "ni droite, ni gauche", enfin se plaçant dans la « tradition social-démocrate des pays nordiques ».

Pedro Sanchez « se réjouit que Podemos reconnaisse la social-démocratie comme la formule pour sortir de la crise » mais il demande : « quelle est vraiment leur position idéologique ? ».

Sanchez note que Podemos pousse certaines réformes un cran plus loin – sur les 35 heures, la retraite à 65 ans – mais que sur le fond, il n’a fait que copier les propositions du PSOE : sur le droit à l’alimentation, ou une banque publique capable de recevoir les fonds de la BCE.

Une copie du programme de 2014 du PSOE, sur sa gauche, oui, sans doute. Mais encore plus une copie, sur sa droite, du programme du PSOE de 1982 intitulé « Pour le changement ».

Le PSOE de Felipe Gonzalez proposait alors la nationalisation des banques, un plan de relance par l’investissement public, l’abaissement de la retraite à 64 ans, la semaine de travail de 40 puis 35 h, la hausse des salaires, l’autogestion dans les entreprises.

On voit combien le Podemos de 2014, c’est un pas en avant face au programme du PSOE de 2014, mais bien deux pas en arrière face à celui de Felipe Gonzalez en 1982.

Podemos vs IU ? « On ne veut pas être marqué à gauche, on veut être au centre ».

Et les alliances avec la formation de gauche Izquierda Unida – sous hégémonie relative du Parti communiste –, c’est une fin de non-recevoir pour Pablo Iglesias. Ce qui s’envisageait quand IU était à 10 % et Podemos à 8 %, est balayé quand Podemos est donné à 27 % et IU à 3 %.

L’exécutif du Parti a refusé toute coalition avec IU aux prochaines élections municipales sous l’étiquette "Ganemos" (Gagnons). Sa motivation principale : éviter d’être étiquetée comme une force de gauche.

Le Conseil citoyen précise : « on ne cherche pas à se positionner à la gauche de l’échiquier politique, mais bien au centre » et conclut : « Il nous faut être très prudents, mais aussi conscients de notre position centrale ».

Cela a le mérite de clarifier le discours "ni droite ni gauche". Dans ce galimatias, une phrase de Rafael Mayoral fait mouche et fait mal : « Notre objectif à nous, ce n’est pas de devenir une soupe de sigles ».

La pique vise Izquierda Unida, dont la résurgence électorale fut brève, presque un feu de paille, embourbée depuis deux décennies dans les combinaisons électorales à géométrie variable, les constructions organisationnelles alambiquées.

Le peuple espagnol attend des alternatives à la politique du désastre social imposée par sa classe dirigeante corrompue, par l’Union européenne du capital. Cette alternative n’est clairement pas Podemos, machine à forger les désillusions futures.

Article AC pour Solidarite-Internationale-PCF

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