Arguments pour le Venezuela...

, par  lepcf.fr , popularité : 2%

Un camarade interrogé par un journaliste sur le Vénezuela me demandait les arguments synthétiques les plus nets pour défendre la révolution bolivarienne... Après un échange du collectif du réseau, voici une proposition...

1/ Ce n’est pas la première crise politique au Venezuela, qui a fait face à de nombreuses tentatives de déstabilisation...

Cela a commencé très tôt après la première victoire de Chavez en 1999
- il doit se battre dès le début contre l’assemblée nationale et le patronat qui refuse le changement d’orientation politique
- en 2002, le peuple et l’armée font face à une tentative de coup d’état contre Chavez, avec déja le soutien immédiat des USA et de tous les dirigeants occidentaux... et de leurs médias !
- en 2004, sous pression de l’opposition, un référendum de destitution de Chavez est organisé avec un record de votants, Chavez est soutenu par 59% des votants
- en 2013, quand Maduro est élu pour 2013-2018 par 50,61 % contre Caprilès (79,69 % de participation), il doit expulser des fonctionnaires de l’ambassade US qui tente d’organiser la déstabilisation du pays
- en 2014, après avoir perdu les élections locales, l’opposition organise des manifestations violentes (guarimbas)qui font de nombreux morts
- en 2015, l’opposition gagne les élections législatives dans un contexte de crise économique profonde. Curieusement(!), c’est la seule élection dont les médias occidentaux ne contestent pas les résultats, alors qu’elles sont toutes organisées de la même manière, avec un contrôle très détaillé de la fondation Carter
- en 2017, les émeutes des quartiers riches sont très violentes avec des militants chavistes brulés vifs parce que noirs. Maduro construit une issue politique par la convocation d’une assemblée constituante, avec 41% de participation (8 millions de votants) malgré le boycott de l’opposition, le soutien à la révolution bolivarienne reste au niveau du soutien à Chavez en 2012.
- en 2018 Maduro est réélu avec 68% des voix et 46% de votants, l’opposition boycottant toujours

Notez que la seule période "calme" est celle où les USA sont très occupés au moyen-orient et que le regain récent de violences est une période où les USA se recentrent sur leur pré carré...

2/ Un pays divisé où la bourgeoisie refuse la transformation sociale

Il y a clairement un pays très divisé, depuis la victoire de Chavez, avec des élections ou l’opposition fait plus d’un tiers des voix, 45% pour la dernière élection de Chavez et un équilibre pratiquement 50/50 pour la première élection de Maduro.

Cette division est très sociale, ce qui se voit dans la répartition géographique des résultats, l’opposition se concentrant dans les quartiers et régions riches et le vote bolivarien étant fortement lié au niveau de mobilisation des quartiers populaires.

La masse des plus pauvres a beaucoup gagné avec Chavez mais la bourgeoisie fortement liée au pétrole, à l’agroalimentaire et aux USA n’accepte pas d’avoir perdu le pouvoir. Elle organise une véritable guerre économique, avec la fuite de ses richesses, bloquant l’économie interne, organisant les trafics avec le soutien de la Colombie voisine, spéculant contre la monnaie nationale... Elle est fortement soutenue par les multinationales qui n’ont pas accepté la nationalisation du pétrole, et les USA utilisent l’arme du prix du pétrole utilisé avec l’Arabie Saoudite pour fragiliser tous les autres producteurs de pétrole [1].

3/ Le problème c’est le pétrole, pas la démocratie !

PNGTout le monde sait que, comme en Irak ou en Syrie, les objectifs des USA et de l’OTAN n’ont rien à voir avec leurs discours pour la démocratie ou les droits de l’homme. Quand on vend des armes à l’Arabie Saoudite et qu’on donne la légion d’honneur, un scandale, à son dictateur arriéré, on est illégitime pour donner des leçons de démocratie !

Non, le vrai problème, c’est le pétrole ! Le Venezuela a les plus fortes réserves du monde, et c’est cela que veulent les USA et Trump... car leur pétrole de schiste qui a refait des USA un pays exportateur de pétrole leur pose de nombreux problèmes, non seulement environnementaux ce qui ne les gêne pas, mais surtout technique et économique compte tenu des énormes dettes accumulées, et donc du prix réel à long terme de ce pétrole. Les réserves du Venezuela sont un "trésor" à proximité qui est indispensable pour consolider la position énergétique des USA.

John Bolton, conseiller en sécurité nationale de Donald Trump, déclarait à Fox News il y a quelques jours : « nous discutons en ce moment avec les grandes entreprises américaines qui sont installées au Venezuela. Nous cherchons à atteindre le même objectif (…) cela ferait bien avancer les choses si nous parvenions à faire en sorte que les entreprises américaines puissent investir au Venezuela et exploiter ses ressources naturelles ».

Notre regretté camarade Jean Salem décrivait aux rencontres internationalistes de Vénissieux le scénario devenu classique : fabrication d’un « dictateur », blocus économique, et interventions au nom des droits de l’homme et de la crise humanitaire, directement organisée...

4/ Après une décennie de victoires progressistes, la contre-offensive US en Amérique Latine est forte

Le cas symptomatique est bien sûr celui du Brésil, où une énorme manipulation a démis Dilma Rousseff au nom de la lutte anti-corruption par ceux qui étaient plongés dans la corruption, pendant que Lula était emprisonné malgré un soutien populaire exceptionnel, un véritable coup d’état juridique et politique pour aboutir à la victoire du fascisme de Bolsanaro au nom de classes sociales aisées qui ont toujours accepté et les horreurs de la dictature et les drames de la grande pauvreté, mais qui n’acceptent pas que les inégalités soient réduites, même sans remettre en cause leur modèle économique...

Après la victoire de Chavez, l’Amérique latine virait à gauche, reposant à grande échelle la question du socialisme, Lula au Brésil, Kirchner en Argentine en 2003, Vázquez en Uruguay en 2005, Bachelet au Chili et Morales en Bolivie en 2006, Correa en Équateur en 2007, Mujica en Uruguay en 2010...

Mais depuis 2015, c’est Macri en Argentine, la défaite du camp chaviste aux législatives vénézuéliennes, le rejet par référendum de la réforme de la Constitution bolivienne de Morales en 2016, Piñera au Chili en 2017, Duque en Colombie, Abdo au Paraguay, la mise en sourdine de la révolution équatorienne par Moreno... jusqu’à Bolsonaro au Brésil en 2018... Seul contre-exemple avec l’élection d’Obrador au Mexique...

Les USA ne pouvaient accepter de perdre la main sur leur "sous-continent"... il semble bien que partout ce soit les droites "dures", le retour aux mémoires des dictatures qui ont ensanglanté les pays pendant si longtemps, le retour des ’"économistes de Chicago" et de la guerre contre les droits sociaux...

5/ Le monde est divisé... mais l’OTAN et les USA ne décident plus de tout...

La dernière fois que les occidentaux ont pu faire une intervention militaire sans opposition de l’ONU, c’est en Libye. Dès les tentatives en Syrie, la Russie et la Chine ont décidé de s’opposer clairement à cette "communauté internationale" dont les médias parlent mais qui n’est désormais qu’une "communauté occidentale otanisée"...

Une majorité de l’ONU au conseil de sécurité, 19 pays sur 34 se sont exprimés contre l’intervention ! Ce n’est pas seulement la Russie, Cuba et la Chine, mais aussi le Mexique, l’Afrique... Ce sont les occidentaux qui sont désormais isolés dans le monde, et les médias occidentaux refusent de dire cette simple vérité !

6/ Quel pays se porte mieux après une intervention US ?

C’est le représentant de la Bolivie à l’ONU qui fait cette remarque. Et la liste est longue depuis le Chili de 1973, et une situation proche de celle du Venezuela, à la différence près que pour l’instant, l’armée est solidaire massivement du pouvoir bolivarien. La crise économique et sociale était aussi forte au Chili avec la grève des camionneurs financés par la CIA et qui bloquait le nerf de l’économie de ce pays.
On sait aujourd’hui des pièces déclassifiées aux USA que Nixon demandait à son agence de renseignement « de "faire hurler l’économie" chilienne afin de renverser Allende ».

Le résultat de l’intervention US est connu, 20 ans d’une dictature féroce !

Et que dire de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Libye, de la Syrie... !

Les vietnamiens s’en sortent aujourd’hui parce qu’ils ont chassé l’armée US il y a 50 ans.

Les chinois voient leur niveau de vie rejoindre celui des européens parce-qu’ils ont chassé les occidentaux il y a 50 ans.

Cuba a la plus forte espérance de vie de l’Amérique latine quand l’ile voisine de Haïti dominée par les USA et l’Europe s’enfonce dans les drames et la misère.

Aucun peuple ne gagne à se soumettre aux intérêts US, au contraire !

Non, aucune intervention militaire contre un pays indépendant de permet de construire une issue politique pour ce pays, et même les soviétiques l’ont appris en Afghanistan ou... en Tchécoslovaquie.

7/ Quelle issue politique pour le Venezuela ?

Depuis 2017 et la réussite de la constituante, le pouvoir bolivarien n’a pas surmonté les difficultés et surtout n’a pas réussi à mobiliser le pays pour sa reconstruction économique. Il y a des analyses diverses, sur la corruption, sur la place du secteur privé, sur la dépendance au pétrole... Mais ce n’est pas à nous de dire qui a la solution pour le peuple vénézuélien, encore moins à l’armée US et à ses services secrets qui interviennent massivement, avec des fonds très importants qui financent depuis des années l’opposition, et l’impact néfaste de la Colombie..

Si la "communauté internationale" peut agir, c’est pour une désescalade de la violence, le respect de l’indépendance et de la souveraineté du Venezuela, et favoriser des médiations pour une issue démocratique.

Il faut dénoncer clairement l’ambition de Juan Guaidó de renverser le gouvernement par la force, il faut condamner les violences des groupes d’extrême droite, l’intervention étrangère !

S’adressant à Maduro le 31 janvier, Juan Guaido se faisait menaçant « l’intervention militaire est un élément dans le rapport de force qui est présent sur la table (…) Nous exercerons toute pression qui sera nécessaire ».

8/ Quelle position pour les communistes ?

Pour comprendre une situation dans un pays, le PCF ne se contente pas des infos des médias en continu qui pour l’essentiel diffusent le point de vue US, mais tiennent compte des communistes de ce pays. Au Venezuela, le parti communiste qui a soutenu la révolution bolivarienne a des divergences avec le pouvoir, sur la lutte contre la corruption, la planification économique, ou l’industrialisation pour sortir de la dépendance au pétrole, mais Carolus Wimmer, secrétaire international du PCV affirme sans ambiguïté sa priorité :

La priorité est la défense de la souveraineté nationale du Venezuela contre les ingérences et les menaces militaires des États-Unis et de l’UE.

Les communistes ne sont pas les seuls à dénoncer cette stratégie guerrière des USA. Roger Waters, fondateur des Pink Floyd, écrivait sur son compte Twitter @rogerwaters :

Arrêtons cette nouvelle folie des Etats-Unis, laissez le peuple vénézuélien en paix. Ils ont une vraie démocratie, arrêtez cette tentative de détruire ce pays pour que le 1% (les riches) puissent s’emparer du pétrole.

Les communistes doivent apporter toute leur solidarité au peuple vénézuélien, à la révolution bolivarienne, ce qui n’exclut aucun débat fraternel, et surtout pas d’analyses marxistes des causes des difficultés rencontrées par le mouvement bolivarien au Venezuela pour surmonter les divisions sociales, isoler la grande bourgeoisie et rassembler très majoritairement autour du monde du travail pour la transformation sociale.

La violence des bourgeoisies au Venezuela, au Brésil, comme en Russie ou... en France, nous questionnent sur ce que peut être une stratégie démocratique au socialisme. C’est toute l’histoire des communistes après la deuxième guerre mondiale qui est interpellée par l’affrontement qui s’aiguise sur toute la planète.

[1Une baisse spectaculaire du cours du pétrole depuis 2013. A l’arrivée de Chavez, le cours était à 103 Dollars le baril, puis est tombé autour de 50. Aujourd’hui il est à 57.

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