Université d’été du PCF, 22-23-24 Août 2024
un bilan électoral réaliste et l’effort d’organisation du parti

, par  pam , popularité : 84%

Les universités d’été se sont imposées médiatiquement comme rentrée politique, même si malheureusement, elles sont ouvertes d’abord aux militants qui ont les moyens de se déplacer encore après leurs congés, et qu’elles sont surtout l’occasion de divers buzz médiatiques qui transforment les militants en supporters... Sauf que, comme le note fraternellement Danielle Bleitrach, quand les communistes se parlent, c’est toujours un moment où l’expérience militante exprime la réalité politique, sans compter qu’on retrouve des amis et camarades qu’on connait... ce qui est aussi l’occasion de souvenirs et de chansons...

J’ai participé à des ateliers utiles, sur l’opinion des Français avec Jean-Daniel LEVY, Directeur délégué de Harris Interactive France, sur l’urbanisme culturel et la construction "d’espaces communs" dans les espaces publics... J’ai échangé avec les camarades qui ont participé aux riches débats sur la paix...

Mais je voudrais évoquer le bilan des dernières campagnes électorales présenté par Léon Deffontaines, tête de liste PCF aux dernières européennes, qui n’hésite pas à parler d’échec et à faire une analyse et des propositions, bilan qui devrait être largement discuté par tous les communistes...

Ces universités d’été se tiennent dans un contexte d’accélération de la crise politique qui pousse les dirigeants de gauche à contribuer au buzz médiatique national sans que les militants aient le temps de partager des analyses, des opinions parfois contradictoires, et puissent partager des décisions.

Le cas le plus évident est la participation à un gouvernement qui n’aurait pas de majorité pour mettre en œuvre le programme du NFP. Quelles conditions sont nécessaires pour l’accepter ? Les communistes ont de douloureuses expériences de participation à des gouvernements dominés par les socialistes. En 1981, dès la deuxième année, c’était le tournant de la rigueur, en 1997, c’était le record de privatisations et la première guerre de l’OTAN en europe contre la Serbie. En 2012, heureusement que les communistes n’étaient pas dans ce gouvernement Hollande... Alors en 2024 ? Mélenchon, connaissant bien les trahisons socialistes possibles se place déjà dans le soutien sans participation, comme le PCF en 1936...

On se doutait bien que Macron continuerait sa recherche d’une majorité pour une politique de droite. Les déclarations répétées du NFP affirmant qu’il peut gouverner paraissent à beaucoup comme un un jeu politicien de communication bien loin de la réalité des luttes sociales nécessaires. Mais peu importe, ce qui doit compter pour les militants communistes, ce sont les conditions réelles du rapport de forces politiques issus des trois dimanches électoraux de 2024, après les échéances de 2019 et 2022, et c’est toute l’importance du débat introduit par Léon Deffontaines.

La gauche n’est pas en situation de gouverner... à gauche !

Car si la gauche aujourd’hui devait gouverner, elle le ferait en étant largement minoritaire à l’assemblée et... dans le pays. Aux législatives, la gauche a mobilisé moins de un électeur sur 5. Elle en mobilisait un sur 4 en 2012 et plus de un sur 3 en 1981. Pour illustrer le rapport de forces réel, la gauche mobilisait 37% des inscrits en 1981, pratiquement le double de ses 19% du 30 juin dernier. Comment peut-elle faire mieux qu’en 1981 ? Les dirigeants de gauche ont tous dit "nous avons gagné et nous sommes le premier bloc politique donc nous devons gouverner", mais gouverner pour proposer quel budget, quelles lois à l’assemblée ?

La dérive médiatique s’est généralisée. Quand Mélenchon s’exclamait en 2022 "élisez-moi premier ministre", on comprenait que c’était pour le buzz, et que ça ne ferait pas évoluer le rapport de forces. Mais en 2024, c’est toute la gauche qui répète "on a gagné et on veut être au gouvernement".

Léon Deffontaines a été beaucoup plus modeste et rigoureux dans son bilan des séquences électorales. Certes, la gauche a progressé de 3 points sur 2022, mais en restant en dessous de 30% des exprimés, avec une extrême-droite en très forte progression, largement devant la gauche nationalement, en tête dans 95% des communes !

Pour le PCF, Léon dit clairement qu’il s’agit d’un échec, bien loin de nos objectifs, restant autour des 2,5% que nous faisons aux élections nationales depuis presque 20 ans et les 1,9% de Marie-Georges Buffet en 2007... Il constate que nous n’avons gardé ni les points forts du vote Brossat de 2019 dans les villes, ni les points forts de Roussel 2022 dans les périphéries. Il note des résultats intéressants dans certaines zones non urbaines où la gauche s’effondre et où nous sommes les seuls à résister, et même dans quelques cas à observer soigneusement, à progresser. Mais au total, il assume courageusement le constat de l’échec et ouvre le débat sur ses causes.

Les raisons d’un échec électoral

Léon reconnait qu’il y a un débat sur la ligne politique de la campagne, des questions sur telle ou telle déclaration médiatique, mais affirme avec force que l’échec n’est pas du à ce problème de ligne. Il considère, à mon avis avec raison, que ce serait trop facile de penser qu’en changeant quelques déclarations de candidats, on aurait résolu le problème de la mobilisation populaire sur le vote communiste. Il reconnait la nécessité du débat politique, notamment sur la paix et l’internationale, mais insiste sur les enjeux d’organisation militante pour être utile au peuple dans une bataille électorale.

C’est le fonds de la question qu’il résume en notant que l’électorat RN considère son vote comme le plus utile pour contester le pouvoir de Macron. Il faut se rappeler que cet électorat populaire considère que la gauche a gouverné à plusieurs reprises sans jamais améliorer ses conditions de vie. Léon pose directement la question décisive. Le parti communiste peut-il être perçu dans les milieux populaires comme capable de prendre le pouvoir contre Macron ? Cette simple question en soulève de nombreuses, pour faire quoi ? pour quel changement de société ? comment ne pas faire comme en 1981, en 1997, en 2012 ? Elle interroge la stratégie élaborée depuis les deux derniers congrès des communistes, affirmant le projet communiste mais qui doit mieux expliquer ce que veut dire "prendre le pouvoir", c’est à dire pas seulement d’être au gouvernement, mais de mettre en cause réellement le système économique et politique. C’est ce que Roussel a voulu faire percevoir en 2022 avec les "jours heureux", mais sans arriver à en construire une crédibilité de masse. Pour Léon Deffontaines, c’est le cœur des raisons de l’échec électoral répété. Le PCF n’est pas perçu dans les milieux populaires comme un outil pour contester le pouvoir actuel et "prendre le pouvoir".

La campagne électorale et l’organisation du parti

La crédibilité du RN ne repose pas sur une force militante, ni sur sa légitimité historique, ni sur la cohérence et la force de son projet. Elle repose d’abord sur le fait qu’il n’a jamais été au gouvernement et est présenté par tous les médias dominants comme l’ennemi à abattre. Les discussions entre militants communistes des zones de force du RN, au nord comme dans le midi confirment malheureusement que c’est bien le racisme qui en est le moteur. Le RN n’a pas besoin d’analyses critiques, de propositions argumentées sur ce qu’il faut faire pour augmenter les salaires, retrouver notre industrie, rétablir des services publics... il n’a qu’à cultiver la division entre "eux et nous", et le sentiment que pour s’en sortir, il faut moins de solidarité et donner la priorité aux siens. Et cet argument fonctionne dans des familles immigrées anciennes qui pensent que les migrants récents sont un risque pour eux.

En face, si nous avons beaucoup travaillé pour populariser des arguments forts et lisibles sur les inégalités, l’argent des riches, le rôle du RN en soutien aux politiques de droite, Léon note que nous avons du mal à organiser la cohérence de la campagne nationale et des campagnes militantes sur le terrain. Il pose la question des liens entre la direction nationale et les fédérations, constatant dans sa campagne qu’à sa grande surprise, les communistes ne diffusent pas tous les mêmes tracts dans toute la France.

Au contraire, LFI a un fonctionnement beaucoup plus centralisé et l’absence d’organisation locale ou départementale, l’absence de congrès font reposer toute l’activité des groupes d’action insoumis directement sur les campagnes nationales. C’est quelque chose qui m’a frappé ces dernières années, je reçois de nombreux militants LFI de différents départements les mêmes messages, avec les mêmes slogans, images, citations... à travers les réseaux sociaux dont la plateforme numérique qui coordonne l’activité des groupes d’action d’insoumis.

Un mouvement de supporters ou un parti organisant des militants ?

Il est vrai qu’à Vénissieux, depuis très longtemps, on ne distribue que rarement des tracts nationaux, d’abord parceque pendant longtemps, on était critiques de la soumission de la direction du PCF à la "gauche", qu’on développait des relations internationales avec des communistes de toute la planète en totale contradiction avec le PGE, mais aussi parcequ’on hérite d’une histoire riche de mobilisations militantes qui nécessitaient de produire nos propres tracts. Et Léon a sans doute noté dans le meeting de Vénissieux les panneaux et banderoles contre la guerre et les livraisons d’armes...

Mais faut-il faire évoluer le PCF vers ce modèle d’un mouvement insoumis complètement soumis à son fondateur ? Le mouvement communiste avait inventé un concept, le "centralisme démocratique", qui reposait sur la nécessité du centralisme, ce que Mélenchon impose parfois violemment à LFI, mais aussi sur la démocratie, le débat ouvert et contradictoire pour prendre des décisions collectives qui s’appliquent alors partout. Et le coeur de ce centralisme démocratique, ce sont les cellules, le lieu où les militants ne sont pas seulement des colleurs d’affiche ou distributeurs de tracts, mais des participants de cet "intellectuel collectif" qui se construit dans la confrontation d’idées tournées vers l’action. Faire un journal de cellule, c’est mettre en oeuvre à partir des conditions concrètes de l’action militante, l’orientation politique décidée centralement. C’était une force dans le parti d’hier. Il faut le réinventer à l’ère des réseaux numériques, et ce n’est pas simple car les réseaux sociaux réduisent l’action militante au "clic" ou au "partage", autrement dit au rôle de spectateur qui siffle ou applaudit...

Oui, il est indispensable de faire un bilan partagé des campagnes et des résultats électoraux depuis le 38ème congrès !

Le lien fait par Léon Deffontaines entre résultats électoraux et organisation du parti dans les campagnes électorales est justifié et important. Cela suppose que le parti mette à disposition des éléments de travail qui ne peuvent se résumer à des analyses prédéfinies, mais doivent permettre aux communistes de partir de leur expérience et de construire une analyse partagée et des conclusions utiles pour renforcer le PCF.

En quelque sorte, il s’agit de faire vivre une force du parti communiste, sa démocratie interne qui ne se construit pas contre l’organisation nationale et sa nécessaire centralité. Réinventer le centralisme démocratique du XXIème siècle...

C’est un condition de la réussite de la prochaine conférence nationale annoncée.

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    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

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    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).