Le RN aux portes du pouvoir, le monde bouge, l’occident s’enfonce... et le parti communiste fait quoi ?

, par  pam , popularité : 100%

Oui, il y a urgence pour résister au mieux le 30 juin et 7 juillet, limiter le nombre de députés RN. Comme le disait Fabien Roussel citant Aragon « Quand les blés sont sous la grêle/ Fou qui fait le délicat/ Fou qui songe à ses querelles/ Au cœur du commun combat ». Mais si le principe d’un accord électoral, et la référence au Front Populaire est un premier pas utile, nous savons tous que la crise de la gauche et notamment de ses liens avec le monde du travail et les quartiers populaires demandera des années de militantisme de terrain organisé, réfléchi, loin de la médiatisation qui domine toute la vie politique.

Il faut se méfier comme de la peste des bons mots, des slogans simplistes, de tout ce qui "sert la soupe" pour satisfaire les convaincus, mais qui n’aide jamais à parler aux autres, à l’immense majorité qui n’est engagée ni dans l’action sociale, ni dans l’action revendicative, ni dans l’action politique.

C’est essentiel dans la référence au "Front Populaire" qui fait appel à l’imaginaire populaire de fête, mais qui doit aussi faire appel à la réflexion sur ce qui a permis la création du Front Populaire, ses premières victoires, et... ce qui n’a pas permis d’empêcher la suite, le retour du pouvoir de la finance et la guerre.

Nous ne pouvons être surpris du rapport de forces politique suite aux élections européennes

Bien sûr, la dissolution brutale par Macron bouscule les agendas, mais les résultats sont conformes aux sondages, et surtout, à ce que tous les militants savent depuis des années. Le mouvement social, les forces de gauche, se heurtent à une sorte de "plafond de verre" de mobilisation, ne parvenant jamais à mettre en mouvement plus de 2 ou 3 millions de personnes pour les grandes dates, quand il y a 30 millions d’actifs, 9 millions de pauvres, 3 millions de Smicards, plus de 5 millions d’habitants de quartiers populaires, 6 Millions de mal logés, 10 millions de locataires HLM... S’ils ne "bougent" pas pendant des années, qu’attendre de leur acte politique un jour de vote ? L’élection est un thermomètre, une photo des rapports de force que la campagne électorale ne fait que révéler, sans pouvoir les changer... La gauche est scotchée à 30% des voix depuis des années.

En 1936, le monde du travail était partagé entre communistes et socialistes, et la célèbre manifestation unitaire qui a conduit à l’accord politique à gauche était portée par la masse des ouvriers, employés, des zones rurales comme urbaines. Aujourd’hui, le monde ouvrier est partagé entre abstentionnistes et extrême-droite, et partout la CGT doit faire un gros travail contre l’extrême-droite, tant elle constate que nombre de ses militants sont attirés par le RN...

Ce qui a été décisif en 1936, ce sont de larges grèves ouvrières avec occupation d’usines. Qui peut croire que ce serait possible aujourd’hui et qui peut décemment continuer à faire croire qu’on peut se contenter d’appels à manifester pour militants ?

Cela se traduit au plan électoral. La gauche ne progresse pas sur 2019, alors que la colère contre Macron est forte.
- LFI passe de 1,5 millions de voix en 2019 à 2,5 millions en 2024, mais reste très loin des 7,7 millions de voix Mélenchon en 2022 !
- Le PS progresse de plus d’un million de voix sur le total de ses deux listes de 2019, mais les écologistes perdent 1,7 millions de voix, et le centre macroniste qui avait hérité d’une part d’électorat socialiste en perd près de 1,5 millions.
- Le PCF gagne 20 000 voix à 600 000 voix, encore loin des 800 000 de Fabien Roussel aux présidentielles, et surtout continuant à reculer dans ses villes lâchées par la direction nationale dans les négociations de la NUPES en 2022, et partout, sans mordre sur l’abstention ni sur le vote RN populaire.
- Au total, la gauche en 2024 stagne en dessous de 32%, gagnant un demi million de voix à 7 millions de voix, 15% seulement des inscrits.

Par contre, l’extrême-droite mobilise fortement, plus de 9 millions en 2024 à peine moins que les 10,5 millions de 2022, et beaucoup plus que les 6 Millions de 2019...

Se méfier des références historiques trompeuses, et qui ne trompent personne...

Les résultats du 9 juin dernier sont le produit de décennies de crise d’une gauche qui avait pris le pouvoir il y a 40 ans pour "changer la vie", mais dont le bilan vécu est l’aggravation des inégalités, des injustices, des ségrégations, la désindustrialisation et la paupérisation de la France... Son bilan politique est l’installation durable des idées d’extrême-droite, l’affaiblissement des syndicats, des associations, des partis politiques [1].

Mélenchon a proposé une lecture critique de cette "gauche de pouvoir", mais reste fidèle à celui qui l’a représenté, François Mitterrand, et surtout à ce qui est au cœur de l’impasse qu’a représentée la gauche, l’électoralisme. Il continue à dire au monde du travail "votez pour moi, je vais changer la vie". Le monde du travail et les milieux populaires ne le croient pas... Le parti communiste n’arrive pas, malgré quelques tentatives, à en sortir.

C’est toute l’ambiguïté de la référence au Front Populaire. Car si la puissance des grèves ouvrières a permis une année de conquêtes sociales qui restent dans les mémoires : congés payés, semaine de 40h, conventions collectives, création de la SNCF, du CNRS… elle n’a pas empêché la suite, la défaite face au parti de la finance, la fuite en avant dans la colonisation, la non intervention en Espagne, puis la soumission au nazisme à Munich et l’interdiction du parti communiste...

Le Front Populaire s’est fracassé sur deux murs, la finance et la guerre.
- ceux qui tiennent la monnaie, les créanciers de la dette publique, les grandes banques et assurances, la grande bourgeoisie financiarisée ne peuvent laisser faire de telles conquêtes sociales. Si on veut leur tenir tête, il faut être capable de développer l’économie et l’emploi sur d’autres bases que le capitalisme mondialisé et financiarisé qui avait le vrai pouvoir à l’époque, et l’a encore plus fermement aujourd’hui ! Il ne suffit pas de dire "on recrée un ISF progressif pour financer les services publics". Il faut dire comment on l’impose à une partie très puissante de la société qui est représentée partout dans les structures de pouvoir, économique, financier, politique, militaire. Il faut dire ce que Mitterrand aurait du faire en 1983 plutôt que le "tournant de la rigueur", ce que Tsipras aurait du faire en 2015 pour résister à la "Troïka" et surtout aux armateurs et banquiers grecs... Et nous savons comment est mort un dirigeant socialiste comme Allende refusant de céder.
- et "le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage", disait Jaurès. Aujourd’hui comme en 1936, la réponse du capitalisme mondialisé face à sa crise, c’est le chaos, la violence, la destruction, la guerre. En 1936, la gauche n’a pas su agir pour la paix, car elle ne pouvait penser des coopérations contre les forces de guerre et de domination coloniale. Elle a aggravé la colonisation en Algérie, refusé d’affronter le fascisme en Espagne, et de fait, préparé la soumission honteuse de Munich, refusant toute alliance avec l’URSS. Et aujourd’hui ? La gauche défend le narratif militariste de l’OTAN sur tous les sujets, de Palestine en Ukraine, du Congo au Soudan ou à Taiwan. Comment pourrait-elle agir pour la paix ? Toutes ses composantes demande d’envoyer plus d’armes à l’Ukraine, alors que bien évidemment, aucune ne dit qu’il faut armer les palestiniens ! Aucune ne fait le lien entre la guerre et la crise sociale, l’inflation, la pression contre le pouvoir d’achat...

La référence au fascisme est aussi trompeuse ! Car que peuvent dire ceux qui observent Meloni en Italie ? Son parti, avant d’arriver au pouvoir, était officiellement "néo-fasciste", mais elle est une dirigeante européenne reconnue, bonne gestionnaire du système, à l’aise dans les institutions ! Pas de chemises noires dans les rues de Rome ! Elle a bien fait au début quelques gesticulations contre les migrants à Lampedusa, mais elle régularise finalement des centaines de milliers de sans papiers, plus que Macron !

Par contre, elle a été très efficace dans les attaques contre le droit du travail ou les aides sociales. Oui, une bonne gestionnaire libérale. Est-ce le fascisme dont parle la gauche ? Qui peut croire que cela va freiner les votes Rassemblement National ?

La situation du parti communiste était elle aussi prévisible

Après trois campagnes électorales qu’on peut dire "techniquement réussie" avec un candidat qui percute dans les médias, le PCF ne décolle pas. Mais il faut dire qu’il reste entre deux eaux, après une mutation qui aurait du le dissoudre dans un mouvement, une "cosa" avait dit les italiens, une métamorphose disait Marie-Georges Buffet. Pendant vingt ans, il a organisé la confusion dans les têtes en effaçant ses repères historiques, théoriques, cherchant dans une "gauche" rêvée la solution à ses problèmes d’identité, coupant tous ses liens avec le mouvement communiste du monde, s’enfermant de plus en plus dans la confusion avec Mélenchon. Pendant 20 ans, il a dit à ses électeurs que voter communiste ou insoumis, c’était la même chose, que voter insoumis n’était pas opposé au vote communiste. Quand un électeur communiste a pris l’habitude de voter insoumis en pensant voter communiste, comment lui expliquer au moment d’une campagne qu’il y a une différence ? Et surtout que la différence principale n’est pas dans le candidat ni même dans le programme, effectivement très différents, mais dans l’effet sur l’unité et l’action du mouvement populaire ?

Le vote insoumis renouvelle l’illusion ancienne "une seule solution, la révolution, un seul chemin, le programme commun", alors que l’histoire nous a montré que c’était une impasse. L’utilité du vote communiste ne peut être que de faire grandir la conscience des raisons de cet échec historique de la gauche et donc de porter cette affirmation du manifeste du parti communiste : « L’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Tant qu’il persiste à se présenter comme un électoralisme concurrent de celui de Mélenchon, il ne peut progresser dans le monde du travail, il ne peut faire reculer l’abstention ni le vote RN dans le monde ouvrier.

Léon Deffontaines a eu raison avec ses arguments répétés sur le vote des députés RN, sur cette idée que le RN a la même politique économique que Macron. Mais il ne pouvait être entendu en s’inscrivant dans l’histoire d’une gauche électoraliste, en ne reconnaissant pas que le monde ouvrier a de très bonnes raisons d’avoir quitté la gauche, la plus importante étant que la gauche l’a quitté !

Depuis deux congrès, le PCF a décidé de sortir de la mutation et cherche à reconstruire. Il n’est plus temps de rester entre deux eaux, il faut aller au bout de la démarche engagée avec le manifeste, reconstruire le parti communiste du XXIème siècle dont notre parti a besoin. Pour cela, il faut cesser de courir derrière l’actualité médiatique électorale et inscrire l’action du parti dans le temps long d’une stratégie de reconquête du monde du travail et des milieux populaires, reconquête militante pour unir et organiser, les batailles médiatiques ou électorales n’étant que des moments de cette reconquête qui se joue d’abord dans les relations de proximité, les actions au quotidien des quartiers et des lieux de travail.

Les communistes ont besoin d’une direction communiste qui tire les leçons de l’échec de la gauche !

Sur de nombreux sujets, des milliers de militants communistes peuvent être mécontents. Partout en France, depuis des décennies, ils se battent pour la solidarité internationale, avec Cuba, le Nicaragua, le Chili, avec le Vietnam, l’Afrique, l’Algérie... et avec la Palestine. Depuis 9 mois, partout en France, ils manifestent contre le génocide, contre l’apartheid. Aucun antisémitisme, aucune confusion avec l’islamisme, aucune ambiguïté sur la reconnaissance de l’existence d’Israël, ou la nécessité d’une paix juste pour tous les peuples, donc aussi pour les juifs.

Mais la direction du parti a pour des raisons politiciennes, électoralistes, créé la confusion avec les défenseurs du pouvoir israélien d’extrême-droite ! Comment a-t-elle pu laisser la place à LFI dans les médias sur la solidarité avec les palestiniens ? Quel est le responsable des questions internationales qui a pu se permettre de décider à la place des palestiniens sur qui faisait partie de la résistance palestinienne ? Fabien Roussel réalise-t-il que Marwan Barghouthi qu’il soutient, appelle lui, à l’unité de toutes les forces palestiniennes, y compris le Hamas ?

De même, toute l’histoire militante communiste s’est construite dans la solidarité avec les peuples contre le colonialisme, contre l’impérialisme, contre l’OTAN, contre la défense européenne, pour la souveraineté et l’indépendance de la France. Depuis 2014, un peu partout en France, des communistes font connaitre la guerre menée par Kiev contre le Donbass, le crime d’Odessa de mai 2014. A Vénissieux, nous avons reçu un député communiste Ukrainien, les mères d’Odessa pleurant leurs fils assassinés par des nazis dans la maison des syndicats. Les médias français les ont boycottés. Comment la direction du PCF peut-elle les ignorer et accepter de les effacer pour s’inscrire dans le discours occidental sur le méchant Poutine qui serait la seule raison de cette guerre horrible ? Oublié le capitalisme qui porte en lui la guerre comme la nuée l’orage ? Oublié toute l’expérience des guerres françaises en Afrique, des guerres US en Irak, en Libye, en Afghanistan, en Amérique Latine, des bombardements de l’OTAN contre la Serbie ? Comment un dirigeant communiste peut-il faire croire que les guerres sont le résultat de décisions de dirigeants fous ? Comment peut-il oublier les enjeux géopolitiques d’accès aux ressources, aux énergies, aux routes terrestres et maritimes, comme les milliards des guerres qu’il faudra faire payer aux salariés ?

Les communistes sont désuets s’ils ne s’inscrivent pas dans un monde en pleine transformation

Cette question de la paix est identitaire pour de nombreux communistes qui n’ont pas mené campagne et ont même parfois décidé de ne pas voter, parce-qu’ils avaient entendu le candidat dire qu’il fallait envoyer des armes, alors même que nous diffusions souvent, conformément aux décisions de notre dernier congrès, des tracts locaux sur le thème "cessez-le-feu", "Stop aux livraisons d’armes". Mais dans notre monde médiatique, aucune action militante ne peut faire oublier une déclaration télé...

Si la paix est une question fondamentale pour les communistes, c’est qu’ils sont des internationalistes, héritier de cette maxime de Lénine "occupe-toi d’abord de ta propre bourgeoisie". Il y a la génération de la résistance, des enfants de résistants, de la guerre du Vietnam, de la guerre d’Algérie, d’Angela Davis, de Mandela... et de Salah Hamouri plus récemment. Mais Marie-Georges Buffet est restée au gouvernement qui envoyait les avions français bombarder la Serbie, rompant pour la première fois la longue histoire internationaliste des communistes.

C’est pourquoi les communistes doivent parler du monde en pleine transformation, rompre avec ce point de vue occidental d’un occident référent des droits de l’homme et de la démocratie face au reste du monde décrit comme une jungle dangereuse remplie de dictateurs et de pays arriérés. Non, le danger pour le monde, c’est l’occident militariste prêt à tout, même à la guerre nucléaire, pour sauver le dollar ! Car dans dix ans au rythme actuel, le poids des BRICS+ dédollarisés rendra impossible pour les USA de faire payer le dollar à la planète.

Les communistes doivent en urgence sortir du consensus atlantiste et apparaitre en France comme ceux qui proposent la rupture avec la domination US et la coopération avec toute la planète. La Chine n’est pas notre ennemi, mais notre partenaire essentiel pour la réindustrialisation ! Nous avons besoin de coopérer pour reconstruire des filières technologiques et industrielles entières, de l’accès aux ressources à la recherche pour inventer une industrie décarbonée, propre, sécurisée, une performance économique qui repose sur les qualifications et l’efficacité collective pour une nouvelle réduction historique du temps de travail.

Fabien doit quitter les plateaux télé et faire une tournée mondiale pour parler au communistes du monde entier, comme aux forces nationales qui cherchent leur indépendance pour un autre développement, comme à cette "assemblée internationale des peuples" qui organise la coopération des mouvements sociaux du Sud, après l’échec des forums sociaux dominés par les ONG occidentales.

Après l’urgence des 30 juin et 7 juillet, il restera l’essentiel, la reconstruction du parti communiste pour une nouvelle période historique de rassemblement populaire tirant les leçons de l’échec de la gauche.

L’adresse originale de cet article est https://levenissian.fr/le-RN-aux-po...

[1dont les causes sont multiples certes, et pas seulement liées aux politiques de la gauche, mais qui sont bien cependant le bilan de la période historique...

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    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

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    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).