Universités : abroger LRU, LOLF et Pacte pour la Recherche Par les gestionnaires du site "Indépendance des chercheurs"

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Le 3 mars 2012, La Voix Eco écrit « Vingt-cinq pays membres signent un nouveau pacte de discipline budgétaire », se référant aux "règles d’or budgétaires" complémentaires au Mécanisme Européen de Stabilité (MES) et prévues dans les considérants de ce dernier. En s’abstenant lors des votes parlementaires à l’Assemblée Nationale et au Sénat, le Parti Socialiste a permis l’adoption de ce dispositif. Le consensus UMP - PS est donc clair quant à la suite de la casse sociale et de son organisation à l’échelle de l’Union Européenne, quel que soit le résultat des élections présidentielles. Le 3 mars également, l’Humanité claironne « Europe : le traité qu’il nous faut », réclamant « une Union européenne démocratique, 
fondée sur l’intervention citoyenne ». Mais s’agit-il d’autre chose que d’un leurre ? Certes, le texte véhicule une solution commode pour l’image du candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon, qui fut il y a vingt ans un ardent défenseur du Traité de Maastricht instituant l’Union Européenne. Mais que peuvent attendre les citoyens de ce caméléonisme politique ? Jean-Luc Mélénchon fut également ministre du gouvernement dit de "gauche plurielle" de Lionel Jospin, auquel les milieux financiers et les multinationales doivent notamment, outre un record de privatisations :

- i) la stratégie de Lisbonne et le Processus de Bologne dont ont découlé la Loi n°2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), le Pacte pour la Recherche avec la Loi n°2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, la mastérisation...
- ii) la Loi Organique Relative aux Lois de Finances d’août 2001 (LOLF), loi de casse de la fonction publique et du budget de l’Etat ;
- iii) les accords du Conseil Européen de Barcelone, dont a découlé la Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites...

Il s’agit de toute évidence de mesures dont l’abrogation paraît indispensable, de même que la dénonciation des accords européens qui en sont à l’origine. Autant de questions essentielles qu’escamote le texte nommé « Appel de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche » qui évite notamment de formuler des revendications d’abrogations claires, incontournables dans le contexte actuel. Pourtant, la mise en application du MES et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire (TSCG) qui lui est connexe risque de se traduire par une rapide dégradation du statut de chercheurs et enseignants-chercheurs français sous la pression de l’Union Européenne. Le 3 mars, Zone Bourse rapporte « Bourse de Paris : 2012 - Hollande promet de "rendre" l’Etat aux Français ». Mais comment Nicolas Sarkozy et François Hollande peuvent-ils promettre de « rendre l’État aux Français », alors qu’ils viennent d’un commun accord de le livrer à l’Union Européenne et aux milieux financiers via le MES ?

Il suffit de suivre l’évolution de la situation en Grèce pour comprendre que l’adoption du MES conduira à des attaques directes contre le statut des personnels de la recherche et de l’éducation en France. Merci aux sénateurs de "gauche" qui ont laissé passer cet accord dont la portée leur est bien connue...

Le 5 des considérants au Traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité, stipule :

Le 9 décembre 2011, les chefs d’État et de gouvernement d’États membres dont la monnaie est l’euro ont convenu d’évoluer vers une union économique plus forte comprenant un nouveau pacte budgétaire et une coordination accrue des politiques économiques qui devront être mis en œuvre au moyen d’un accord international, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire ("TSCG"). Le TSCG aidera à développer une coordination plus étroite au sein de la zone euro afin d’assurer une bonne gestion durable et solide des finances publiques et donc de répondre à l’une des principales sources d’instabilité financière. Le présent traité et le TSCG sont complémentaires dans la promotion de pratiques budgétaires responsables et de la solidarité au sein de l’Union économique et monétaire. Il est reconnu et convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du TSCG par l’État membre concerné et, à l’expiration du délai de transposition visé à l’article 3, paragraphe 2, du TSCG, au respect des exigences dudit article.

(cf. le TSCG (Traité sur la Stabilité, la coordination et la gouvernance)).

Mais ne nous y trompons pas. Ce danger était déjà ancien. Depuis longtemps, des "personnalités influentes" françaises, et même des "directeurs en colère" de la période 2004-2005, se plaignent qu’en France « tout le monde a une tenure [1] ». En clair, ces dames et messieurs veulent des précaires à la place. Et quelle est, sur le plan de la stabilité d’emploi, la situation de la majorité des chercheurs et des enseignants-chercheurs en Grande-Bretagne, en Allemagne, dans les pays du Nord de l’Europe... ?

Lorsque l’Appel dit du 23 février renonce à la demande d’abrogation de la LRU, du Pacte pour la Recherche, de la LOLF, de la stratégie de Lisbonne... il ouvre la voie à la suppression de notre statut de fonctionnaires. Dont acte.

Le C3N, instance du plus haut niveau du Comité National de la Recherche Scientifique, a diffusé cette semaine une « Adresse aux candidats à l’élection présidentielle… et aux électeurs ! » (CNRS-C3N) qui critique explicitement « ce que disent François Hollande et Nicolas Sarkozy ». Cette dénonciation de la stratégie Sarkollande est clairement juste et factuelle. Mais par la suite, le texte rentre dans le bercail des revendications vagues et faciles à récupérer.

En même temps, avec la plus grande discrétion, le monde politique français vient de donner le feu vert au traité instituant l’Eurogendfor. Et si les gendarmeries française, espagnole (Garde Civile), italienne (Carabinieri)... subissent une marginalisation croissante, quel avenir attend l’éducation et la recherche dans ce même contexte européen ?

Sur l’Eurogendfor, les organisations qui forment le Front de Gauche semblent garder le silence. Curieux, pour une mouvance politique qui dit réclamer « une Union européenne démocratique, 
fondée sur l’intervention citoyenne »... et qui dispose d’élus au Parlement. Ces élus ont-ils quelque chose à dire aux citoyens ?

Les demandes d’élaboration de nouvelles dispositions légales et réglementaires dont l’Appel du 23 février et la déclaration du C3N sont porteurs, au lieu de la revendication d’abrogation de la LRU et du Pacte pour la Recherche clairement exprimée par les mouvements de 2009, paraissent d’autant plus nuisibles qu’elles s’inscrivent de fait dans le consensus Sarkollande où la tutelle de l’Union européenne est destinée à jouer un rôle croissant.

De surcroît, les prises de position des organisations syndicales ou de leurs élus (ou les absence de prises de position) ont présenté de nombreuses lacunes au cours de la période récente. Tel fut le cas en juin 2009, avec le vote favorable au contrat d’objectifs du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) par un Conseil Scientifique à présidence syndicale (voir nos articles).

Et c’est loin d’être le seul cas où le comportement des élus syndicaux et de leurs organisations se trouve à l’origine de dangereux précédents.

Par exemple, les enseignants-chercheurs pourront-ils échapper à l’évaluation quadriennale et aux « rapports qui flinguent » (dixit Marianne à propos des frères Bogdanoff), après l’adoption de MES par le Sénat ? L’enseignement supérieur pourra-t-il éviter une précarisation accélérée ?

Précisément, dans la prétendue « affaire Bogdanoff », les organisations syndicales ont laissé se mettre un place un très dangereux précédent (rapport anonyme et sans cachet rendu public alors qu’il est attribué à une instance officielle qui normalement n’évalue pas les thèses de doctorat, etc...).

Dans le contexte de tensions croissantes qui découlera du MES et des "réformes" sous la houlette de l’Union Européenne, un tel précédent ne manquera pas de se retourner contre les enseignants-chercheurs, les doctorants et, sans doute, contre les chercheurs et les autres fonctionnaires aussi. D’emblée, en ce qui concerne la déréglementation de fait des évaluations professionnelles. Quelles en seront les conséquences ?

Sidérant, que le SNESup, SUD Education, les syndicats de la recherche... n’aient pas réagi dans le cas des Bogdanoff au fait que :

- i) le Comité National de la Recherche Scientifique ait accepté, d’après les médias, d’évaluer non seulement un travail de thèse mais aussi le travail des membres des jurys des deux thèses sans qu’aucun texte réglementaire ne lui assigne une telle mission ;

- ii) les intéressés n’aient apparemment pas été prévenus de l’élaboration d’un rapport les concernant, ni reçu communication dudit rapport suite à son adoption ;

- iii) le prétendu "rapport" aurait été rendu public, sans cachet ni signature de surcroît. Par qui, d’ailleurs ?

Et quel a été le comportement des élus syndicaux au sein des deux sections du Comité National concernées (Mathématiques et Physique Théorique), à supposer qu’un rapport de cette nature ait été adopté par les deux sections ? Existe-t-il des procès-verbaux des sections concernées du Comité National attestant de l’adoption de ce rapport sur les thèses des frères Bogdanoff ?

Le précédent, et le silence syndical qui constitue un autre précédent en la matière, sont là. La facture risque de tomber tôt ou tard, l’application prévisible du MES pouvant exploiter ce type de caution objective à des pratiques "nouvelles".

Le problème posé par l’Appel du 23 février ou la déclaration du C3N rejoint celui du fonctionnement et des prises de position d’un milieu militant en syndicat depuis les années 1980. La politique "européenne" imposée depuis la période de Jacques Delors n’a jamais été vraiment combattue par les mouvements revendicatifs. Il en a été de même de la vaste casse institutionnelle et sociale menée à terme par la "gauche plurielle" de Lionel Jospin, ou de la mise en place de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) que dirige actuellement le "socialiste" français Pascal Lamy. On s’obstine à présent à appeler "politique de Sarkozy" ce qui n’a été que l’application d’une stratégie commune à "droites" et "gauches" depuis 1985 environ. Et c’est de toute évidence pourquoi les demandes d’abrogation pure et simple de la LRU ou du Pacte pour la Recherche ne sont pas les bienvenues, pas plus que les rappels concernant la stratégie de Lisbonne, le processus de Bologne, la LOLF... adoptés par la "gauche plurielle" de 1997-2002.

Évidemment, pour que les citoyens se déplacent aux urnes, les représentants du monde politique doivent faire croire aux citoyens qu’il existe entre eux de véritables différences. L’Appel du 23 février dit "de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche" contribue à propager le même mirage.

Rien d’étonnant, donc, à ce que ni l’Appel ni la déclaration du C3N n’aient infléchi d’un pouce le programme affiché par François Hollande. Voir encore sa prestation d’il y a une semaine sur TF1, le 27 février 2012.

Indépendance des Chercheurs , le 3 mars 2012

Tiré de leur site

[1Tenure : terre concédée à une personne non noble par un seigneur, en en retenant la propriété pour n’accorder que la jouissance précaire au concessionnaire

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