Le résultat des élections présidentielles et législatives inquiète. Malgré le maintien de ses députés, le parti communiste sort affaibli de ses élections. La réussite de Jean-Luc Mélenchon au premier tour et de la France Insoumise n’empêche pas que la gauche est a son plus bas historique. que PCF et FI perdent aux législatives plus de la moitié des voix présidentielles, contrairement à 1981 où les communistes avaient retrouvés les voix Marchais aux législatives. La bourgeoisie a réussi une opération de recomposition qui certes ne résout rien au plan économique et social, mais confirme sa capacité politique à imposer sa domination.
Pourtant, la colère populaire est très large contre un système injuste, inefficace, incapable de répondre aux aspirations de ceux qui ne vivent que du travail ou de la solidarité. Pourtant, le capitalisme parait toujours plus violent, cynique, créant un monde dangereux pour l’humanité, pour la planète. On sait que le capitalisme produit lui-même ses propres fossoyeurs. Détachés ou ubérisés, externalisés ou délocalisés, précarisés ou intégrés, immigrés d’ici ou de loin, les travailleurs restent la richesse première des capitalistes, celle contre qui ils mènent une guerre permanente pour extraire la plus-value, provoquant résistances et colères, terreaux fertiles aux prises de conscience.
L’idée communiste ne peut ainsi que renaître, même de ses cendres, si elle peut transformer les colères en forces, en organisation, en solidarité, et pour finir, en perspective politique. Mais bien évidemment, l’émiettement de ceux qui en parlent est un frein...
Que le débat soit vif est naturel. Il ne peut être en dehors des contradictions, des histoires, des conflits qui ont marqués le mouvement communiste depuis des décennies. Pourtant, s’il y a des analyses justes, des idées pertinentes, ce ne sont pas seulement la justesse ou la pertinence des idées qui feront la reconstruction communiste. Il faut aussi des militants capables d’unir les forces nécessaires pour que l’alternative prenne une dimension de masse, condition de sa force, et il faut des dirigeants qui la représente... Brecht fait dire à Lénine dans un texte "idées, qui sers-tu ?". Une idée n’existe pas en dehors de ce que les hommes et les femmes en font, en dehors de son rôle dans les luttes idéologiques politiques et sociales. On ne peut construire sans cohérence des idées, mais il n’y a pas de cohérences des idées sans réelle construction militante, sans effort d’organisation, donc d’unité.
Les personnalités issues du PCF ne manquent pas, bien que dispersées, souvent opposées dans l’histoire mouvementée de la recherche d’une "voie Française et pacifique au socialisme", puis d’un "nouveau communisme", opposée aussi dans la conception du rassemblement nécessaire et du rôle du parti, entre union de la gauche, collectif anti-libéraux, Front de Gauche, puis France insoumise, longue histoire dont il faut tirer le bilan, car ce n’est pas en l’oubliant qu’on aidera la reconstruction, au contraire.
Il faut reconnaitre que personne n’a été à a hauteur du défi historique de la reconstruction communiste après la victoire du capitalisme mondialisé. Aucune analyse historique n’a permis une réponse capable d’unir et de reconstruire, ni bien sûr la direction qui a organisé de congrès en congrès des stratégies toutes mises en échec, ni ceux qui ont fait la "mutation" du PCF, ni ceux qui ont poussé et poussent encore à une refondation dépassant la forme parti, ni ceux qui l’ont quitté pour tenter de reconstruire autre chose, ou pour organiser les militants en attente de cette reconstruction, ni ceux qui ont pesé dans le PCF pour d’autres orientations, ni ceux qui ont continué à écrire sous leur nom en se mettant de coté...
Il y a bien sûr des responsabilités, mais on doit aussi reconnaitre que la période a été bousculée par la violence d’un capitalisme mondialisé qui a cru être arrivé à la fin de l’histoire, qu’il est normal d’avoir fait des erreur en tentant de "repenser" l’engagement communiste. Ce qui serait dangereux, c’est de ne pas voir, 30 ans après la chute du mur, les contradictions, les résistances qui ré-ouvrent l’hypothèse communiste, de ne pas voir que tout le socialisme du XXe siècle n’a pas disparu mais au contraire a laissé des traces profondes, bien sûr avec Cuba en Amérique Latine, mais aussi en Chine, et même en Russie. Ce qui serait suicidaire pour les communistes, c’est de penser que le "nouveau monde" invaliderait les questions stratégiques passées, celles de la nature de la transformation sociale, donc de la révolution et du projet de société, donc du socialisme.
Le programme de l’université d’été du PCF a semblé ouvrir le débat, avec de multiples intervenants, mais il a une zone d’ombre... notre propre histoire et ses contradictions. Aucun intervenant porteur d’un discours critique de l’histoire de la mutation du PCF et de ses choix stratégiques.
– « Faut-il une "révolution" ou peut-on changer une société petit à petit ?
– Comment nommer une autre société que le capitalisme ? socialisme ? communisme ?
– Une voie pacifique est-elle possible ?
– Faut-il des "étapes" successives, comme le projet d’une "démocratie avancée" ?
– Comment unir le peuple face à une bourgeoisie qui fait toujours tout pour le diviser ?
– Doit-on s’adresser aux "99%" des gens où y-a-t-il des classes sociales particulières pour les communistes ?
– Le communisme est-il invalidé par l’effondrement soviétique où faut-il au contraire reconstruire une histoire communiste des pays socialistes ? »
La mutation puis la refondation/métamorphose/Front de gauche ont apporté parfois dans le flou des réponses en rupture avec l’histoire du PCF... priorisant la voie électorale, institutionnelle, une gestion "sociale" des biens communs qui se présente opposée au marché mais sans nationalisations, sans "révolution", une démocratie étendue avec les 99%, en supposant que la "force de la politique" permettra de répondre à la "politique de la force" [1]. Mais ceux qui ont cristallisé les oppositions à ces transformations du PCF sont ignorés.
Le dernier congrès, et les résultats de 2017 posent cette question avec acuité, plaçant la direction, qui reconnait elle-même un "véritable échec", devant la responsabilité historique d’ouvrir réellement le débat stratégique, c’est à dire de parler à tous, de chercher dans toutes les analyses historiques de communistes ce qui peut aider à comprendre, ce qui est utile à reconstruire. Elle s’enfermerait dans l’échec en réduisant ce débat dans la continuité des stratégies de ces dernières années, dans la recherche éperdue d’une nouvelle solution pour "la gauche". Le débat a besoin de faire le tour des divisions entre communistes nées de réactions différentes à une histoire mouvementée, fin de l’URSS, fin de l’union de la gauche, mondialisation, transformation du travail, du capitalisme et de ses institutions.
La mutation avec ses suites a été une tentative de réponse historique qui a échouée. On ne reconstruira pas un grand parti communiste sans réouvrir les grands décisions stratégiques qui ont transformé le PCF depuis le programme commun.