Une rébellion sur le Titanic Par Uri Avnery

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Si nous voulons éviter l’émergence de l’iceberg destructeur, nous devons changer la perception de notre existence. « Paix » est devenue un mot de quatre lettres.

Les prochaines élections vont déterminer qui gouvernera Israël les quatre années à venir, de 2013 à 2017. Ce seront quatre années décisives, peut-être les plus décisives de l’histoire du pays. Si les choses restent ce qu’elles sont, en 2018 le changement ne sera alors plus possible. La thèse de Meron Benvenisti, scientifique politique israélien, est que la situation se trouvera à un tel stade qu’elle sera irréversible.

Nous savons que le conflit ou ce que les israéliens nomment « la situation », n’est absolument pas une « situation ». C’est un processus dynamique d’annexion de la Cisjordanie par le moyen de l’occupation. Cela nous conduira inexorablement vers un cauchemar évident, « un seul état – solution ».

Cet état unique, entre la mer et le fleuve, sera un état d’Apartheid. Les Juifs qui ne seront plus qu’une minorité dans cet état unique régneront sur les Arabes (qui eux seront majoritaires). La vie dans cet état sera un enfer aussi bien pour les gouvernants que pour les gouvernés.

Tôt ou tard, les juifs n’auront pas d’autre choix que celui d’accorder les droits de citoyenneté aux arabes. L’état d’Israël deviendra l’Etat de la Palestine. Les Juifs seront une minorité dans un pays arabe. Nombreux seront ceux qui émigreront et se disperseront dans le monde entier. D’une manière ou d’une autre, 130 années de sionisme se transformeront en une erreur historique comme celle de son prédécesseur, l’Etat des Croisés qui a régné pendant 200 ans. Tout ceci est évident, vous n’avez pas besoin d’une intelligence particulière pour le voir.

Il n’y a qu’un seul moyen pour éviter que ce scénario ne se transforme en réalité, c’est la solution dédaignée, « deux états pour deux peuples », en bref, la paix.

C’est l’option majeure, et pratiquement la seule option – qui compte pour notre existence nationale ; aucun de nos grands partis politiques n’en parle. Le ciel les en garde bien de prononcer son nom.

L’état d’Israël est comme le Titanic, ce splendide vaisseau qu’on appelait l’insubmersible. Même lorsque l’iceberg pointe à l’horizon, les discussions sont vives sur le pont. Mais quel sont les sujets de ces discussions ? L’équipage veut élire démocratiquement un nouveau capitaine.

Le capitaine en exercice dit qu’il est le seul à bord à pouvoir diriger le navire sans danger, jusqu’au port ; il ajoute même à tous ceux qui veulent l’entendre, qu’il n’a jamais coulé un bateau.

Les mécaniciens ronchonnent sur leurs difficultés au travail et exigent une augmentation de leurs salaires.

Certains des passagers suivent le mouvement et trouvent leurs cabines inconfortables, ils réclament des changements immédiats. D’autres exigent une justice sociale à bord, ils estiment que l’écart des conditions de voyage entre la première classe et l’entrepont est bien trop grand.

Il y a une histoire, celle de cette aristocrate anglaise, « ronde comme une buche » qui se tenait sur le pont avec un verre de whisky dans une main et qui murmurait, « j’ai pourtant demandé de la glace, mais c’est ridicule ! ».

Maintenant pour la morale de l’histoire. Pour sauver l’Etat d’Israël, – littéralement -, un changement de gouvernement n’est pas suffisant. Nous devons changer la manière dont nous percevons le problème de notre existence.

Le mot “paix” est devenu un mot de quatre lettres. Tous les grands et moyens partis politiques, de droite comme de gauche, battent en retraite comme s’ils voulaient fuir une zone de feu, dès qu’il en est question. Il n’est tout simplement jamais mentionné. C’est vrai, il y a bien le parti Meretz, mais c’est un petit parti isolé. Il y a le parti Hadash, mais il est boycotté, et il ne vient à l’esprit de personne que les partis arabes pourraient un jour faire partie d’une coalition.

Les protestations pour une justice sociale qui eurent lieu l’an passé et qui furent une bénédiction, ont de larges répercussions sur le caractère des élections. Mais les exigences pour une justice sociale ont fermé portes et fenêtres pour laisser place à la discussion du problème le plus fondamental de l’Etat d’Israël.

Une bénédiction transformée en malédiction.

La droite a trouvé une solution sioniste accommodante, elle ignore le problème, tout simplement. La droite gouverne le pays et continuera de le gouverner tant qu’aucune demande ferme du public ne la contraindra à apporter des solutions claires. Ce clan (le Likud, les Haredis et les factions religieuses, le parti du Ministre des Affaires Étrangères Avigdor Lieberman, les colons et les fascistes de tous bords) chantent les éloges de l’état juif tout en le menant vers sa destruction.

Mais les factions politiques du « centre-gauche », avec ou sans « quel est son nom », avec ou sans nouvelles factions, avec ou sans unité, ne défient pas la droite sur la question qui déterminera notre existence. Ils poursuivent un but utilitaire, ils ont rejoint la marche de la droite vers l’abîme.

Si ce bateau ne change pas de cap, il frappera l’iceberg. Ensuite nous connaissons tous la suite.

Uri Avnery – Haaretz – traduit de l’anglais par Joëlle Perl

Voir en ligne : Traduction de Joëlle Perl

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