La guerre en Ukraine, trois ans après la réaction russe à la guerre menée au Donbass ukrainien depuis 2014, demeure une plaie ouverte au cœur de l’Europe. Derrière l’enlisement militaire et les discours belliqueux, une évidence s’impose : aucune solution purement militaire ne mettra fin à ce conflit. Les récentes déclarations d’Emmanuel Macron sur la poursuite de la guerre, et « l’autonomie stratégique européenne », évoquant notamment l’éventuelle extension du parapluie nucléaire français, révèlent moins une vision cohérente qu’un aveu d’impuissance. Ce projet, flou et dangereux, ne répond pas aux urgences actuelles : désamorcer l’escalade, assurer la sécurité collective et penser la paix hors des logiques de blocs.
Un million de victimes plus tard, le constat est implacable : l’escalade militariste commencée avec l’extension de l’OTAN à partir de 1991, poursuivie en 2014 par le "Maïdan", coup d’état d’inspiration fasciste interdisant tous les partis politiques, massacrant les opposants, tuant plus de 10.000 ukrainien dans le Donbass avec le refus d’appliquer les accords de Minsk1 et Minsk2 en 2015, a échoué. Les récentes livraisons massives d’armes à l’Ukraine, censées faire barrage à la réaction russe, n’ont fait qu’alimenter une machine de guerre destructrice, affectant gravement les populations ukrainiennes, russes et européennes. Les profits record des industriels de l’armement, aux USA, partout en Europe où c’est documenté, (+29 % pour Lockheed Martin en 2024) et certainement des oligarques russes, contrastent violemment avec l’asphyxie des budgets sociaux européens, où inflation, dette publique, récession en particulier en Allemagne, fragilisent les services essentiels.
Cette guerre, issue d’une mondialisation capitaliste en crise ne bénéficie à aucun peuple, comme toute guerre. Elle profite exclusivement à une minorité : oligarques russes de l’armement et la finance, fonds spéculatifs mondialisés tirant profit de la dette ukrainienne, et complexe militaro-industriel occidental. Tandis que les armes font des centaines de milliers de victimes sur le terrain, c’est dans les capitales, que les conseils d’administration et lors de négociations opaques voudraient décider l’avenir de ce conflit — un avenir où l’Ukraine risque de sortir exsangue, quel que soit le camp proclamé "vainqueur". Les projets de "reconstruction" de l’Ukraine, souvent présentés comme une lueur d’espoir, exigent une vigilance renforcée. Dirigés par des institutions telles que BlackRock ou le FMI, ces plans risquent de transformer le pays en un nouveau laboratoire néolibéral : accaparement des terres agricoles par des fonds spéculatifs, "remboursements US" sur les terres rares et autres richesses, privatisation des infrastructures au bénéfice des multinationales, droits sociaux sacrifiés sur l’autel de la "compétitivité". Place nette pour les profiteurs acteurs majeurs de l’asphyxie de la planète au CO2. Ce scénario, déjà observé en Grèce, en Irak, en Lybie..., imposerait une double peine aux Ukrainiens : après la guerre, la dilapidation.
L’Europe, quant à elle, paie le prix de sa dépendance stratégique depuis sa création. Avec des dirigeants qui pris de court par un Donald Trump isolationniste entendant redéployer ses forces face à la Chine veulent enfin arriver à l’objectif US de faire participer leurs "alliés" à une course aux armements partout égale ou supérieure à 5 % de leur PIB. Emmanuel Macron s’est livré à une rhétorique martiale, préparant les français à un effort de guerre, à une guerre inéluctable selon lui. Mais qu’en est-il de l’effort de paix auquel aspirent tous les peuples ? L’idée d’une guerre imminente contre une Russie prête à débarquer sur les Champs-Élysées, rappelant les pires moments de propagande de la guerre froide, apparaît davantage comme une justification commode à des politiques d’austérité qu’une réalité tangible. Alors que nos collectivités locales et leur personnel cherchent désespérément à faire plus avec toujours moins, et que nos services publics s’épuisent à pallier les carences, le gouvernement semble pourtant capable de mobiliser soudainement des ressources considérables pour alimenter une escalade militaire aux objectifs impérialistes et russophobes. Cette contradiction révèle un choix politique évident : sacrifier les besoins sociaux pour défendre une souveraineté factice, quitte à accentuer davantage les fractures internes d’une société déjà fragilisée par les crises cumulées.
L’urgence véritable est de reconstruire un modèle de coopération internationale fondé sur la solidarité, préservant ainsi à la fois la paix et le progrès social, plutôt que d’alimenter une spirale infinie de confrontations aux conséquences prévisibles : l’appauvrissement des peuples et guerres. La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a les moyens de sortir de l’immobilisme. Au lieu de s’enfermer dans une rhétorique guerrière, elle doit :
• Exiger un cessez-le-feu immédiat et soutenir des négociations sous l’égide de l’ONU, en impliquant des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud qui se sont déjà avancés dans ce sens, ainsi que les acteurs locaux ukrainiens et russes.
• Relancer les principes d’Helsinki de 1975, affirmant l’inviolabilité des frontières et la coopération paneuropéenne, tout en garantissant la sécurité de tous les États, y compris la Russie.
• Dialoguer activement avec les BRICS et organiser une conférence internationale, afin de réduire le risque d’une guerre mondiale en incluant les pays du Sud global majoritaire.
La paix en Ukraine ne sera ni victoire ni capitulation, mais l’art fragile de concilier des intérêts antagonistes. À nous de refuser les simplifications dangereuses et de renouer avec notre vocation de puissance de paix, de renouer avec la part européenne de la politique gaullienne de "l’Atlantique à l’Oural" en exigeant l’arrêt immédiat des combats, en relançant le désarmement nucléaire et en construisant une sécurité européenne inclusive.
Cela implique de rompre avec les logiques libérales qui ont laminé notre industrie, fragilisé notre souveraineté et jeté les peuples les uns contre les autres.