Trump et les droits de douane, un recul en trompe-l’œil
Avant de juger, il faut d’abord regarder les faits. Trump annonce une réduction des tarifs douaniers, mais cette « baisse » masque une hausse massive par rapport aux niveaux historiques. Entre communication habile et protectionnisme déguisé, décryptage d’un tour de passe-passe.
Donald Trump a annoncé une réduction des droits de douane à 10 %, sauf pour la Chine. Présentée comme un recul par rapport aux hausses massives imposées précédemment, cette décision mérite d’être examinée à l’aune des chiffres. Avant ces augmentations, le taux moyen des droits de douane américains était de 1,66 %. En le fixant désormais à 10 %, on reste bien au-delà des niveaux d’avant-crise.
Un soulagement bien orchestré
Ce « recul » est donc relatif. Factuellement, les États-Unis passent ainsi de la 160ᵉ place mondiale en termes de taxation douanière à la 40ᵉ. De plus, cette mesure est temporaire : un sursis de 90 jours est accordé aux partenaires commerciaux des États-Unis, qui devront en contrepartie proposer des concessions économiques favorables à Washington.
Mais pour la Chine, le message est clair : Washington se heurte à un os. Pékin a déjà anticipé ces tactiques et adapté sa stratégie économique en conséquence. Plutôt que de se soumettre, la Chine a renforcé ses chaînes d’approvisionnement internes, diversifié ses débouchés et consolidé ses relations avec d’autres partenaires commerciaux, notamment en Asie et en Afrique. Elle a aussi réagi en taxant en retour certaines importations américaines, pénalisant des secteurs clés comme l’agriculture et l’industrie automobile. En somme, loin d’être prise au dépourvu, la Chine semble jouer un coup d’avance.
Protectionnisme masqué
Les droits de douane ne sont qu’un des leviers du protectionnisme. Historiquement, les grandes puissances ont utilisé d’autres outils pour réguler leur commerce extérieur. Un exemple marquant est celui des Actes de navigation britanniques du XVIIᵉ siècle : l’Angleterre imposait que toutes les marchandises entrant sur son sol soient transportées sous pavillon britannique, ce qui affaiblissait directement la flotte hollandaise, alors dominante.
Aujourd’hui, le protectionnisme ne passe pas uniquement par les taxes douanières. Il s’exprime aussi par des normes sanitaires, des quotas, ou encore par des taxes portuaires. Or, un fait notable est à surveiller : les frais portuaires appliqués aux navires accostant aux États-Unis devraient connaître une augmentation significative sous l’administration Trump. Ces frais pourraient également être ciblés en fonction des pays, augmentant ainsi les coûts pour certains partenaires commerciaux spécifiques.
Concrètement, ces frais constituent une barrière commerciale indirecte. Contrairement aux droits de douane, qui ciblent en général des marchandises spécifiques, ces coûts supplémentaires frappent l’ensemble des importations maritimes. En renchérissant mécaniquement le prix des produits étrangers sans modifier officiellement les taux douaniers, cette mesure agit comme un droit de passage déguisé.
Pour autant, ce tour de passe-passe comporte aussi des risques importants. D’une part, elle alimente les tensions commerciales mondiales et pourrait déclencher des ripostes coûteuses pour certains secteurs américains vulnérables comme l’agriculture ou l’automobile. D’autre part, elle pourrait nuire aux consommateurs américains eux-mêmes : en renchérissant le coût des importations.