Pour une union des communistes, pour un parti du prolétariat. Pour rassembler il faut clarifier les débats.

, par  Gilles Questiaux , popularité : 1%

Il y a beaucoup de rencontres des communistes mais peu d’unité entre ceux qui se rencontrent.

Une des raisons : nul ne veut commander, mais nul ne veut être commandé non plus. Tous ces scrupules démocratiques cachent mal un manque évident de détermination. Il y a des gouvernés et des gouvernants. Les communistes veulent devenir des gouvernants, pour supprimer différence entre gouvernants et gouvernés. Sinon quoi ?

Et une autre : il existe des clivages idéologiques exogènes qui nous déstabilisent ; sommairement, le camp de ceux qui se revendiquent comme "communiste" se divise en deux ailes composées avec les guillemets de rigueur des "patriotes" et des "internationalistes", qui prennent des positions opposées dans la plupart des débats sociétaux. Je les appelle comme ça et je pense qu’ils se reconnaitront bien que tout le monde prétendra relever des deux à la fois. Dans ces débats sociétaux, plus on pense avoir de raisons et moins on se sert de la Raison. Mais la prégnance de ces débats sans autre issue que l’hystérisation réciproque est caractéristique du nouvel âge de la politique bourgeoise.

Pour avancer je propose :

1) D’écarter ce qui divise, de renforcer ce qui rassemble,

Ce qui implique de sacrifier ou de mettre au second plan par un accord tacite des campagnes et des thèmes d’action militante qui sont chers à beaucoup au point d’y consacrer l’essentiel de leur temps.

Ce qui rassemble les communistes, cela va sans dire, c’est le rejet de l’UE et de l’OTAN. C’est par exemple la solidarité au Donbass antifasciste, à la Syrie martyrisée par l’impérialisme, à l’Afrique néocolonisée. Le rejet définitif et sans retour possible des "socialistes" français et européens à placer au rang d’ennemi majeur. Le jugement positif et critique, mais d’abord positif, sur l’expérience du socialisme réel. Il semble, mais c’est moins explicite, que les communistes n’aient plus de complaisance soixante-huitarde envers la délinquance qui ravage le prolétariat.

Ce qui divise les communistes, comme tout le reste la société ni plus ni moins, ce sont les fameux débats plein de bruit et de vent consistant à enculer les mouches du "sociétal".

Il faut la mise entre parenthèse des faux débats suscités par la bourgeoise pour détourner l’attention, diviser le prolétariat, et pour cela convenir que nos organisations ne prennent pas position et conservent une forme de neutralité tactique sur les questions suivantes :

- Les "patriotes" devraient mettre au second plan la laïcité et les problématiques qui sont liées (voile, caricatures, etc.). Pour ce que ça vaut on en a bien assez parlé comme ça, et ces causes ont trouvé d’autres défenseurs dont elles se passeraient bien.

- Les "internationalistes" devraient remettre en question leurs certitudes concernant l’immigration : notamment la question de la régularisation globale des sans-papiers. Au fait combien de sans-papiers aidés par des militants sont-ils devenus des communistes ?

Et moins important mais dévorateur d’énergie et de temps :

- Famille, mariage homosexuel, reproduction assistée, etc.

- Mémoire et concurrence de mémoire. Incidemment nous sommes sortis du culte des héros pour tomber dans celui des victimes et nous n’y avons pas gagné au change.

- Questions d’identité : pour un marxiste je pense que le concept d’identité n’a aucune valeur.

- Religions : les communistes n’ont pas de religion, et n’ont pas celle de ne pas en avoir. Mais les religions véhiculent des discours politiques et en cas de conflit entre ces discours et le matérialisme historique, ce dernier doit l’emporter absolument. Le communisme est un Dieu jaloux dans son genre.

- Genre, parité, féminisme etc ; l’oppression des femmes bourgeoises est un fait du passé. L’oppression des femmes du prolétariat continue pourtant bien tranquillement.

Cette mise en parenthèse ne signifie pas que ces débats sont complètement dépourvu d’intérêt, et de fait ils passionnent les foules, mais qu’ils sont dans le contexte capitaliste autant de pièges qui font disparaitre le prolétariat de la scène et travaillent à le dissoudre en l’enfermant dans des communautés opposées. L’opposition bourgeoise au communautarisme finissant par former un communautarisme de plus.

Un débat sociétal peut refléter à l’occasion des contradictions plus profondes à titre de symptôme, mais seulement à ce titre.

Fondamentalement dans le nouvel âge du capitalisme sont opprimés les femmes prolétaires, les homosexuels prolétaires, les musulmans prolétaires, les noirs prolétaires, les juifs prolétaires, et les prolétaires sans qualité ne relevant d’aucune pseudo-communauté. Le reste est littérature.

Sur la question nodale de l’immigration, un seul objectif pour nous : l’unité de la classe ouvrière en France et l’organisation de la classe dans le monde. Ni fermer les frontières pour préserver une identité nationale largement mythique, ni les ouvrir en grand pour faire pression à la baisse sur les salaires ne peuvent s’inscrire dans un programme communiste. Nous devons cesser d’osciller sans vouloir l’admettre entre le programme chauvin et le programme libéral. Notre programme doit transcender ces oppositions fomentées par la bourgeoisie. Car si nous parvenons un jour au pouvoir, cela dit sans ironie, le problème sera plutôt l’émigration ! On l’a vu dans le passé et on le reverra, car la construction du socialisme ne passe pas par un chemin semé de roses. On serait beau si on arrivait à faire aussi bien qu’en RDA, dans les mêmes conditions.

Pour retrouver la légitimité du prolétariat il faut lutter pour restreindre l’immigration de l’ère capitaliste, en se préparant à faire appel à une gigantesque immigration socialiste pour compenser la fuite de la bourgeoisie.

Il n’y a plus que deux contradictions antagoniques qui jouent dans le monde : capital /travail, et Occident néocolonialiste /monde. Les différences susmentionnées ne sont pas (ne sont plus) des contradictions.

2) Se tourner résolument vers les militants d’entreprise

Pour qu’ils forment un nouveau noyau politique.

S’il faut reconstituer un vrai parti des exploités c’est sur eux qu’il faut s’appuyer, pour former son ossature. Le caractère de classe du parti doit s’affirmer concrètement dans son recrutement ; ce qui signifie qu’il ne doit pas recruter en priorité dans les groupes qui sont spontanément attirés par le discours (le bla bla) politicien, et singulièrement les étudiants en "sciences" politiques.

Cela ne signifie pas qu’il faut attendre que les militants salariés élaborent seuls la théorie et les objectifs, mais qu’il faut leur présenter la théorie de manière concrète. Que leur langage doit prédominer, pour le parti soit représentatif. La classe ouvrière n’est pas porteuse spontanément d’une politique révolutionnaire, mais seul un parti révolutionnaire avec de nombreux cadres formés parmi les travailleurs et parlant leur langage peut devenir légitime dans le prolétariat. Seuls des militants d’entreprises sont à l’abri de la plupart des tentations opportunistes du spectacle électoral et médiatique de la democracy.

Un vrai parti des exploités doit se plonger dans le peuple et sortir de la fausse sécurité de l’entre soi militant et de son langage, fût-il radical, révolutionnaire ou bolchevik. Les militants d’entreprise sont l’interface entre le monde militant et le peuple réel. Les élus, dans la mesure où ils ne doivent pas leur élection au PS peuvent l’être également, mais le cas est comme on le sait de plus en plus rare.

3) Trouver un accord commun autour d’un manifeste court

Rédigé en langage clair, et qui servirait de source virale à la formation de groupes communistes en France, et tant qu’à faire partout dans la monde.

Ce texte, sans avoir peur d’aller à contre-courant de la mode, mais en évitant aussi le repli sur des formes langagières dépassées affirmerait :

- La volonté de réaliser le socialisme définit comme la propriété collective des grands moyens de production, en expliquant pourquoi c’est bien, et pourquoi c’est nécessaire.

- L’expropriation des oligarques et des super riches (que le ressentiment à leur égard est légitime et vertueux, et pourquoi).

- La nécessité de quitter immédiatement l’UE et l’OTAN ; Il indiquerait la nécessité de la souveraineté nationale comme cadre démocratique incontournable.

- L’objectif de la refondation d’une sécurité sociale étendue au logement à l’alimentaire et aux services publics gratuits, contre l’invasion de l’humanitaire ; un monde des droits opposables (à commencer par celui du travail) et non du don caritatif, où tout le nécessaire est gratuit.

- Le pouvoir populaire, et l’initiative populaire pour reconstruire la république de la base au sommet.

- Montrerait que l’expérience soviétique fut une expérience positive de socialisme réel, et affirmerait ne rien renier du passé des expériences socialistes et des révolutions : que rien n’a pu les rendre mauvaises ! Le discours antisoviétique étant à classer dans sa totalité comme propagande bourgeoise, et la chute de l’Union Soviétique étant présentée pour ce qu’elle est : un recul de civilisation aux conséquences dramatiques dans le monde entier.

- Se rangerait dans le camp anti-impérialiste, le camp de la paix et du respect de souveraineté des peuples, et non dans celui de l’altermondialisation et de l’ingérence morale.

- Placerait le socialisme en préalable à la solution des problèmes écologiques qui menacent la survie de l’espèce, sans minimiser ces problèmes, au contraire, en défendant l’écologie scientifique contre l’écologie mythique des petits bourgeois.

- Négativement il doit utiliser le marxisme sans se complaire aucunement dans le jargon militant.

- Il doit éviter le bolchevisme théâtral des symboles qui ne choque ni n’intéresse personne à part quelques zombies des pays de l’Est.

- Ce texte devra rompre avec le style commémoratif qui sévit trop souvent chez les communistes, comme si notre âge d’or était derrière nous. Une récente réunion en Équateur des partis « communistes et ouvriers » a produit une résolution d’action commune dont la moitié au moins consistait en l’organisation de commémorations.

- Il ne doit pas non plus comporter une rhétorique de l’indignation qui finit sans s’en apercevoir par présenter l’ennemi comme tout puissant. Cela vaut aussi pour la dénonciation des complots supposés, qui ne peut pas être le centre d’un discours politique, les complots en question fussent-ils tous réels. La vraie dénonciation d’un complot réel de la réaction étant un complot révolutionnaire encore plus réel.

- Il doit refléter la force et la confiance en soi des masses qui se mettent en mouvement.

4) Pour un front patriotique

Quels alliés politiques envisageables des communistes voulant redevenir les représentants légitimes du prolétariat ? (eux-mêmes pour la plupart encore issus du long passé du PCF ou des courants ML) :

Nationalistes de gauche, chrétiens de gauche, musulmans anti-impérialistes, écologistes rationnels (pronucléaires !), sociaux-démocrates cohérents anti UE, anti-impérialistes, patriotes conservateurs convaincus (anti OTAN), etc. Pour un front patriotique ; mais jamais à la remorque d’aucune de ces tendances, qui sont d’ailleurs toutes très faibles au moins en France.

Quels ennemis proches à démasquer ?

Approfondir et dialectiser la scission avec eux pour attirer à nous les jeunes militants trompés par leur langage : "la gauche", sociaux démocrates, postcommunistes, gauchistes libéraux (NPA), les idéologues des droits de l’homme.

Ennemis stratégiques à combattre avec la dernière énergie : MEDEF, CFDT, PS, sociaux libéraux, chrétiens démocrates, atlantistes, libertairiens, régionalistes, séparatistes, écologistes incohérents (presque tous), et les nouveaux nazis assumés qu’ils soutiennent en Ukraine.

Leurres à ignorer dans la mesure du possible : néofascistes, antisémites, sionistes, intégristes, anarchistes manipulés, sectaires de tout acabit (y compris de sectes composées de communistes purement verbaux).

5) Questions internationales

Sur la question palestinienne, recentrer nos positions en critique des États-Unis qui sont l’ennemi principal des peuples du monde et le donneurs d’ordre d’Israël (et non l’inverse) pour sortir de l’impasse de la mauvaise dialectique juifs/musulmans. On dirait parfois qu’il n’y a que Jérusalem sur cette terre dans la géographie de bien des militants.

Soutien critique à la politique extérieure de la Russie et de la Chine non à leur politique intérieure. Leur rôle étant positif dans la mesure où ils affaiblissent l’impérialisme occidental (le seul qui agisse), mais négatif dans la mesure où ils oppriment leur prolétariat national. Et je crois que la "longue NEP" chinoise sensée aboutir au socialisme (théorie de Losurdo) commence à être bien trop longue ! La critique bourgeoise de la Chine n’est qu’un ramassis de clichés racistes, mais ça ne change rien au fait la Chine ne peut ni ne veut faire absolument rien pour les prolétaires du monde.

Soutien sans failles à Cuba socialiste, sans donner de leçon, mais en restant attentif à la montée possible de forces opportunistes (dans le style des postcommunistes gorbatchéviens européens) dans le contexte de réformes économiques indispensables. Soutiens aux socialistes anti-impérialistes d’Amérique latine, et étude fine de leurs promesses, comme de leurs limites.

Exigence de l’évacuation militaire par la France de l’Afrique. Soutien actif et sonore au panafricanisme. Si l’Afrique était unie elle serait en plein développement comme la Chine.

Campagne de dénonciation et même de vandalisation des médias et de la culture stipendiée par le capital, de Google à Louis Vuitton, et de l’idéologie artiste qui cimente la petite bourgeoisie française (sans avoir peur se s’attaquer aux « stars » du postmodernisme culturel). Cinéastes et artistes soi-disant d’avant garde mais sans impact populaire nous font tout simplement perdre notre temps. Jean-Luc Godard a formé combien de communistes ?

En conclusion, il nous faut enfin revenir dans le cœur du sujet, il nous faut parler de l’exploitation, du socialisme, de la révolution, et des moyens de la libération économique et politique du prolétariat. Et cesser de polémiquer avec des moulins à vent, de "parler politique" et de "débattre culture".

6) Organiser un congrès "de Livourne",

C’est-à-dire provoquer une scission sociologique pour rassembler sur une base saine.

Le but n’étant pas de créer une organisation de militants d’accord sur tout (et sur tout ce qui n’intéresse en rien le prolétariat !) mais de rassembler des voix diverses pour l’unité prolétarienne et l’action.

Pour valider le manifeste et pour désigner un groupe dirigeant réellement compétent et un petit nombre de portes paroles médiatiques choisis sur leur capacité et leur conviction.

Un congrès de rassemblement sur une base claire, avec une scission claire avec les éléments dominés par l’idiotie petite bourgeoise, dans sa "diversité", sa "pluralité", sa "multiplicité", sa "tolérance", ses affaires de cul, et son individualisme de masse.

C’est moins sur des tactiques que doit se fonder la scission que sur l’appartenance de classe ; en 1921 en Italie au congrès de Livourne qui fonda le Parti Communiste d’Italie en le séparant d’un parti socialiste pourtant très "à gauche", celle-ci faisait partie de la réalité la plus tangible et évidente. Au pays des enfants-rois du capitalisme, au cerveau lessivé par la marchandise, c’est moins clair. Le critère sera donc à chercher du coté de la volonté de l’engagement prolétarien du parti.

Suggestion en passant d’un nom pour le parti : l’unité prolétarienne, ou "UNIPROLO".

GQ, 9 décembre 2014

Voir en ligne : Réveil communiste

Rien ne nous oblige à avancer ; si nous ne le faisons pas d’autres le feront à notre place, voilà tout. Quels autres au fait ?

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