L’offensive générale 22 mars, allons-y tous ensemble !

, par  pam , popularité : 2%

Serge Halimi a raison d’attirer l’attention sur la stratégie du pouvoir. Il s’agit bien d’une "offensive générale", une véritable "statégie du choc" qui tente de submerger toute résistance par la vitesse, l’accumulation, le mépris de toute vie démocratique, l’effacement du parlement et plus que jamais, une véritable guerre de l’information, une guerre idéologique pour faire s’exprimer tout ce qui divise, tout ce qui oppose, comme la désormais célèbre formule opposant retraite des paysans et statut des cheminots, mais aussi salariés et usagers du train, parents et enseignants autour des rythmes scolaires...

Jusqu’en 2017, l’alternance permettait à chaque étape d’aller un cran plus loin, Chirac après Jospin qui avait pourtant battu le record de privatisations, Sarkozy encore plus à droite que Chirac, Hollande battant le record d’expulsions de Sarkozy... Mais cette alternance avait un coût politique élevé, et supposait de réinventer à chaque échéance une opposition de plus en plus vide et factice... Jusqu’au constat que ce ne serait plus possible en 2017 et à la construction de cette recomposition politique. En marche a créé une situation favorable pour faire plus "qu’un coup plus loin", et arracher l’ensemble du morceau pour les classes dirigeants, en finir enfin avec le "modèle social" qu’ils devaient faire semblant de défendre, avec le service public, et même avec l’héritage populaire de la république une et indivisible, jusqu’à mettre en cause cette "assemblée nationale" dont la légitimité remontait à l’affirmation de la souveraineté populaire "nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons...".

Un détail éclairant sur la considération de l’exécutif pour le travail parlementaire, la loi logement n’est pas encore discutée au parlement, mais les préfets organisent déjà des réunions pour la restructuration prévue du logement social...

Oui, l’accumulation peut sembler terrible. Après la loi travail, qui constituait en quelque sorte un premier round affirmant la nature et la méthode du pouvoir, les réformes s’accumulent. Réforme de la SNCF, remise en cause des APL, loi logement, réforme des prisons, réforme de la justice, contrôle des chômeurs, réforme constitutionnelle, réforme du BAC, loi migrants, sélection à l’université, formation professionnelle confiée aux entreprises, service national, assurance chômage, retraite par points...

Il s’agit bien de tout bousculer parce-que le mouvement social est encore profondément malade de décennies de soumission à l’illusion électorale de "la gauche", parce-qu’en 2010, les manifestations étaient vécues comme la promesse de la future défaite de Sarkozy, parce-que les difficultés réelles de l’unité populaire ne sont pas débattues en profondeur pour permettre leur dépassement, parce-que les traditions d’organisation ont été défaites par des décennies de "mouvementisme", d’altermondialisme de l’action sans organisation, d’empressements à trouver des places électorales et médiatiques en multipliant les sigles, contexte dans lequel le parti communiste n’a pas su se reconstruire...

Mais si cette stratégie du choc, cette offensive générale peut bien sûr réussir, elle révèle aussi la vérité du système. Il est de plus en plus difficile de convaincre que ces réformes veulent "sauver le modèle social", et il faut faire accepter que des inégalités plus grandes pourraient être à la fin bénéfiques à beaucoup...

Elle crée aussi une situation concrète de convergence potentielle... Quand il y a plusieurs raisons de manifester la même semaine, la question des rapports entre les manifestations se pose plus facilement, et en retour, cela aide à poser les questions de l’unité. Pourquoi manifester ensemble ? pourquoi ne pas manifester ensemble ? Quelles sont les revendications communes ? les liens entre les revendications ? Le dialogue entre les luttes est au coeur des progrès politiques nécessaires...

Ce 22 mars peut être un révélateur de ce point de vue si beaucoup de forces s’en emparent, bien sûr pour mener la bataille d’idée autour du rail, de la SNCF, du service public, des droits des salariés dont le statut des cheminots est une illustration, mais aussi pour faire le lien avec toutes les revendications pour les salaires, les droits, le logement, la santé, l’école...

D’autant que ce choc ne s’impose pas qu’aux résistances sociales ! Le journal du dimanche évoque un parlementaire en marche qui s’inquiète "Les conseillers explosent, les administrations centrales bossent tous les week-ends... On est dans la surchauffe permanente" et l’avis d’un visiteur de l’Elysée "Une réforme chasse l’autre mais on ne capitalise pas sur le plan d’ensemble. Le Français moyen est pris comme un lapin dans les phares, il a perdu le fil"

Depuis des décennies, le mouvement populaire dépensait son énergie en manifestations sporadiques dans l’attente électorale, laissant s’affaiblir son organisation... Dans la résistance à "l"offensive générale" de Macron, il peut redécouvrir le premier enjeu de la lutte, l’unité en acte et en idée, l’enjeu de l’organisation, la grève comme lieu premier de la construction du rapport de forces..

Il faut toujours lire la presse de ses ennemis. Le journal "valeurs actuelles" exprime sa satisfaction et... ses inquiétudes

Avec cette politique de la saturation, l’affaiblissement du conservatisme syndical et le soutien de l’opinion à chacune des réformes, le gouvernement aurait tout en main pour agir. Mais s’il va dans la bonne direction, ne s’arrête-t-il pas à mi-chemin ? Tout est là. Au nom de l’équilibre, le flot continu de l’immigration sera-t-il vraiment arrêté ? Au nom de la solidarité, les demandeurs d’emploi vont-ils être réellement incités à retrouver du travail ? Au nom de l’équité, les étudiants seront-ils sérieusement orientés ? Et la dette de la SNCF ne va-t-elle pas devenir celle des contribuables ? Si l’attente de ces réformes se termine en impasse, gare à une déception à l’italienne.

Bien sûr, il n’évoque pas l’alternative progressiste à sa déception italienne... Ce devrait être le débat de fonds du prochain congrès du parti communiste, si sa direction décide enfin de sortir de son impasse électoraliste mortifère...

pam

L’offensive générale

Serge Halimi

Un ancien ministre de l’économie socialiste qui, plus tard, créera un parti libéral à son image a un jour détaillé l’art et la manière d’enfanter une société de marché : « N’essayez pas d’avancer pas à pas. Définissez clairement vos objectifs et approchez-vous en par bonds en avant qualitatifs afin que les intérêts catégoriels n’aient pas le temps de se mobiliser et de vous embourber. La vitesse est essentielle, vous n’irez jamais trop vite. Une fois que l’application du programme de réformes commence, ne vous arrêtez plus avant qu’il soit terminé : le feu de vos adversaires perd en précision quand il doit viser une cible qui bouge sans arrêt. » M. Emmanuel Macron ? Non, M. Roger Douglas, en novembre 1989, en Nouvelle-Zélande. Il livrait alors les recettes de la contre-révolution libérale que son pays venait d’expérimenter [1].

Près de trente ans plus tard, le président français reprend toutes les vieilles ficelles de cette « stratégie du choc ». SNCF, fonction publique, hôpital, école, droit du travail, fiscalité du capital, immigration, audiovisuel public (« la honte de la République ») : où regarder et comment résister quand, au prétexte de la catastrophe qui vient ou de la dette qui explose, l’engrenage des « réformes » tourne à plein régime ?

Les chemins de fer ? Un rapport confié à un compère dépoussière l’inventaire des prières libérales jusque-là inexaucées (fin du statut des cheminots, transformation de l’entreprise en société anonyme, fermeture des lignes déficitaires). Cinq jours après sa publication, une « négociation » s’engage déjà pour maquiller le diktat qu’on veut imposer aux syndicats. Il convient en effet de profiter sans tarder du climat de démobilisation politique, de division syndicale, d’exaspération des usagers devant les retards, les accidents, la vétusté des lignes, la cherté des billets. Car l’« urgence à agir » qu’invoque la ministre des transports, elle est là. Quand l’occasion se présente, « vous n’irez jamais trop vite », insistait déjà M. Douglas.

Le gouvernement français compte également sur les fake news des grands médias pour disséminer des « éléments de langage » favorables à ses projets. L’idée — vite lancée, aussitôt reprise — que « la SNCF coûte 1 000 euros à chaque Français, même ceux qui ne prennent pas le train », rappelle d’ailleurs à s’y méprendre le fameux « chaque Français paierait 735 euros pour l’effacement de la dette grecque », qui, en 2015, a contribué à l’étouffement financier d’Athènes.

Parfois, la vérité éclate, mais trop tard. Plusieurs « réformes » des retraites ont été justifiées par l’allongement général de l’espérance de vie. Une étude officielle vient cependant de conclure que, « pour les générations 1951 et suivantes », c’est-à-dire 80 % de la population française, « la durée moyenne espérée passée à la retraite devrait baisser un peu par rapport à la génération 1950 »  [2]. Autant dire qu’un progrès historique venait tout juste de s’inverser. Ce genre d’information n’a pas martyrisé nos tympans. Et M. Macron ne semble pas penser qu’il y aurait « urgence à agir » sur ce front…

Serge Halimi

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    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).