Revue Unir les communistes nr 7-8
Il faut mettre sur la table un grand projet de société Compte-rendu des rencontres communistes de Vénissieux du 30 avril 2016

, par  Marc Auray , popularité : 2%

Intervention de Marc Auray (CGT hôpital du Vinatier).

Bonjour je m’appelle Marc Auray. Je travail au CHS le Vinatier. Je milite sur l’hôpital et sur le département. Je ne partirai pas de témoignages de luttes, parce que dans l’action sociale, les maisons de retraites, les hôpitaux, elles se multiplient et sont en grand nombre. Il y en a de petites, de plus grandes. Elles portent sur les conditions de travail dans un service, contre la fermeture d’un établissement, contre la fusion de plusieurs services entre eux, pour avoir des effectifs plus nombreux, pour l’amélioration des conditions de travail, pour l’amélioration des conditions de soin comme c’est actuellement le cas dans la psychiatrie de secteur, pour obtenir ou conserver des lits classiques qui sont supprimés, au profit de structures enfermantes d’une conception sécuritaire, d’autres enfin pour défendre l’extra-hospitalier, c’est-à-dire une psychiatrie de proximité, son ouverture sur les quartiers avec de petites structures pour un soin au plus près des gens.

On arrive à gagner des choses, mais il faut reconnaître que malgré tous nos efforts, nous sommes dans une politique d’accompagnement de la crise. Si l’on obtient des postes ici, c’est qu’on les a pris ailleurs, à d’autres. Si l’on obtient une amélioration à un endroit, cela a une conséquence désastreuse dans un autre endroit, dans un autre secteur de l’hôpital qui sera mis en souffrance. Si on a évité la fermeture d’une structure publique ce sera au prix d’une fusion avec un autre établissement, etc...

Pour sortir de cela, il nous faut dire à nos camarades et leur faire comprendre qu’il ne doivent pas avoir la notion de leur seul établissement au cœur de leurs préoccupations mais une notion de luttes beaucoup plus large. Il leur faut savoir, penser en terme de service rendu à la population et non en terme de boutique. Trop de camarade vivent leur établissement comme le centre du monde. Nous devons leur expliquer que s’ils peuvent récupérer ceci, ou cela, ce sera au prix de la fermeture d’une maison de retraite ou de la disparition d’un petit établissement de proximité. Un établissement peut récupérer des moyens supplémentaires, devenir plus important mais il laisse en contre partie un désert sanitaire autour de lui. Nous voulons pouvoir être le centre d’une bataille politique pour maintenir une activité de soin de qualité pour tous, qui couvre tout le territoire.

La situation que je vous décris est symptomatique de ce que nous vivons tous, or si nous ne prenons pas de la hauteur avec des considérations d’ordre plus général, quelques soit le nombre de nos luttes nous sommes condamnés. Il faut s’y mettre tous ensemble, à partir d’une réflexion collective, afin de revenir sur des luttes qui assurent la défense d’un soin de qualité sur tout le territoire. Chacun a le droit de bien vieillir et de bénéficier d’une prévention maximum, pas seulement les riches. Il faut nous réapproprier la notion d’accès au soin pour tous.

Le constat est triste, mais il n’y a pas de fatalité. Il est le résultat d’une politique de santé et de la protection sociale menée depuis des années par les politiques successives des différents gouvernements de gauche et de droite. D’ailleurs il n’est pas rare de rencontrer des directeurs qui tombent d’accord sur ce point avec nous, mais c’est pour nous faire comprendre qu’il n’y a pas d’autres issues. Nous, face à ces politiques, nous ramons, mais nous leur répondons que ça ne change pas notre détermination et que si gauche et droite de gouvernement disent la même chose, on s’en fout, car nous travaillons à faire entendre aux salariés que ces politiques sont nocives, d’où qu’elles viennent et que nous défendons une autre politique, une politique qui ne tient compte ni des ordonnances Juppé, ni de la Loi Bachelot ou de la loi Touraine imposée au 49.3, car ces politiques ne sont tournées que vers un seul objectif, un service de santé adapté au système du capitalisme et des lois du marché.

Au contraire, nous les combattons à tous les niveaux, y compris sur les petites choses, avec à chaque fois la volonté d’un élargissement des contenus. Il y a nécessité d’un élargissement de ces questions à l’interprofessionnel. Cette assemblée peut en être l’occasion, mais il y a eu aussi, par exemple, la semaine dernière, le congrès de Marseille pour en parler. Au travers de ces assemblées, de ces congrès, nous avons obligation d’avoir une réflexion ouverte à tous, parce que ces questions ne concernent pas seulement les salariés de la santé, elles concernent toute la population.

C’est pourquoi de telles rencontres sont intéressantes. Il faut s’en saisir pour poser la question : la sécu c’est quoi, la santé c’est quoi, l’hôpital, la protection sociale c’est quoi ? Tous ces secteurs d’activité sont financés par les cotisations des salariés et des travailleurs du pays. Que l’on travaille dans le commerce, dans l’industrie, dans les services publics, la règle est pour tous la même. Ce sont nos cotisations qui les financent. Nous finançons tous la sécurité sociale. Elle est notre bien. Nous, salariés de la santé, n’existerions pas sans le commerce, l’industrie, etc.

Il faut se le dire clairement. De ce point de vue, la loi travail que l’on combat aujourd’hui est sans doute le moment de dire que nous avons des choses en commun à défendre comme le code du travail, la sécurité sociale, le partage des richesses pour répondre aux besoins de tous. Ce sont d’ailleurs autant de thèmes qui ont frappé à la porte de notre congrès comme je ne l’avais encore jamais entendu faire. Mais il ne faut pas en rester là. Il faut le faire vivre dans nos entreprises, dans nos syndicats, dans nos communes. Ils faut pouvoir le discuter ensemble et nous avons des atouts pour y parvenir.

Il faut une politique affermie qui dépasse la conscience que nous avons des choses depuis notre petit établissement, notre secteur de travail ou encore notre cadre fédéral. Rester à ces niveaux, c’est se donner des objectifs de défaites alors qu’à l’inverse, si nous élargissons notre horizon aux problèmes d’ensemble, nous trouverons des motifs de victoire.

Aujourd’hui, toutes les lois de santé comme je le disais tout à l’heure, sont tournées vers le secteur capitaliste et ses lois du marché. On nous parle de dépassements d’honoraires, de déremboursements massifs de médicaments et d’actes divers, d’augmentation des forfaits hospitaliers, de regroupements d’hôpitaux, de fermetures de service dans le secteur public dont certains d’ailleurs n’ouvrent jamais, parce qu’une fois construit, les moyens ne suivent pas et ne le permettent pas.

Contre toute attente, la Loi Touraine est plus nocive que la Loi Bachelot. Vous me direz comment on en arrive là sous un gouvernement de gauche ? Cela arrive tout simplement parce qu’ils ont fait une analyse très claire de la situation. Seul 30 a 35 % des objectifs de la loi Bachelot ont pu être appliqués. Pour eux cela a été un échec. Le gouvernement de gauche qui s’est bien gardé une fois élu d’annuler la loi Bachelot, a au contraire chercher les raisons de ses échecs pour y remédier. C’est ainsi qu’il met en place des GHT (groupement hospitalier de territoire) avec l’objectif de ramener les 2.000 établissements existants à 110 en imposant une sorte de dictature sanitaire. Cela veut dire qu’il y aura le ministère, les ARS ( agence de gestion régionale) et les 110 GHT. Une ligne directrice avec à la tête à chaque niveau des mercenaires du capital.

Pourquoi nous proposent-ils cela ? Parce que la loi Bachelot a été mise en échec. Elle ne l’a pas été consécutivement à une grande lutte d’ensemble mais par une capacité de résistance dans les établissements, dans les communes, les départements, les régions, par la mobilisation des populations et de leurs élus. C’est ainsi que des sénateurs et des députés qui avaient voté la loi des deux mains, se sont retrouvés à demander de stopper son application sur les territoires, sous la poussée de leurs électeurs.

Cette résistance de la base était le fait des usagers, des salariés, des médecins y compris de directeurs d‘établissements qui traînaient les pieds pour l’appliquer. C’est après avoir fait ce constat que la nouvelle équipe gouvernementale et la haute administration ont décidé de réduire le nombre de décideurs, espérant pouvoir faire appliquer plus facilement leur politique de réduction des dépenses. Ils ont mis en place ce que nous analysons être une véritable dictature sanitaire.
Nous en sommes donc là. Pendant que s‘applique cette politique, le manque cruel de personnel se fait d’avantage ressentir. Nos collègues s’épuisent. L’énervement monte dans les services. Dans les urgences, tout le monde fait le constat que les violences augmentent de manière inquiétante. Les temps d’attente s’allongent parfois dramatiquement. Les gens se font de plus en plus agressifs.

Dans mon hôpital, il y avait un projet d’accueil d’urgence magnifique mais il est très vite devenu impossible à vivre. Prévu pour accueillir 11 personnes à l’origine, il en reçoit de fait trente pour un nombre inchangé de lit. Comment voulez vous que dans ces conditions, il n’y ait pas de tensions et que la violence ne s’y trouve pas convoquée ?
La violence dont nous parlent les médias a des causes. Elle est créée par le manque de moyens, voulu par leur politique. Quand ils licencient, c’est de la violence. Les camarades d’Air France en savent quelque chose. Quand ils ne mettent pas les moyens qu’il faut dans les hôpitaux alors qu’il y a énormément de besoins, c’est aussi une violence faite pour les populations les plus pauvres, car ce sont avant tout elles qui sont touchées par ces carences.

Toutes ces situations aggravent les conditions de travail. Elles augmentent la souffrances des salariés. Un établissement comme Degenette qui dépend du ministère de la Défense connaît un taux d’absentéisme de 40% de l’effectif, pour cause de maladie ou d’accident du travail. Si une telle chose est possible, cela provient avant tout des objectifs fixés pour cet établissement dont la fermeture est programmée pour raison d’économie alors qu’il était utile à toute une partie de la population. Le gouvernement est moins regardant quand il faut dépenser pour ses guerres néocoloniales !

Il y a aussi la maltraitance institutionnelle des usagers. Parlez-en aux personnels des maisons de retraites, demandez leur ce qu’ils pensent de la manière dont on leur demande de faire les toilettes, quand il ne peuvent même plus prendre le temps de parler avec leurs patients. Ils ont mal à leur conscience de professionnels. Ils sont de plus, mals dans leur peau de soignant quand les gains de productivité sont partout. Au lieu de chercher des solutions humaines pour remédier à ces situations, les directions préfèrent recourir aux solutions administratives. La fréquence des conseils de discipline ne cesse d’augmenter pour régler les situations.

C’est le cas de cette infirmière qui se retrouve convoquée pour une erreur de distribution de médicament alors qu’elle était seule dans le service depuis plus de vingt jours. On ne traite pas les causes mais c’est le personnel qui fait les frais de tous les dysfonctionnements. Dans les hôpitaux et surtout dans les EPAD, les personnels n’en peuvent plus. La situation est grave.

On nous rabat la tête avec les progrès engrangés par la médecine, mais à qui profitent-ils ? La grande idée de la sécurité sociale était de permettre le développement d’un meilleur état de santé pour la population, de donner la possibilité à tous d’être en bonne santé. Il faut rappeler ce fait. Grâce à la sécurité sociale, l’état général de la population et l’espérance de vie se sont notablement améliorés dans les années qui ont suivie sa création. Maintenant au contraire, les clignotants passent au rouge. En matière de bonne prise en charge, nous avons beaucoup régressé. Il y a 17 % de la population de notre pays qui doit renoncer aux soins pour motif économique. Et 25 % chez les étudiants.

Les frais de santé prennent des proportions énormes dans les budgets des ménages et ne cessent d’augmenter. Les déremboursements deviennent de plus en plus fréquents et leur décote de plus en plus important. La sécu ne suffit plus pour être soigné correctement. Il faut recourir à une mutuelle, parfois à deux pour y parvenir, tant dans ce domaine aussi les choses se dégradent côté remboursements. Les salariés doivent prendre de plus en plus sur leur propre budget quand des ponts d’or sont fait aux capitalistes. En clair, les augmentations d’honoraires donnent le pouvoir aux riches de se faire soigner plus vite et mieux !

Dans le secteur de la santé, nous sommes de plus en plus nombreux à penser qu’il faut mettre sur la table un grand projet de société. La sécurité sociale n’est pas finie. Nous sommes au contraire au début d’une aventure qui avait commencé avant la libération. Elle doit être poursuivie. Non seulement il faut regagner le terrain perdu, mais il faut revenir au 100 % de remboursement initial sans déboursement, sans que cela ne coûte un euro de plus aux salariés. Il faudra intégrer les mutuelles et que soient pris en charge tous les frais entrepris, mettre sur la table toutes les données sur le plan interprofessionnel. Il s’agit d’un défi sociétal.

Il faut que la Sécu soit gérée par les salariés, les étudiants et les chômeurs. Qu’elle fasse l’objet d’élections régulières qui donnent la possibilité de débats permanents avec les citoyens. Il faut en même temps un grand service public de santé, d’action sociale et de résidence pour personnes âgées. Il faut dans le même temps faire cesser la logique de prestataires de services qui domine actuellement. Cela réclame un vrai changement de société, du courage politique et un engagement dans la lutte de tous.

Le congrès de la CGT l’a rappelé, la santé, comme le code du travail, appartiennent à tout le monde. Le congrès a rappelé aussi, du début à sa fin, que la question de la lutte de classe, de la lutte de masse, devait être et rester son objectif. Il ne s’agit pas là d’un simple enjeu de mots. C’est une affaire de fonds qui prend du temps. Et si en apparence, cela ne change pas les choses, il n’en demeure pas moins que cela a donné à ce congrès et aux luttes qui viennent une autre ambiance que celle que nous venons de connaître toutes ces années, une autre perspective. Ce sont des mots que l’on n’avait pas entendu depuis longtemps à la tribune d’un congrès de la CGT. Ils réapparaissent aujourd’hui. Je m’en félicite. Il faut se les réapproprier et les faire vivre.

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