En France, on se souvient surtout de l’héroïsme anticolonialiste du comportement d’Henri Alleg pendant la Guerre d’Algérie. On se souvient avec émotion de son livre « La Question » publié clandestinement où il décrivait en détail les tortures que lui ont infligées ses geôliers français en Algérie. Henri Alleg, jusqu’à son dernier souffle, a participé à la lutte anticoloniale, entre autres comme président, puis président d’honneur de l’ACCA (Agir contre le colonialisme aujourd’hui).
On oublie parfois que l’anticolonialisme d’Henri Alleg s’inscrit dans la logique d’un parcours de militant communiste. C’est le matérialisme dialectique et historique d’Henri Alleg qui lui ont permis aussi de comprendre et faire connaître l’URSS avant et après sa chute, la Chine communiste, et de bien saisir le piège de "l’eurocommunisme". Le parcours communiste d’Henri Alleg constitue un tout qui a sa logique forte et où toutes les parties sont logiquement en interconnexion.
Notre camarade et ami Henri Alleg n’est plus parmi nous, mais cette vision du monde qui est la sienne est plus actuelle, nécessaire et vitale que jamais !
Dès 1994, il comprenait l’importance du socialisme aux caractéristiques de la Chine :
« En fait, la Chine est aujourd’hui la seule grande puissance à contester le leadership mondial américain » (Henri Alleg, Le Siècle du Dragon, Le Temps des Cerises, 1994, p.237).
Henri Alleg cite, dans son livre sur la Chine, Deng Xiaoping qui disait en 1989 :
« Par notre politique d’ouverture sur l’extérieur, nous voulons introduire certains aspects utiles de la société capitaliste, mais il ne s’agira jamais que d’un complément au développement des forces productives socialistes ».
Henri Alleg a vite compris que la chute de l’Union Soviétique était le début d’un grand bond en arrière pour les Soviétiques et pour la démocratie dans le monde (Le Grand Bond en arrière, aux Éditions Le Temps des Cerises, réédition Delga / Le Temps des Cerises, 2010).
Aujourd’hui d’innombrables sondages d’opinion font état du regret très majoritaire de la période soviétique dans l’ex-URSS. Gorbatchev y est vu comme une sorte de traître alors que Brejnev, par exemple est très populaire (Leonid Brejnev, une passion russe, Le Monde, 11.06.2013, par Marie Jégo correspondante à Moscou) !
Tout cela confirme la lucidité exceptionnelle d’Henri Alleg.
Comme il le confiait dans une entrevue au journal l’Express en 1998, Henri Alleg a été profondément attristé par ce qu’il voyait comme « la dérive social-démocrate du PCF, qui abandonne son authenticité communiste » (http://www.lexpress.fr/informations/henri-alleg-le-rouge-indelebile_629460.html#8Mk1MTrbLyB0rz4z.99).
C’était une autre « Question » pour Henri Alleg qui se voyait comme témoin impuissant face au déclin du PCF. Cela est souvent étonnamment omis dans leurs déclarations publiques par ceux de ses « camarades » qui ne peuvent pourtant prétendre l’ignorer !
Cela me paraît une regrettable déformation de tout le sens de l’existence d’Henri Alleg, et un abus de plus infligé à sa mémoire !