France : au lendemain des Européennes

, par  René Merle , popularité : 1%

Ce serait risible si ce n’était dramatique, ou pitoyable. Au lendemain de l’élection européenne, que nous disent les hommes politiques et les éditorialistes de tous bords ? "Un résultat dramatique, un choc, un séisme, un tsunami... La France devenue la honte de l’Europe, avec un FN à 25 % des exprimés..." On peut le lire sur le Desk (comme on dit en provençal) d’Orange : "les éditorialistes tentent de comprendre un résultat qui les sidère".

Ah bon ? De qui se moque-t-on ? Le taux d’abstention et les scores des uns et des autres étaient pourtant annoncés et commentés sans surprise depuis des semaines. Que nos dirigeants politiques ne nous fassent pas avaler qu’ils n’étaient pas avertis.

De toute façon, question riposte, la couleur a été annoncée subito presto. Tant du côté de notre Président et de son néo-premier ministre, que du côté des responsables européens, pas question de modifier ne serait-ce que d’un poil la politique qui a conduit à ce désastre. Au contraire, il faut appuyer sur le champignon, pour mieux réussir...

Quant à nos fins politiques hexagonaux, totalement fascinés par l’échéance de la Présidentielle de 2017 et démangés par le désir de garder la bonne place, ils se la jouent fins stratèges.

À droite, on demande la dissolution : victoire assurée et cohabitation qui mettra François II à genoux.

"Pas du tout", avancent quelques gourous du dit François II, "on dissout, la droite passe, elle se plante dans la crise pendant trois ans et on ramasse la mise en 2017".

Cependant que des rats quittant le navire présidentiel estiment le Président grillé pour 2017 et postulent déjà...

Mais, pour François II comme pour celui (ou celle) qui dirigera enfin le bateau ivre de la droite, un FN à 25 % est une bénédiction : "si je me retrouve face à Marine au seconde tour de 2017, tous les gogos démocrates seront obligés de voter pour moi, et vogue la galère".

On en pleurerait.

Avec 57,57 % d’abstentions, il est évidemment difficile de ne pas relativiser les scores obtenus par les uns et les autres. L’énorme réservoir des abstentionnistes peut facilement modifier la donne dans des élections au contexte différent.

Il n’en reste pas moins que les chiffres sont là. Le Front National affirme son implantation nationale et fait la course en tête. Et, si l’on en croit les instituts de sondage, il serait le premier chez les ouvriers ayant voté, ainsi que dans la jeunesse populaire.

"Attention", m’écrivent des amis de différentes mouvances de gauche, et particulièrement du Front de Gauche, "25 % de 42 % d’exprimés, ça ne fait jamais qu’un Français sur 9 ou 10 qui a voté FN. Pas de quoi s’affoler".

Certes.

Mais si l’on retourne l’argument, sur dix Français, combien ont voté socialiste, et combien ont voté FdG ?

Ce n’est certes pas avec des calculs de ce type qu’on évacuera l’évidence d’une affirmation du FN, de la déroute socialiste et de la stagnation du FdG.

En ce qui concerne l’affirmation en puissance du FN, je ne sais ce qu’il en est des lecteurs de ce blog, mais j’éprouve un étrange sentiment lié sans doute à mon militantisme communiste, quand j’étais jeune. Loin de moi de mettre dans le même panier PC et FN, deux mouvements aussi opposés que l’eau et le feu ! Mais au plan du vécu, j’ai connu un PC qui atteignait lui aussi les 25 % (et sans abstentions massives, un vrai 25 % !), un PC dont la fonction tribunicienne ralliait massivement des ouvriers et de petits paysans, un PC qui, tout en affirmant son internationalisme, n’hésitait pas à afficher un ardent patriotisme économique (produire et acheter français), un PC qui se gardait bien de défendre et de participer en quoi que ce soit à la construction européenne, un PC respecté même par ses adversaires parce qu’il se situait en dehors du jeu politicien des partis dits respectables, un PC, on l’a souvent dit, qui se voulait une véritable contre société fraternelle... Je ne peux m’empêcher de penser que, hélas, à certains égards, la force du FN et son enracinement procèdent d’une même logique dans le rapport au Peuple et à la Nation...

Je vois refleurir, dans l’abondant courrier que je reçois, comme vous sans doute, les expressions de "péril brun", "extrême droite", "fascisme", etc., etc. On rappelle nos Valeurs, on se gendarme au nom des Droits de l’Homme et du respect de l’Immigrant ! Mais il crève les yeux qu’aujourd’hui le FN "respectabilisé" et amplement médiatisé avance d’autres atouts de séduction, et se permet en conséquence d’intenter procès à qui le traite de fasciste ! (sur l’utilisation de ce mot "fasciste" et son évolution historique, je reviendrai d’ailleurs bientôt avec quelques exemples). Le FN se dit républicain, laïque, et avant tout patriote. Et sans doute, les amis de Gauche qui, croyant bien faire, préfèrent brandir dans les manifs. leurs seules couleurs rouges ou vertes que les trois couleurs, ces amis qui, croyant bien faire, évacuent d’un rappel des grands principes fraternels les problèmes que peut poser l’immigration (je me souviens du discours de Mélenchon à Marseille, en 2012), se coupent-ils ainsi d’une bonne partie de leur électorat "naturel".

Et bien évidemment aussi, la force du FN tient à l’énorme frustration sociale dont les dirigeants socialistes ne veulent pas prendre la mesure, aveuglés qu’ils sont par leur mission historique de sauver le capitalisme "à visage humain"...

À cet égard, dans l’indispensable dialogue avec les électeurs du FN, si tant est dorénavant que ce dialogue soit possible tant ces électeurs sont ancrés dans leurs convictions, il devient urgent de doter les adeptes du contre feu d’un argumentaire qui ne soit pas seulement la proclamation des principes démocratiques, mais qui démonte, argument après argument, le programme du FN, qui explique comment ses députés ont voté, tant en France qu’au Parlement européen.

Mais encore faudrait-il, dans cette perspective, que les différentes composantes de la Gauche puissent également proposer un programme commun, réalisable, et porteur d’avenir. Or, nous le voyons bien, et, comme tant d’autres, je n’ai cessé de le rappeler sur ce blog, la direction du PS et le monarque présidentiel sont définitivement engagés dans l’aventure "libérale" qui n’a de gauche que le nom. Et le PC a grandement pâti de se présenter en parti de gauche voulant infléchir vers la gauche la politique du PS et de son gouvernement. Chose impossible ! Depuis son entrée dans les différents gouvernements d’union de la gauche, le PC a perdu ce statut de rouge chevalier, défenseur des Petits contre les Gros. Il est devenu un parti "comme les autres". Et certains dirigeants s’y emploient, jusqu’à n’oser plus vraiment employer le "gros mot" de marxisme. Le PC est devenu inaudible pour beaucoup de ceux qui, répétons-le, devraient constituer son électorat naturel. Pis, sa "démocratisation" a révélé au grand jour l’existence de tendances, de courants de pensée parfois très différents, voire opposés. Or, les électeurs, et encore plus les militants, sans fuir le débat, ont besoin de cohérence. Et ce Front de Gauche qu’il a sorti de son chapeau au lendemain de la pire déroute électorale ne témoigne pas lui non plus de cohérence et de véritable unité derrière la fonction de leader maximo imprécateur que s’est attribuée J.L.Mélenchon. Et pourtant, quelle somme de dévouements, de militantisme, de responsabilités assumées au quotidien ce parti continue à porter dans ses profondeurs... Mais, pour l’heure à tout le moins, il ne constitue pas (plus ? je préfèrerai dire : pas encore) une force susceptible de faire aboutir ses espérances.

Alors, la partie serait donc jouée ? Il ne nous resterait qu’à nous laisser glisser encore plus vers ces lendemains qui ne chantent vraiment pas ?

Sans doute pas, si un véritable Front, celui de la République démocratique et sociale, se constituait enfin dans les luttes défensives, et autour d’un programme crédible. Ce qui supposerait d’abord que chaque courant, chaque parti, chaque syndicat, s’y assume sans déguisement dans ce qui constitue sa spécificité historiquement constituée. Par exemple, que les communistes soient vraiment communistes et les écologistes vraiment écologistes. Et les socialistes ? Que faire avec ce parti d’appareil et d’égos, déconnecté des réalités populaires, hégémonique malgré sa faiblesse, et totalement acquis à l’idéologie "libérale" ?Pour ma part, et là encore je ne suis heureusement pas le seul, je me refuse à confondre leurs dirigeants et une bonne partie de ses adhérents et de ses électeurs. Le résultat du scrutin du 25 commence à libérer des paroles. Par exemple, j’ai lu avec grand plaisir sur son blog ce propos du maire socialiste de La Seyne (ville qui fut longtemps la mienne et que je vois de mes fenêtres !) :

http://www.marcvuillemot.com/article-niveau-d-alarme-franchi-il-faut-declencher-le-plan-rouge-123729610.html

Il semblerait que l’iceberg socialiste soit à même de se fissurer, et pas seulement sous l’action habituelle des égos. Affaire à suivre...

Voir en ligne : Sur Le blog de rené merle

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