« Erreur ou trahison » : Quatre principes par Xuan

, par  Xuan , popularité : 5%

Le livre d’Alexander Ostrovski « Erreur ou trahison. Enquête sur la fin de l’URSS » paru aux éditions Delga, peut aider à un retournement pour les communistes français de leur rapport avec l’URSS.

En 1978, le livre collectif « L’URSS et nous » voulait tenir compte des contradictions existantes en URSS pour en dégager une position "autonome" du PCF reposant sur la critique de ce qui ne parrissait contradictoire avec "le socialisme" que le PCF venait de réaffirmer comme projet de société à son 22ème congrès. Le PCF affirmait la possibilité d’une « voie démocratique » conduisant à l’abandon d’un principe jusqu’alors essentiel de ce socialisme, la "dictature du prolétariat" prenant la place de la "dictature de la bourgeoisie"... Cette « voie démocratique » est vite devenu une "voie électorale" réduisant de plus en plus le parti à ces batailles électorales et à ses élus...

Les congrès suivants du PCF ont progressivement rejeté globalement l’expérience du socialisme soviétique et même toute référence au socialisme comme projet de société.

Le 38ème congrès a réaffirmé la nécessité d’un parti d’action tourné vers les entreprises et les milieux populaires, marquant une critique de l’électoralisme...

Le 39ème congrès en 2022 a pour la première fois depuis longtemps affirmé que la question du socialisme devait être mise en débat. Mais le lien étroit entre le socialisme en général et la socialisme soviétique en particulier oblige à ouvrir aussi le débat sur ce qu’a été l’URSS...

Le livre « Erreur ou trahison » vient à point nommé donner de la force à une bibliographie à connaître sur l’URSS publié sur le site histoireetsociété pour aider à nourrir ce débat. Car pour comprendre ce qu’était le socialisme soviétique, sachant que sa défaite a conduit au retour d’un capitalisme violent d’oligarques, il faut comprendre ce qu’a été en fait la « perestroika » de Gorbatchev... erreur ou trahison ?

Xuan dans un commentaire de lecture montre que la trahison repose bien sur l’abandon de ce qui fait la différence entre un état capitaliste et un état socialiste, indépendamment de leur histoire et de leur niveau de développement... quatre principes dans lequel on ne retrouve pas le niveau de nationalisations, mais au contraire, la nature de l’état et donc... la dictature du prolétariat pour sortir de la dictature de la bourgeoisie...

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Dans le cadre de notre lecture collective du livre « Erreur ou trahison », Xuan présente les voies nationales au socialisme, à la condition de conserver les quatre principes, maintenus y compris sous les réformes de Deng Xiaoping (non abandon de la voie socialiste, direction du parti communiste, maintien de la dictature du prolétariat, rôle du marxisme-léninisme) et de les enrichir de l’expérience de chaque pays dans ses luttes révolutionnaires et ses approfondissements théoriques et pratiques par rapport aux défis de chaque période historique. En fait, ce qui caractérise le gorbatchévisme (et l’eurocommunisme), ce n’est pas la voie originale mais bien l’abandon des principes en question. Une base de discussion qui permet au fil de la lecture du livre de trancher, Gorbatchev m’apparait de moins en moins comme un naïf qui se serait laissé rouler dans la farine, mais bien un liquidateur conscient qui a volontairement démantelé l’URSS en collaboration étroite avec les dirigeants des États-Unis et ceux des monopoles financiarisés qui sont partis à l’assaut des richesses de l’URSS en créant les conditions des fortunes des “oligarques” souvent à l’intérieur de l’appareil d’Etat de plus en plus coupé du parti communiste avec un corps de technocrates cyniques et convaincus de le nécessité d’en finir avec le communisme. Ce qui n’a pas été le cas en Chine malgré les tensions de la “réforme”. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

Chaque pays possède des particularités dues à son histoire, sa culture, ses religions et ses philosophies, sa démographie, ses institutions, la centralisation de l’Etat… mais aussi à sa géographie, à son niveau de développement des échanges commerciaux, de ses forces sociales productives, et à le degré de leur socialisation. 

La révolution socialiste se présente différemment selon ces conditions et se développe aussi différemment. Le Manifeste indique « Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives ».

Il paraît évident que dans la société socialiste, le degré de collectivisation progressive du capital relève de ces particularités historiques et des spécificités nationales de chaque pays, tandis que la suprématie politique du prolétariat organisé en classe dominante constitue le caractère commun, général, absolu du socialisme.

Lors de son voyage dans le sud le 18 janvier 1992, Deng Xiaoping déclara : 

« Une économie planifiée n’est pas synonyme de socialisme, le capitalisme a aussi des plans ; une économie de marché n’est pas synonyme de capitalisme, le socialisme a aussi des marchés. La planification et le marché sont tous deux des instruments économiques. L’essence du socialisme est de libérer les forces productives, de les développer, d’éradiquer l’exploitation, d’éliminer la polarisation et de parvenir finalement à une prospérité commune ».

Il désignait par là, la différence entre les caractéristiques particulières du développement dans un pays et les caractéristiques générales du socialisme.

Qu’on m’autorise à radoter en citant pour la nième fois cet extrait de l’Huma du 27/11/46 :

« Les nationalisations ne sont pas des mesures socialistes… La première condition de l’introduction du socialisme dans un pays, c’est l’institution d’un État socialiste ».

Quant au degré de collectivisation progressive du capital :

Les zones économiques spéciales appartiennent à la famille socialiste et non à la famille capitaliste, comme on le constate à Shenzhen. La propriété publique y est prépondérante, les investissements étrangers n’y représentent qu’un quart, mais n’oublions pas que de cette part de capitaux étrangers nous pouvons tirer parti à travers les impôts et la fourniture de main d’œuvre par exemple ! Alors pour quelques entreprises de plus (entreprises “sanzi” : soit les entreprises à capitaux étrangers, joint ventures et coopérations), nul besoin d’avoir peur, il suffit que nous gardions la tête froide et nous n’aurons rien à craindre. Nous sommes avantagés puisque nous détenons les grandes et moyennes entreprises publiques, les entreprises rurales, et surtout du fait que le pouvoir politique est entre nos mains.

C’est-à-dire qu’il existe aussi un seuil dans le rapport privatisation / collectivisation au delà duquel le socialisme est menacé dans sa base économique. La réforme et l’ouverture ont été payées cher par le prolétariat chinois, mais le système capitaliste n’a pas été rétabli.

L’année 1989 a marqué le changement d’aiguillage entre les deux pays, d’une part avec la chute du mur de Berlin d’autre part avec l’échec de la révolte libérale de Tien An Men.

Comment s’est traduite en Chine la suprématie politique du prolétariat organisé en classe dominante  ?

Concernant le pouvoir politique, lors de la troisième session plénière du onzième comité central du Parti communiste chinois, tenue en décembre 1978, Deng Xiaoping souligna « Vous ne pouvez pas copier l’Occident et vous ne pouvez pas libéraliser », puis le 27 mars 1979, quatre principes opposés à la libéralisation bourgeoise : la voie socialiste, la dictature du prolétariat, la direction du parti et les principes de base du marxisme-léninisme et de la pensée de Mao Zedong.

Ces quatre principes constituaient alors le caractère général, absolu du socialisme en Chine, en fait la suprématie politique du prolétariat dont parlait Karl Marx.


La lecture d’« Erreur ou trahison » expose comment ces quatre principes fondamentaux ont été abandonnés en URSS, particulièrement sous Gorbatchev.

Nous avons vu comment la théorie marxiste-léniniste avait été rejetée dans « l’épée abandonnée ». Le passage sur la « maison commune » démontre comment, suivant la perestroïka, l’URSS devait abandonner les principes fondateurs qui la séparaient du « monde libre » et de fait renoncer à son intégrité territoriale pour se fondre dans la « maison commune » européenne.

Je cite quelques extraits – et on pourrait relever encore d’autres parties significatives – concernant l’abandon des quatre principes énoncés par Deng Xiaoping, ou plus exactement leur rejet, par Gorbatchev.

Abandon de la voie socialiste

Page 65 du livre « Erreur ou trahison » :

Préparation au congrès : L’une des décisions les plus importantes prises par le plenum d’avril 1985 fut de convoquer le prochain congrès du Parti le 25 février 1986

[…]
Lorsque, fin 1985, E.A. Chevardnadze a invité V.M. Faline et lui a proposé de diriger le département de la planification du ministère des Affaires étrangères, il a déclaré qu’il nourrissait des espoirs particuliers à son égard, car il fallait, déclarait-il, « sauver le socialisme ».

Comme le montrent les mémoires de Guéorgui Loukitch Smirnov, à cette époque, le slogan sur la nécessité de sauver le socialisme était déjà d’actualité. Le 13 novembre 1985, M. S. Gorbatchev l’a invité à occuper le poste d’assistant à l’idéologie. Après avoir accepté, Guéorgui Loukitch a dit : « Nous devons sauver le socialisme » et il a entendu une réponse qui l’a beaucoup étonné : « Nous devons sauver la Russie ». Au départ, G.L. Smirnov n’a attaché aucune importance à ces mots, et ce n’est qu’ensuite, à la lumière de ce qui s’était passé, qu’il s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’un lapsus, mais d’une clarification essentielle.

Remise en cause de la dictature du prolétariat

En octobre 1990, le Monde Diplomatique titrait sur la « fulgurante évolution de la presse soviétique » et citait Alexandre Tsipko :
Le lecteur le plus las de la "politique" ne saurait rester indifférent au travail fondamental du journaliste Alexandre Tsipko, qui pose, dans Novy Mir, cette question : « Nos principes sont-ils bons ? » (titre de l’article), et répond avec assurance : « Non, ils NE sont pas bons ». Alexandre Tsipko « enquête » sur le rôle des classiques du marxisme dans « nos malheurs actuels », et juge « criminelle » (c’est son expression) la « doctrine de la révolution et de la dictature du prolétariat ».

Le tirage de ce numéro, comme du précédent, ayant été retardé, officiellement pour manque de papier, un responsable de Novy Mir regrettait ce retard et précisait que, « pour une partie des abonnés de la revue, ces audaces de Tsipko seront déjà devenues des lieux communs à la date où ils recevront ce numéro » [Literatournaïa Gazeta, Moscou, 13 juin 1990].

Ici on voit la remise en cause quasi officiellement la « doctrine de la révolution et de la dictature du prolétariat »

Abandon du marxisme-léninisme

Page 71 du livre « Erreur ou trahison » :

…après Genève, A.N. Iakovlev a rédigé deux notes dans lesquelles il expose sa conception de la perestroïka.

« Je me permets, écrit-il, de mentionner deux de mes documents datant de décembre 1985. L’un provient de mes archives, l’autre des archives de Gorbatchev. Le premier document a été dicté ».

La première note, datée du 3 décembre 1985, commence par une critique de la théorie "marxiste-léniniste", déclarant qu’elle n’est rien d’autre qu’une religion, ce qu’il est difficile de contester. Puis suivait une description du socialisme, qui était considéré comme une sorte de système féodal despotique, incapable de se développer. Il en a été conclu que seuls a) le rétablissement de la propriété privée, b) la transition vers une économie de marché, c) la démocratisation de la société, qui implique l’élimination du monopole du PCUS sur le pouvoir, pouvaient donner du dynamisme au pays soviétique.

[…]

« La réaction de Gorbatchev », écrit Iakovlev en référence à sa note de décembre « a été calme, il manifestait de l’intérêt », mais n’a pas donné suite. Cela signifiait-il qu’il n’en partageait pas les idées principales ? Non, il ne s’opposait pas à ces idées, mais les considérait comme « prématurées ». « C’est trop tôt, Sacha, trop tôt » lui a répondu M. S. Gorbatchev, si l’on en croit I.N. Iakovlev.

Fin de la direction du parti communiste

Pages 81 et 82 du livre « Erreur ou trahison » :

Dans son rapport [au XXVIIème Congrès du PCUS, le 25 février 1986], M.S. Gorbatchev a d’abord soulevé avec beaucoup de prudence, mais néanmoins assez clairement, la question de la nécessité de « décharger » l’appareil du Parti.

« Le parti s’oppose fermement au mélange des fonctions des comités du Parti avec celles de l’État et des organismes publics. »

« Le parti, a-t-il déclaré, réalise la direction politique, détermine la perspective générale de développement… Quant aux moyens et aux méthodes de résolution des problèmes économiques et socioculturels spécifiques, une grande liberté de choix est accordée à chaque organe de direction, à chaque collectif de travail, à chaque personnel économique. »

En substance, cela signifiait la mise à l’écart du PCUS de la direction de l’état.

Page 516 du livre « Erreur ou trahison » :

Le 11 mars [1990] s’ouvrait le plénum extraordinaire du Comité central du PCUS qui non seulement approuva la création du poste de président de l’URSS, mais recommandait également la candidature de Gorbatchev.

Le lendemain se réunissait le troisième Congrès extraordinaire des députés du peuple, et ce jusqu’au 15 mars. Il amenda avant tout l’article 6 de la Constitution concernant le rôle dirigeant du PCUS et introduisit le poste de président de l’URSS.

Prélude au démembrement

Page 492 du livre « Erreur ou trahison » :

Le 31 décembre [1989 – à peine deux mois après la chute du mur de Berlin], le président français F. Mitterrand s’exprima à la télévision française sur le projet de confédération européenne. Selon lui, celle-ci devait inclure non seulement les pays d’Europe occidentale, mais également les « anciens pays communistes », y compris la nouvelle Union soviétique.

Voir en ligne : publié sur Histoireetsociété

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    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

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