Chasse aux Roms : jusqu’où ? Lettre à monsieur le Préfet du Rhône

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Nous sommes un collectif d’associations qui vient en aide aux familles de roms réfugiées dans l’ensemble de bâtiments abandonnés situés à l’angle de la rue Grand Clément et du chemin du Gabugy à Vaulx en Velin, où elles sont venue s’établir suite à l’incendie de leur précédent lieu d’habitation, une usine abandonnée qu’elles squattaient dans le quartier de la Soie. Certains d’entre nous habitons le quartier de la Rize où sont situés ces bâtiments.

Nous nous adressons à vous pour vous dire que nous ne nous retrouvions pas dans les déclarations attribuées par certains articles de la presse locale à des riverains en colère relayant en cela les prises de positions de certains d’entre eux regroupés dans une association connue pour son refus de toute proposition urbanistique à caractère sociale et dont la teneur nous semble-t-il a plus contribué à dégrader la situation qu’à ramener un climat de calme et de tolérance, permettre de raison garder comme l’écrit le maire de la ville dans un courrier adressé à la population.

Nous sommes choqués, indignés par le climat de haine et d’intolérance qui monte depuis l’installation de ces familles dans le quartier et dont les points de culmination ont été atteints les journées du 8 et 9 mars par des jets de pierres et d’engins incendiaires perpétrés par des groupes de jeunes parfaitement identifiés qui ne s’étaient pas cachés de leurs intentions devant les force de l’ordre présentes à l’occasion de la première agression.

Ce climat est entretenu voir même autorisé par les déclarations irresponsables de quelques personnalités qui depuis le discours stigmatisant de Grenoble, que ce soit sur le plan local ou que ce soit sur le plan national, instrumentalisent les peurs, les ragots et les réputations toutes faites par des dérapages quotidiens qui risquent d’amener des attitudes incontrôlables où d’avoir des conséquences définitives.

Ainsi le climat qui entoure la campagne électorale, avec sa façon récurrente d’utiliser la peur de l’autre, de colporter la calomnie là où il y a différence, de fabriquer des rumeurs sous le prétexte qu’il y a dérangement, trouve son écho dans des situations du quotidien où l’émotion devient vite une opinion définitive. Cela peut faire craindre le pire. Mais aussi ces déclaration de bonnes intention qui prenant prétexte du manque d’ hygiène, de la propriété bafouée et de mœurs différentes incomprises, exigent des solutions radicales qui bottent en touche les problèmes posés, les renvoient sur les voisins plus pauvres, comme viennent de le faire les villes de Lyon et de Saint-Fons, par des pratiques d’exclusion quand ce n’est pas par l’éradication pure et simple. La parole alors se fait guerrière. Elle prépare de nouveaux « cimetières sous la lune ».

Les faits sont connus. Pourchassées depuis des mois, certaines depuis des années, expulsées chaque fois qu’elles tentent de se poser quelque part, harcelées sans que jamais ne leur soit proposée une solution acceptable, c’est-à-dire tout simplement humaine, pour leur situation, plusieurs familles de roms se sont installées, début mars, dans des locaux abandonnés rue Grand-Clément. Elles les ont occupé, après avoir été invitées « à libérer les lieux », à l’occasion d’un contrôle de police exécuté dans le gymnase de la ville qui les avait accueillies suite à l’incendie de leur précédent refuge, une usine abandonnée du quartier de la Soie.

Les familles vont d’abord se regrouper sur un petit square dans l’attente que passe le délai de quarante huit heures au-delà duquel elles ne sont plus expulsables sans décision de justice. Puis elles vont occuper les hangars abandonnés qui se trouvent sur un terrain qui appartient à Grand Lyon Habitat où doivent être construits comme l’annonce un permis à démolir, des logements sociaux rejetés par ces mêmes riverains qui si tôt leur installation faite demanderont leur expulsion immédiate en cherchant à organiser un rapport de force hostile sur le quartier, par le bouche-à-oreille et le porte-à-porte. Les rumeurs sont en routes et installent la peur : ils sont sales, ils ont agressé chez eux des habitants, ils ont cambriolé des maisons, ils doivent partir.

La police arrive dans un déploiement impressionnant, mais face à la mobilisation de plusieurs personnes venues en soutien, elle renonce à poursuivre son opération non sans avoir préalablement fait les contrôles d‘identité qui lui permettront de distribuer plus tard des OQTF. Enfin il semblerait que vos services auraient été saisis par Grand Lyon Habitat d’une demande d’expulsion et que vous ne lui auriez pas donné suite dans les délais légalement nécessaires pour la permettre. Cette attitude leur aurait alors permis de s’installer sur les lieux, dans des conditions insatisfaisantes pour tout le monde, sans que soit réglé sur le fond et de façon humaine le problème de ces familles, qui sont toujours d’avantage précarisées à chaque fois qu’une décision est prise à leur endroit.

Elle sont, comme cela se passe toujours, plongées dans l’incertitude d’une place qu’un juge mettra des mois à leur refuser. Mais comme le dit un article récent de « Médiapart » sur le sujet, ne s’agit-il pas « tout simplement d’une stratégie qui (...) permet de fixer les personnes sur un site pour ensuite leur délivrer des OQTF en masse et les expulser du territoire français ». Cependant, les jours passant, le squat s’organise. Quoiqu’il en sera dit par certains, la solidarité fonctionne. Des associations organisent des repas. Des gens viennent apporter qui des vêtements qui des couvertures.

Le 8 mars au matin une dizaine de véhicules de police arrivent. Les policiers entrent sur le terrain, dans les bâtiments, opèrent des contrôles. Les gens du squat sont photographiés, sommé de signer des documents. Le lendemain les policiers reviennent avec des OQTF qu’ils distribuent, rédigés grâce a l’opération de la veille. Comme l’expose l’article de Médiapart dans sa conclusion : « On laisse les roms s’installer sur le terrain, on ne répond pas à la demande d’expulsion du propriétaire dans les quarante huit heures, on recense tout le monde, on leur fait signer un papier et le lendemain, on distribue des OQTF. La méthode est bien rodée. Le Préfet applique à la lettre la circulaire illégale du 5 août 2010 demandant le démantèlement des camps de roms ».

Le lendemain 9 mars un article du Progrès titre sur la colère des riverains. Le soir les habitants du squat sont caillassés. Les vitres des bâtiments sont cassées ainsi que celle d’un véhicule garé sur le terrain. Un habitant appelle la police qui se déplace en nombre. Un attroupement, mélange de roms, de riverains et de policiers occupe la rue. Un groupe de jeunes parmi lesquels sont formellement reconnus les agresseurs prend position sur le bord opposé de la chaussé, insulte les habitants du squat, lance des menaces qui sans aucun sous entendu leur promet d’employer les moyens qu’il faudra pour les faire décamper s’il n’ont pas quitter les lieux le lendemain. Non seulement la police ne fait rien pour les dissuader et les déloger mais elle prend parti pour les jeunes contre les roms. Les quelques riverains présents pour tenter une médiation et réclamer la protection des femmes et des enfants présents, que soit maintenue une force de police pour l’exercer, sont eux-mêmes pris à partie et moqués. Les positions sont renversées. Les agresseurs connus sur le quartier pour les troubles qu’ils occasionnent dans le voisinage, sont présentés par certains policiers comme des riverains victimes de la présence de personnes à priori suspectes de pratiquer le vol et les dégradations. La situation trouve toutefois une issue après l’intervention auprès de l’officier responsable par l’adjoint de permanence à la mairie. Il est décidé que des rondes seront entreprises.

Le dimanche soir un jeune homme se présente au moment de la distribution de nourriture pratiquée par les bénévoles d’une association vaudaise, pour demander à être remboursé du vol qu’il a subi par les occupants du squat la veille. Il accuse les bénévoles de favoriser l’occupation du site en venant nourrir ses occupants, puis après une discussion tendue, il partira en annonçant qu’il savait comment faire pour régler le problème. A onze heure du soir des engins incendiaires étaient lancés sur le terrain, un atelier de mécanique attenant et le véhicule d’un habitant garé dans une rue voisine. Les riverains sont traumatisés, inquiets, ils se demandent pourquoi la police n’a rien fait quand les coupables étaient sous sa main la veille, alors qu’ils étaient identifiés et que les menaces étaient clairement établies ?

Le treize au matin a lieu une nouvelle descente de police sans aucune réquisition du procureur pour s’assurer qu’il n’y avait pas de roms en situation irrégulière. Mesure d’intimidations policières, harcèlement, menaces, pierres, cocktails molotov, où cela va-t-il s’arrêter ? Attend-on un incident majeur pour faire quelque chose, pour trouver une solution humaine à ces populations déshéritées et malmenées ? Quel est le quotidien de ces enfants, de ces familles, qui vont d’hôtels en squat, de squat en terrain vague ?

Les roms subissent ces pratiques discriminatoires depuis des siècles. Leur situation s’est particulièrement dégradée depuis la chute des régimes communistes où le passage à l’économie de marché a provoqué la perte des emplois dont ils bénéficiaient. Ils n’ont plus d’avenir, et les rancoeurs sont comme ici en France réanimées à leur sujet pour des raisons strictement dilatoires. Désignés à la vindicte public, ils deviennent des boucs émissaires providentiels dans une conjoncture particulièrement dégradée. Leur situation est ainsi devenue des plus précaires et rend encore plus difficile que pour d’autres populations en difficultés, l’accès de façon durable à la santé, à l’éducation, au logement. Parce qu’elles sont mises dans une instabilité chronique dûe aux chasses dont elles sont l’objet, aux descentes incessantes de police qui les traque au faux motif de contrôler leur identité et parce qu’elles doivent rentrer dans des cycles de forte mobilité pour échapper aux tracasseries qui leurs sont imposées, ces populations accusées de ne pas vouloir s’intégrer sont en fait mis dans l’impossibilité de le faire.

Elle pourraient tout a fait se reconnaître dans ces lignes du promeneur solitaire qu’était Jean-Jacques Rousseau qui dans ses rêveries écrivait :

« Me voici donc seul sur terre, n’ayant plus de frère, de prochain, d’amis, de société que moi-même. Le plus sociable et le plus aimant des humains en a été proscrit par un accord unanime. Ils ont cherché dans le raffinement de leur haine quel tourment pouvait être le plus cruel à mon âme sensible, et ils ont brisé violemment tous les liens qui m’attachaient à eux »

Quand à nous qui pensions qu’après les horreurs du siècle passé, nous n’aurions plus à penser comme Paul Nizan que :

« quiconque veut penser aujourd’hui humainement, pensera dangereusement, car toute pensée humaine met en cause l’ordre tout entier qui pèse sur nos têtes »

nous nous demandons si ces pensées noires ne retrouvent pas quelques actualités.

Pourtant des solutions sont possible qui peuvent s’appuyer sur des dispositions légales, le conseil d’état dans sa décision du 10 février 2012 reconnaît le droit à l’hébergement comme une liberté fondamentale. Le code de l’action sociale des familles dans ses articles l 345-2-2 et l 345-2-3 stipule :

« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale psychique et sociale a accès à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer dès lors qu’elle le souhaite jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée ».

Ainsi, que leur soit appliqué le droit ! Ces roms sont des ressortissants européens et à ce titre bénéficiaires des mêmes droits et conventions que les autres peuples appartenant à cet espace. La collectivité publique ne peut s’affranchir de ses devoirs à leur égard. Même dans un contexte difficile, il est essentiel de garder comme objectif :

« la pleine jouissance du droit fondamentale de chaque personne présente sur le territoire national à disposer d’un toit, et le respect de l’ensemble du droit par l’ensemble des acteurs », Marc Ury, représentant régional de la fondation abbé Pierre

qu’il soient représentant des collectivité locales, du pouvoir politique, des forces de polices ou des riverains.

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