Pour la défense du chemin de fer français et la réunification du monopole public

, par  Gilbert Remond , popularité : 2%

Depuis le 10 juin, les cheminots français sont en grève pour que la société nationale des chemins de fer français ne deviennent pas la société nationale du Casch et de la finance. Ils rejoignent de ce point de vue, les cheminots suédois qui sont en grève depuis quinze jours contre l’opérateur français Véolia devenu leur employeur après s’être saisi des opportunités que lui donnait une loi obéissant aux mêmes mécanismes que celle qui va être proposée au parlement français, et contre laquelle le conflit prend position. La simultanéité de ces deux conflits pourrait presque représenter un anachronisme édifiant, une de ces distorsion du temps qui permet cependant de voir par une sorte de procédé de zapping, ailleurs, mais ici en somme, les effets aujourd’hui, de ce que porte la loi que le gouvernement veut imposer. Les effets, les dangers pour les usagers et les menaces pour les travailleurs, tout cela est inscrit dans la situation suédoise, s’inscrivant en creux des propositions françaises.

Depuis le 10 juin, les cheminots reconduisent leur mouvement démocratiquement en assemblée générale, chaque jour. Ils ne le font pas pour le plaisir du baroud, ou pour satisfaire une esthétique citoyenne interne à leur corporation, ni parce que poussé par leur égoïsme de travailleurs privilégiés, ils ont décidé de glisser une peau de banane sous les pas d’un gouvernement vertueux mis en difficulté qui cherche courageusement a rétablir la justice et les équilibres. Ils le font pour défendre le service public et l’intérêt général, il le font pour garder au pays une de ses dernières institution nationale, après avoir maintes fois cherché le dialogue avec un exécutif qui les traite avec mépris et refuse de les entendre.

Depuis le 10 juin, le gouvernement et les médias qui lui servent de caisse de résonance, ignorent leurs propositions, tout en prétendant le contraire. Ils organisent provocation sur provocation pour détourner l’attention des véritables motifs qui font ce conflit, dénaturent le mouvement et cherchent à le rendre impopulaire dans la population en utilisant des procédés infâmes. Tout est bon pour y arriver, depuis l’utilisation de 36 et de Thorez jusqu’à cette information qui depuis deux jour tourne en boucle, des enfants empêchés de Bac. Le tandem de l’état sort des rails de la convenance sociale, Hollande et Valls dignes représentant du capital européen et américain, jouent une fois de plus sur les peurs pour ne pas satisfaire les exigences sociales. En l’occurrence, présenter les travailleurs en fossoyeurs de la réussite scolaire, ne manque pas d’aplomb quand, l’état qu’ils représentent, réduit chaque année, suivant une logique identique à la politique menée à la SNCF, les crédits et les postes.

Vendredi 13 juin, au troisième jour de la lutte, François Hollande, qui décidément ne recule devant aucune bassesse, détourne la phrase devenue célèbre de Thorez, « il faut savoir arrêter une grève », en la transformant pour la circonstance par une interprétation à sa manière, en lançant bonasse : « Il y a des moments ou il faut savoir arrêter un mouvement et être conscient de l’intérêt de tous ». Il est soutenu dans ce prodigieux effort de pédagogie par "Le Monde", le journal de référence des classes moyennes supérieures, des modernes et des enfants bien pensant du siècle, qui pour faire sérieux et ne pas donner l’impression de la travestir, reprend l’intégralité de la phrase de Thorez : « Il faut savoir terminer une grève disait-il, dès que satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir un compromis si toutes les revendications n’ont pas été acceptées mais que l’on a obtenue satisfaction », et Le Monde de poursuivre fielleux « compromis, intérêt de tous, voilà des mots que les grévistes n’entendent pas ». Évidement ce sont toujours les grévistes qui n’entendent pas. D’ailleurs qu’est-ce que les mots pour des gens qui veulent empêcher le BAC ?

Apres Sarko qui avait enrôlé Guy Moquet pour vendre son paquet de réforme libérale, voilà Hollande qui sort de sa manche les œuvres de Thorez pour enjoindre de manière subliminale les cheminots à remonter dans leur machines après de substantielles avancée qu’il est seul à connaître. Les grévistes doivent accepter les compromis avec des illusionnistes qui ne concèdent que du vent tout en cherchant à convaincre l’opinion de leur sens du dialogue et de l’intérêt général. L’intérêt général, serait-il, de livrer comme dans la région de Marseille le réseau de nos chemins de fer à Véolia où à quelques autres Chargeurs Réunis ?

En fait le gouvernement a du mal à masquer l’ampleur de la mobilisation qu’il n’a de cesse de vouloir minoritaire. Il cherche à enfermer avec l’aide des médias, l’opinion publique dans de faux débats, au moment où le scandale des rames de TER trop larges pour les quais de nos gares éclate, mettant en lumière l’incurie de bureaucraties concurrentes, incapables de se concerter et d’agir de concert dans le souci du bien commun. Tout en se disant ouvert côté cour, il prépare son passage en force côté jardin, dans l’intimité, avec ses conseillers et les lobbyistes des multinationales. Après avoir scandaleusement ignoré les 22.000 cheminots qui en mai avaient manifesté, il fait mine de découvrir un conflit quand celui-ci éclate après des semaines d’actions revendicatives contre les dégradations du service. Il cherche depuis un ans à gagner du temps avec la seule préoccupation de rendre applicable une directive de 1991 dont le dernier avenant, nommé "paquet ferroviaire", a été adopté par le parlement européen en février pour organiser la privatisation...

Fallacieusement il prétend revenir à l’organisation d’une société unifié avec la création d’une entité unique appelé "EPIC de tête", alors qu’il s’agit d’une création provisoire destinée à masquer le futur éclatement de l’entreprise. De fait, contrairement à ce qui est avancé et martelé, le gestionnaire du réseau et le transporteur, sont toujours séparés dans le projet. Resteraient deux entreprises distinctes ayant leur propre conseil d’administration, qui passeraient des contrats eux aussi distincts avec l’état, pour une production séparée. N’en déplaise à la main invisible qui pilote les médias, il y aura toujours plusieurs employeurs, plusieurs directions indépendantes et donc, mécontentement et dysfonctionnement continueront. Les cheminots le savent, ils sont payés pour le savoir. Les usagers peuvent aussi le comprendre, c’est le cas de ceux regroupés dans l’association "Rail-Convergence nationale", qui reconnaissent dans la grève, le seul moyen démocratique pour lutter contre les appétits du vampire capitaliste et soutiennent les cheminots en lutte.

Le gouvernement devrait prendre garde à ce qu’il fait. Les élections qui viennent de se dérouler lui ont envoyé un avertissement qu’il ne veut pas entendre, pourtant le peuple s’est exprimé ; comme les cheminots, il pourrait perdre patience. Une grève peut en cacher une autre, lance une affiche de la CGT, or seule la lutte paye, c’est la légende des siècles et les Fralibs en sont un exemple confirmé. Cheminots-usagers, unissons-nous pour la défense du chemin de fer français et la réunification du monopole public.

Gilbert Rémond

Références :

- Grève SNCF : Hollande et Valls déraillent sur le BAC
- Sécurité pendant la grève SNCF : des cadres non-grévistes formés dans l’urgence pour conduire les trains ?
- Grève SNCF : Thierry Le Paon et Gilbert Garrel écrivent au Président de la République
- Grève à la SNCF : Infos aux usagers [CGT Cheminots]
- Communiqué de l’association d’usagers : Convergence Nationale RAIL
- Cheminots : Halte aux manipulations médiatiques !
- Suède : Les cheminots entament leur deuxième semaine de grève... contre l’opérateur français Veolia !
- Où nous mène la "réforme ferroviaire" ? Retour sur les effets désastreux de la privatisation du rail britannique

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