Sortir de l’Euro, pour une Europe de la coopération entre des nations et des peuples souverains

, par  André Gerin , popularité : 3%

Le peuple français a toujours éprouvé de la méfiance à l’égard de l’Europe, depuis le début de son histoire. Avec le traité de Maastricht en 1992, puis le projet de Constitution européenne en 2005 qu’il a majoritairement rejeté (54,87 %), la méfiance s’est transformée en défiance.

L’Euro, quel bilan ?

Leur expérience parle d’elle-même : l’Europe et sa monnaie, l’Euro, devaient nous permettre d’affronter la mondialisation, de tirer notre épingle du jeu. C’est le contraire qui se produit. « La concurrence libre et non faussée » a ouvert le champ aux délocalisations à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe, favorisé le dumping social, laminé notre potentiel industriel et ses emplois (‑ 800 000 en 18 mois).

L’Europe et l’Euro devaient nous mettre à l’abri des crises. Elles ont participé à la « tambouille » de l’oligarchie financière et des grandes banques, qui ont transformé la planète en monopoly géant et débouché sur la gabegie par les États de milliards de dollars et d’Euros pour renflouer les établissements financiers incendiaires. Aujourd’hui les peuples paient la facture. La commission de Bruxelles et la Banque centrale européenne y veillent, tandis que les agences de notation distribuent les bons et les mauvais points.

L’Europe et l’Euro devaient nous garantir des prix stables à la consommation. Chacun le constate : ils ont flambé. Votre baguette de pain que vous payiez 0,95 F en 1975 vous coûtait 4,95 F en 2003 et aujourd’hui 5,71 F (0,87 €)

A présent, la défiance s’est transformée en rejet. Un sondage paru en cette fin d’année 2010 a montré que 35 % des français voulaient sortir de l’Euro, tandis qu’ils sont 51,5 % des allemands à exprimer le même souhait.

Bien sûr, quiconque se risquerait à leur emboîter le pas serait traité de « populiste ». J’en prends le risque.

Au regard du bilan de cette construction européenne, il est illusoire de laisser penser qu’elle constituerait aujourd’hui une donnée institutionnelle incontournable, qu’il faudrait faire avec et donc au mieux l’amender à la marge. Cela reviendrait à considérer que le capitalisme est donc la fin de l’histoire, alors que la mobilisation des peuples contre lui, sous diverses formes, se manifeste et s’amplifie.

Un viol de la souveraineté des peuples

Si nous adoptons, un tant soit peu, cette position, nous nous condamnons à l’impuissance ; nous acceptons la domination du marché sur la société ; nous renonçons à la défense de l’intérêt général ; nous consacrons la démission du « politique » et enterrons la souveraineté populaire, son expression et son respect.

Dans un discours resté célèbre prononcé à l’Assemblée nationale, Philippe Seguin déclarait : « l’Europe qu’on nous propose n’est ni libre, ni juste, ni efficace. Elle enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution : 1992 (NDLR : le traité de Maastricht) est littéralement l’anti 1789 ».

Revenons, en effet, aux « fondamentaux ». Qu’est-ce qui préside, depuis le début, à cette construction européenne ?

En 1947, le plan Marshall, officiellement appelé « programme de rétablissement européen » a donné le la, en mettant fin à l’expérience inédite du Conseil national de la Résistance (CNR) autour, en particulier, des communistes et des gaullistes.

Elle commence institutionnellement en 1951 avec le traité de la communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Il a jeté les bases de l’architecture communautaire actuelle avec la création d’une « haute autorité », d’une assemblée parlementaire, d’un conseil des ministres, d’une cour de justice et d’un comité consultatif.

Dans l’esprit de ses promoteurs, la CECA n’était qu’une première étape sur la voie qui conduirait à une « fédération européenne ».

En 1950, Robert Schumann, comme en prélude au traité, déclarait : « l’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes, créant une solidarité de fait ».

Suivront les traités de la communauté économique européenne (CEE) et de la communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom), le traité de Rome signé en 1957 et entré en vigueur en 1958.

Un cadre pour imposer la mondialisation capitaliste

L’accélération vers l’intégration européenne interviendra à partir de l’acte unique européen en 1986 avec la mise en place du grand marché européen et du traité de Maastricht en 1992 fondant la monnaie unique et les critères d’austérité qui l’accompagnent pour chaque pays.

Il ne peut échapper à personne que cette accélération a correspondu à l’effondrement des pays de l’Est et à la consécration du capitalisme qui se considère alors comme désormais triomphant, débarrassé de tout adversaire, poussant donc sa mondialisation, foulant du pied tout ce qui peut lui faire obstacle.

Dans le Manifeste du Parti communiste, Marx et Engels écrivaient déjà (nous sommes en 1848) : « poussée par le besoin de débouchés de plus en plus larges pour ses produits, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout, mettre tout en exploitation, établir partout des relations ».

La construction européenne est l’un des maillons de la mondialisation capitaliste. Elle implique que les lois de la jungle du marché s’imposent à tous, que tous les États et les peuples y soient arrimés, sans possibilité de retour en arrière en mettant les centres de décision hors de leur portée. A cette fin, il faut briser un obstacle : les cadres nationaux.

La marche européenne, depuis 1950, tend vers cet objectif et tout va plus vite depuis Maastricht avec Amsterdam, Nice puis Lisbonne. Et la prochaine étape consistera à imposer, malgré tout, le contenu de la Constitution européenne repoussé par le suffrage universel.

A l’image de cette structuration institutionnelle sonnant le glas des nations, le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN procède de la même démarche, en rupture avec ce qui avait incité le Général de Gaulle, en 1966, à quitter l’organisation militaire américaine. Celui-ci déclarait alors : « La France se propose de recouvrer sur son territoire, l’entier exercice de sa souveraineté… et de ne plus mettre de force à disposition de l’OTAN ».

Les communistes et le combat pour la souveraineté nationale

Pourquoi le PCF a-t-il toujours été à la pointe du combat de la souveraineté des nations. Pas par dogmatisme mais parce que la nation, c’est l’histoire commune d’un peuple ; c’est une identité, une culture ; c’est une somme de luttes qui a forgé un destin commun ; c’est le creuset de la démocratie et de la capacité des peuples à décider de leur sort ; c’est par là-même le cadre le mieux adapté à l’exercice des souverainetés.

De fait, si, en France, des conquêtes sociales et démocratiques imposées au capital ont été possibles, c’est au prix d’un combat de classe acharné, qui s’est développé à l’échelle nationale.

Les communistes français, ces internationalistes, se sont ainsi retrouvés au premier rang dans la défense de la nation, quand celle-ci a été menacée. C’est sur ces bases-là que s’est bâti le contrat social issu de la Libération que Sarkozy et les siens s’appliquent à démolir.

Et il en est un qui résumait fort bien ce que représentait la nouvelle étape d’intégration que se fixait la Constitution européenne. C’est Daniel Cohn Bendit, qui déclarait, le 15 mai 2005, au Grand Jury RTL – Le Monde – LCI : « l’idée française de la République, de cette République que j’appellerai gaullo-communiste, n’est pas compatible avec le compromis européen ». Voilà qui a le mérite d’être clair.

Cette Europe du grand capital n’est pas amendable

Regardez donc ce que sont les institutions européennes : une commission européenne qui dispose à la fois de l’exécutif et de l’initiative parlementaire, qui ne détient pourtant aucun mandat populaire, qui voudrait même aujourd’hui décider des budgets nationaux, un Parlement croupion dépossédé de tout vrai pouvoir législatif, une banque centrale européenne qui n’a de compte à rendre à personne, des décisions de plus en plus nombreuses à la majorité qualifiée, des critères d’austérité imposés à tous, des entreprises et services publics contraints à la privatisation.

Bref, pas-à-pas et maintenant au pas de course, il tend à ne plus rien rester des souverainetés nationales. Laisser croire que les institutions peuvent être mises au service de projets autres que ceux que le marché entend imposer relève de l’illusion. C’est ce que tente de nous faire croire la social-démocratie. Il faut bien constater que là où ses représentants gouvernent, ils mettent la main à la pâte dans la voie du renoncement et de l’austérité imposée à leur propre peuple.

L’initiative du Parti de la gauche européenne (PGE) que préside Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, depuis le congrès du 5 décembre, relève de la même illusion. Penser que dans cette Europe-là, la BCE puisse apporter sa contribution à un développement social européen est une plaisanterie.

La dérive du PCF sur la question européenne a débuté en 1990 et s’est accélérée avec Robert Hue et la liste « Bouge l’Europe ». Au fil des années, le PCF a abandonné son combat pour une Europe des peuples, des nations et de la coopération et se fond désormais dans le cadre existant. La création du PGE en est l’expression et ne peut être porteuse que de choix sociaux-démocrates soumis aux orientations du grand capital.

Notons que le PCF a adhéré au PGE avec moins de 40 % du vote de ses adhérents.

Sortir de l’Euro pour reprendre la main

S’il s’agit de se fixer un objectif urgent de lutte, la sortie de l’Euro en constitue un d’envergure, qui détricoterait cette Europe des marchés qui nous est imposée depuis le traité de Maastricht.

Contrairement à ce qui nous est asséné, sortir de l’Euro ne conduirait pas à la catastrophe. Je rappelle que la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemark n’ont pas adopté l’Euro. Or, leur indépendance leur a permis de jouer sur la valeur de leur monnaie pour relancer la croissance. La Suède a eu une croissance de 4 % en 2010 et le Danemark de 2,2 %. Et la Grande Bretagne, sans la dépréciation de la Livre rendue impossible si elle avait appartenu à la zone Euro, aurait subi une crise beaucoup plus sévère que sur le continent.

Pour une monnaie commune de la coopération

L’Euro est un instrument de domination pour soumettre les peuples aux lois du marché, à la dictature de la grande finance. Ce retour aux monnaies nationales, qui permettrait de reconsidérer les parités de chacune en fonction des situations afin de s’assurer relance et croissance, n’implique pas de renoncer à une monnaie non pas unique, mais commune. Il s’agirait d’une unité de compte de réserve formée de fractions de monnaies nationales, comme avant 1999.

Cela aiderait les entreprises du continent dans l’accès aux marchés. Nous pourrions bâtir des projets communs sur la base d’intérêts mutuellement avantageux, comme ce fut le cas hier d’Airbus et d’Ariane.

Sur les bases d’une telle initiative, nous renouerions avec ce qui a toujours fondé nos rapports à l’Europe et au monde : nations souveraines, coopérations, solidarité internationale.

André GERIN

NB : L’Humanité, dans son édition du samedi 15 janvier, a consacré un dossier de cinq pages sur le thème « sortir de l’Euro : solution ou impasse ».

Il est regrettable qu’une seule voix ait pu se faire entendre en faveur de la sortie de l’euro, celle de Jacques Nikonoff *. Je partage pleinement son analyse et les propositions qu’il avance.

Voici ses propositions :

« Ne pas laisser la bataille, pour la sortie de l’euro dans les mains de l’extrême droite et des gaullistes de droite. La gauche doit combattre clairement et frontalement l’UE, qui fait partie des piliers de l’ordre néolibéral mondial, au même titre que l’OTAN, la Banque mondiale, le FMI, l’OMC et l’OCDE. La sortie de l’euro est une revendication de gauche qui permet de sortir de l’ordre monétaire néolibéral et de repolitiser la politique monétaire. Elle est la suite logique des combats de 1992 et de 2005.

Si la sortie de l’euro est la condition nécessaire à des politiques de gauche, elle n’est pas suffisante. Il faudra :

- Annoncer le défaut de paiement et restructurer la dette,

- Dévaluer,

- Financer une partie de la dette publique par la politique monétaire,

- Nationaliser les banques et les compagnies d’assurances,

- Démanteler les marchés financiers spéculatifs, fermer les marchés obligatoires, organiser le dépérissement de la Bourse,

- Contrôler les changes et les mouvements de capitaux,

- Lancer une nouvelle politique économique fondée sur le droit opposable à l’emploi, des mesures protectionnistes dans le cadre universaliste de la charte de La Havane, une mutation écologique du mode de production,

- Agir pour une monnaie commune,

- Désobéir à l’UE.

Un pays qui appliquerait ce programme susciterait l’enthousiasme et un puissant effet d’entraînement ».

*Auteur de « Sortons de l’euro, vite ! », Editions Mille et Une Nuits, début mars 2011.

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