Primaire à gauche ou le syndrome tour de Pise !

, par  Guillaume Sayon , popularité : 3%

Nous y voilà… Comme un cheveu sur la soupe, comme l’ultime râle d’une vieille dame à l’agonie, le parti annonce qu’il est prêt à répondre à l’appel des primaires à gauche, ne sachant plus quel chemin prendre pour sauver les quelques meubles que nous n’avons pas encore bradés dans les allées sinueuses des brocantes électorales. Signée de révolutionnaires en col blanc à l’image d’un Cohn-Bendit ou d’un Rosanvallon (qui soutenait avec la CFDT une partie des réformes de Juppé en 1995 !), c’est dans une tribune collective publiée dans les colonnes de Libération que cette brillante idée lumineuse apparaît aux yeux du grand public. Très vite a fleuri l’enthousiasme d’une partie de nos cadres pour cette vulgate creuse et insipide, pour cette prose résolument réformiste. Nous n’aurions, semble t-il, d’autre choix que de nous engager dans un vaste processus d’uniformisation. Bref nous ne proposons rien d’autre que de mettre à disposition notre réseau, nos bras et nos bijoux de famille pour un candidat unique d’où qu’il vienne. On met quand même un préalable : ni Hollande, ni Valls ! Ouf on peut être rassuré. On a beau se défendre chez les hérauts de la liquidation (qui sont à la manœuvre et qui ont droit au tapis rouge dans le journal des communistes), qu’il doit être question d’un projet avant le casting, avouons que cette question va être centrale et va conditionner l’engagement de nos troupes dans l’hypothétique campagne de l’auberge espagnole de la gauche de la gauche…

Je n’invente rien et ne fais pas ici de la petite agitation trotskiste. J’ai bien trop de respect pour mon parti, pour celles et ceux qui m’ont éduqué politiquement, héritiers modestes et discrets de Marx et de Lénine. Les choses sont clairement annoncées dans l’Humanité de ce lundi 18 janvier. Voici un extrait, relaté dans ce dernier, du rapport introductif de Pierre Laurent lors du CN de ce week-end : « tout est fait et pensé pour verrouiller la présidentielle autour de trois possibilités et seulement trois : Marine Le Pen, un candidat de droite et François Hollande. C’est inacceptable, c’est la disparition de la gauche et de toutes perspectives de transformation sociale ». Il affirme plus loin être donc ouvert pour « une candidature de gauche ». Bref l’équation est simplifiée au possible au point de devenir erronée. L’idée même d’une candidature communiste semble de fait être totalement proscrite. Ou même d’une non candidature sur la base d’une lutte radicale contre la république bourgeoise qui embastille les travailleurs et qui donne vie à une forme de moins en moins abstraite de fascisme. Je vous épargne ici la reproduction des propos de Marie-Pierre Vieu que l’Huma cite tranquillement. Elle, la liquidatrice, elle qui se bat depuis des années pour la disparition du parti. Y aurait-il une guerre interne à la direction du parti et une perte de terrain des camarades opposés à la liquidation ? Difficile de savoir.

Tout cela se fait naturellement, sans même tirer le moindre bilan du Front de gauche, comme si cette aventure n’avait jamais existé, comme si elle n’était pas, après le fiasco des collectifs anti-libéraux (dont nous n’avons tiré aucun bilan non plus), une nouvelle pierre posée sur l’édifice de l’effacement de toute identité communiste et donc révolutionnaire de notre organisation. Non la révolution est has been et il nous faut, nous dit-on dans la suite du compte-rendu du CN de ce week-end, engager un processus de rénovation de notre organisation, nous adapter à une nouvelle réalité que l’on semble découvrir depuis peu. Comme si, par ailleurs, cette réalité nous n’avions pas contribué à l’édifier au fil de nos errements et autres renoncements. Il y a des raisons d’être inquiet. Je le suis comme de très nombreux camarades.

Ce qui me désole, c’est le légitimisme mortifère qui pousse de trop nombreux camarades à se taire, à cautionner en silence. La direction a toujours raison… Sauf qu’en attendant, c’est ni plus ni moins l’acte de décès du PCF qui est en train d’être signé. In fine, nous allons transformer notre organisation en une fraction d’un mastodonte qui ne sera rien d’autre qu’une formule déguisée de la gauche plurielle ressuscitée. Autant dire un échec assuré à l’image d’un Syriza qui n’aura que mollement résisté avant de devenir un simple exécuteur de la politique de répression populaire. Quelle belle perspective d’avenir vous en conviendrez. Je m’y opposerai de toutes mes forces !

Le syndrome tour de Pise

Au final c’est un scénario à l’italienne qui se profile. De l’autre côté des Alpes la gauche n’est plus qu’une vieille chimère. Le PCI, qui très tôt impulsa la mutation, a fini par se fondre dans des coalitions absurdes et aujourd’hui il n’existe plus que la droite alliée à l’extrême-droite et un centre gauche plus libéral que moi tu meurs ! C’est ce qui nous pend au nez dans l’hexagone. Car au-delà de l’enjeu de sauvegarder une organisation nationale communiste, c’est l’idée même du socialisme que l’on tente d’enterrer pour de bon. C’est donc l’abandon de la remise en cause du système capitaliste, de ses logiques et de ses normes pour promouvoir un projet réformiste. Bref dans l’élan d’une recomposition politique irréfutable et complète du moment, nous n’aspirons qu’à devenir de gentils sociaux-démocrates, à prendre la place laissée vacante par le PS.

Alors même que l’événement des Goodyear nous rappelle à quel point il est nécessaire de réactualiser une grille de lecture marxiste, avec un antagonisme des classes qui atteint son paroxysme, une concentration du capital qui tire les salaires vers le bas pour assurer une courbe ascendante du taux de profit, une classe dirigeante qui mène une guerre totale contre le syndicalisme et plus largement contre les travailleurs, nous rêvons simplement de devenir une sorte de médiateur afin de pacifier les rapports, aménager l’exploitation pour qu’elle soit plus vivable. D’ailleurs avec des ecclésiastiques fanatiques de l’Europe (EELV) qui se refusent à remettre en cause ce carcan économique et idéologique, sans doute l’une des plus belles réalisations de l’impérialisme US (dixit Marie-France Garaud qui n’est pas une complotiste totalement aliénée). Nos aînés doivent vouloir revenir d’entre-les-morts pour nous coller une bonne paire de baffes plus que méritées ! Nous voilà donc repeints en fossoyeurs de l’espoir d’un autre monde, d’une autre société…

C’est ce que je nomme le syndrome "tour de Pise" avec une double référence. Une, déjà évoquée et qui concerne la destruction de la gauche italienne et une autre plus symbolique encore. En effet, s’engouffrer dans ce piège des primaires, dans cette petite tambouille électorale sans lendemain et sans perspective hormis celle du renoncement, c’est comme bâtir une immense structure sur des bases bien trop fragiles. Quels sont les points communs entre un communiste et un Cohn-Bendit ? L’édifice finira par pencher en menaçant même de s’écrouler. Ce qu’il faudra absolument éviter, c’est de confisquer ce débat aux communistes. Les premières voix qui se sont élevées pour contester la manœuvre ont eu droit aux banales invectives, aux attaques ad hominem. Il faudra pourtant continuer à porter la contradiction, à dissiper les écrans de fumée. Rien ne serait pire que le simple opportunisme électoral comme on peut le lire dès les premières phrases pratiquement prophétiques dans l’État et la Révolution : « l’opportunisme régnant éduque, dans le parti ouvrier, des représentants des travailleurs les mieux rétribués qui se détachent de la masse, qui "s’accommodent" assez bien du régime capitaliste et vendent pour un plat de lentilles leur droit d’aînesse, c’est-à-dire qu’ils abdiquent leur rôle de chefs révolutionnaires du peuple dans la lutte contre la bourgeoisie ». Sans sombrer dans le travers des puristes, il me semble que c’est un enseignement digne d’intérêt, qui mérite au moins d’être médité.

Guillaume Sayon

Tiré de son blog

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