Au sujet d’une pétition pour le nom du grand stade de l’OL...
Non, Mandela n’est pas une marque...

, par  Gilbert Remond , popularité : 3%

Je recevais il y a quelque jour un mail d’un camarade du collectif sport du PCF par lequel j’étais invité à signer une pétition lancée à leur initiative pour donner au grand stade de Décines le nom de Nelson Mandela.

Selon les termes de cette pétition, il s’agissait de rendre un hommage à sa personne et au combat qu’il avait mené pour la liberté des peuples mais aussi à l’importance qu’il avait su accorder, une fois au pouvoir, au sport en tant que vecteur de rassemblement des Sud-Africains, à l’exemple de ce qu’il avait initié à l’occasion de la coupe du monde de rugby en 1995.

Je lui répondais que la circonstance pour laquelle il me sollicitait posait un problème de taille, celui en la matière de mon opposition à la construction de ce stade que rien, sinon la volonté conjointe du président de L’OL et du président de la communauté urbaine de Lyon, rendait nécessaire.

Il ne fait pourtant pas mystère que sa construction a posé et continu à poser de nombreux problèmes, en termes de démocratie, de transparence et d’éthique, autant d’aspects que je n’étais d’ailleurs pas le seul à souligner comme en témoignent les mobilisations d’habitants et de citoyens contre sa construction (j’apprendrai plus tard que de nombreux courriers témoigneront d’un sentiment partagé au sujet de l’inopportunité de cette pétition et de son objet).

Ainsi , la décision de construire ce stade a été prise, au mépris des populations les plus concernées. Pour commencer, par celles qui sont sur place et qui en feront en premiers lieux les frais en termes de spoliations et de nuisances, mais aussi des contribuables qui comme l’indique un montage d’images animées de l’association « Carton Rouge », sont mis a contribution dans un processus exponentiel, pour des demandes de dépenses qui ne cessent de s’élargir à des secteurs nouveaux.

Par exemple, celui des transports... En effet le stade s’arroge des infrastructures sur le dos des contribuables en particulier en ce qui concerne sa desserte, avec le prolongement d’une ligne de tramway dont la déclaration d’utilité publique a été refusée à plusieurs reprise par le tribunal administratif. Une première fois en avril, la seconde en novembre à l’occasion d’une procédure d’appel. Il va sans dire que la situation ainsi créée se fait détriment des populations les plus nécessiteuses puisque dans le même temps la demande d’une desserte de la ville de Vaulx-en-Velin est refusée.
 
Cette décision pose aussi des problèmes d’éthique et de transparence. Que ce soit dans le choix et la mise en œuvre des moyens, puisque la collectivité et donc l’argent public sont appelés à financer un équipement dont les orientations et les activités sont et seront celles d’une entreprise privée cotée en Bourse. Mais que ce soit aussi du fait des acteurs en présence.

En effet, des politiques se retrouvent régulièrement dans des relations privilégiées avec des entreprises de travaux publics. Du temps de Michel Noir c’était avec Bouygues, et nous avons appris à nos dépends quels étaient les attendus secrets de leur entente. Dans le cas présent nous retrouvons des élus de sensibilité PS avec Vinci, le même Vinci que nous retrouvons dans l’imbroglio de notre Dame des Landes et dans bien d’autres circonstances.

Qu’apprendrons-nous dans les temps à venir  ? Car l’alternance est ainsi faite qu’elle balance pour retrouver ses points d’équilibre. D’affaire en affaire, elle découvre de nouvelles écuries d’Augias, qu’elle fait nettoyer par sa justice, impliquant l’un, impliquant l’autre selon la nécessite du mouvement qu’elle veut imprimer par ses institutions pour que tout reste comme avant ! Ainsi passent les princes, ainsi se passent les marchés  !
 
J’ai par ailleurs plusieurs fois attiré l’attention sur la relation qui existait entre le projet de métropole européenne, la construction de ce stade et l’extension de l’aéroport de Bron. L’un ne va pas sans l’autre.

Aussi, est-ce conscient ou pas, mais la proposition de baptiser cette mercantile opération du nom de Mandela n’est pas des meilleurs effets.

D’abord, parce qu’elle met ceux dont je fais partie, qui sont opposé à la construction du stade dans une position en porte-à-faux vis-à-vis de la reconnaissance qu’eux aussi aimeraient manifester a l’égard d’un personnage qui fut une des figures centrales des combats menés le siècle dernier. Il y aurait en quelque sorte une manière de leur forcer la main, une manière un peu cavalière de vouloir leur faire accepter une chose publique qui fait plus que poser problème. Car il n’est pas besoin de faire de dessin pour faire comprendre que signer une telle pétition implique acquiescement à la chose dite, c’est-à dire que par ce fait même, celui de demander que soit donné au stade le nom de Mandela, la construction du stade deviendrait un fait acquis. Il s’agirait donc de demander un dé-jugement à ceux qui ne voudraient pas apparaître insensibles à la promotion du nom de Mandela.
 
Enfin, persister dans cette démarche serait faire peu de cas de ce qu’ont été les combats et la personne de Mandela, qui toute sa vie s’est opposé aux milieux de la finance par sa lutte contre les formes politico-militaires et économiques qui les représentent, que nous appelons l’impérialisme, combats qu’il paya de sa liberté, vingt-sept années durant, dans un bagne devenu célèbre depuis. Mais il est vrai, les Chiliens l’ont appris à leurs dépens, qu’il n’y a parfois qu’un pas entre un stade et un bagne.

Pourtant l’on me dit « le LOU rugby s’est installé tranquillement à Vénissieux » et qu’en passant « sur le périphérique tout le monde voit le Matmut Stadium » ; on me dit aussi que le stade de Décines contre lequel le collectif sport était opposé est de toute façon en phase de construction et que dans ces conditions, donner le nom de Mandela serait une façon d’empêcher qu’il ne porte le nom d’une marque dont le seul but est d’utiliser le football à des fins mercantiles et que cela, dé-crédibilisant la loi du fric constituerait un super pied de nez au sport business.

Décidément cette pétition qui sans doute partait de bon sentiments, j’en suis de plus en plus convaincu, est une mauvaise idée pour cet objet là. Non, il n’y a pas de pied-de-nez qui ne tienne. Le capitalisme a une capacité de récupération sans limite tant que l’on ne touche pas à ses structures. Il faut que décidément quelque chose soit définitivement détruit dans la raison de nos sociétés pour en arriver à de tels jugement et Descartes le pauvre pourra toujours retourner son bout de cire de tous les côtés pour parler de l’apparence des choses et de la mutabilité de leurs formes, les tristes sires de la pensée unique semblent bien être arrivés à nous faire prendre nos vessies pour des lanternes. 
 
Continuons sur cette pente et l’éclairage de la raison s’en trouvera pour longtemps dérangé. En effet nous sommes plus que jamais dans le domaine de l’apparence. Le syndrome Canada Dry tétanise l’opinion  ! Rappelez-vous ! Cela a l’apparence de... mais ce n’est pas. Le naming est certes une bien vilaine manière de nommer les choses mais il a le mérite de la sincérité, il dit le réel d’un certain sport et de son environnement tels qu’ils fonctionnent dans la société du libéralisme économique, aussi ce n’est pas l’étiquette qu’il faut changer mais la chose elle-même, sinon nous nous comportons comme Tartufe qui ne voulait voir ce sein dénudé sur lequel cependant ses mains s’apprêtaient à se poser. Osons le dire et persistons dans ce prédicat, le grand stade de Décines n’est qu’une vaste opération immobilière et financière qui mobilise la bourse, des multinationales du BTP et des politiciens à leurs services. Le sport est leur alibi et leurs mannes.
 
Cette attitude dans la pensée n’est pas nouvelle. Elle a un ancêtre qui dans les catégories de la philosophie s’appelle le nominalisme, dont la doctrine nous dit le petit Robert, tient en ce que les idées générales ne sont que les noms qu’elles portent. Ainsi il suffirait de nommer un concept pour que la chose soit. Eh bien, il se trouve que les matérialistes dont nous nous réclamons, nous ont appris à penser autrement notre rapport au monde et que le sport comme la science sont des activités concrètes ayant pour objet la matière, non des essences abstraites. 
 
Il se trouve également qu’il existe bien d’autres lieux dont l’usage s’honorerait du nom de Mandela et qui en réciprocité ne nuiraient pas à sa Mémoire.
 
Fraternellement,
 
Gilbert

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