LES SOUVENIRS DE V.V.P. Bulletin Comaguer 523

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Un article utile pour mieux comprendre l’histoire des relations entre l’OTAN et la Russie post-soviétique... plus complexe que ce que nous savions et dont les premières étapes vers les tensions actuelles commencent dès 1999 avec l’intervention US au Kosovo et... Eltsine.

Pour mieux comprendre ce qui s’est passé au Kremlin dans le courant de l’année 2021 jusqu’au 24 Février 2022 qui fait à tort figure de borne historique où tout commencerait et il est nécessaire de remonter au moment où entre dans l’Histoire un simple salarié des services de renseignement soviétiques Vladimir Vladimirovitch Poutine (V.V.P.).

Bulletin Comaguer 523

En poste à Dresde en RDA il devient à son retour en Russie le bras droit du maire de Saint Petersburg : Sobtchak. Celui-ci est battu aux élections municipales de 1995 et Poutine part pour Moscou où il intègre bientôt l’état major présidentiel d’Eltsine.

On peut donc considérer que dés le début du second mandat d’Eltsine il a accès sans restrictions à toutes les informations stratégiques.

C’est à cette même période qu’apparait et s’impose au Kremlin la doctrine PRIMAKOV. Ce diplomate soviétique de haute volée, arabophone, a rencontré tous les dirigeants du monde arabe avant la chute de l’URSS. Pour l’anecdote il a même été le directeur de thèse de l’étudiant palestinien Mahmoud Abbas. Le 26 décembre 1991, il est nommé directeur du SVR, Service des renseignements extérieurs de Russie, poste qu’il va occuper jusqu’en 1996. Il devient ensuite Ministre des Affaires étrangères et défend et tente d’appliquer à ce poste sa doctrine basée sur le multipolarisme et le refus de la domination mondiale par les États-Unis, la Russie devenant une puissance résistante à cette domination. Poutine qui devient en 1998 directeur du FSB (Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie) et secrétaire du Conseil de sécurité russe partage cette vision du monde.

Primakov devient premier ministre du 11 septembre 1998 au 12 Mai 1999 et Poutine occupera ce poste du 9 Aout 1999 au 7 Mai 2000 date à laquelle il devient à 48 ans Président de la Fédération de Russie suite au scrutin de Mars 2000.

Même s’ils se sont affrontés sur le terrain électoral pour les législatives de décembre 1999, Poutine et son parti l’ayant emporté, V.V.P. est et reste le plus efficace porteur de la doctrine Primakov qui d’ailleurs s’est rallié à lui pour la campagne présidentielle de Février-Mars 2000.

Cette période du second mandat d’Eltsine où la doctrine Primakov entre en application et où s’affirme V.V.P. est importante en ce sens qu’elle s’oppose à la période précédente où la direction russe avait succombé totalement au charme des « libertés occidentales ».

Cette correction de trajectoire va se matérialiser dans les rapports avec l’Ouest dans la signature le 27 Mai 1997 à Paris d’un accord entre l’OTAN et la Russie pour normaliser leurs rapports. Il ne s’agit pas en droit d’un traité puisque l’OTAN n’est pas un État mais d’une mise au clair des relations sur le continent européen, la période de désarmement de fin de guerre froide étant achevée (même si en réalité la Russie a plus désarmé que l’OTAN qui dans le texte parle aussi « d’adaptation » des armements).

Bien qu’il ne s’agisse nullement de la reconnaissance par l’OTAN de la doctrine Primakov le paragraphe introductif de cet accord (voir ci-après) sera signé par Primakov lui-même après avoir été négocié par son prédécesseur Viktor Tchernomyrdine. Primakov considère que par cette signature l’OTAN reconnait la Russie comme acteur stratégique indépendant et qu’il n’est pas question dans cet accord d’extension de l’OTAN vers l’Est. Au poste qu’il occupe à cette date Poutine ne peut qu’avoir approuvé cette signature. Il est vrai qu’au regard des événements qui vont suivre la position de l’OTAN apparait d’une furieuse hypocrisie car elle n’engage pas les États-Unis en tant que tels qui de leur côté vont, pendant les deux années qui suivent, continuer à travailler activement à l’élargissement de l’OTAN.

Malgré cet accord une véritable crise dans les rapports entre la Russie et l’OTAN va survenir en 1999. Le calme revenu en Bosnie Herzégovine à la suite des accords de Dayton (1995), la Serbie dernier morceau de la Yougoslavie démantelée échappant à la tutelle étasunienne doit être soumise par tous les moyens. Primakov conscient de la menace militaire de l’OTAN sur le gouvernement de Belgrade tente une ultime démarche pour résoudre la crise par la voie diplomatique. Le 24 Mars 1999 il apprend à bord de l’avion qui le conduit à Washington avec l’espoir d’éviter la guerre que le bombardement de Belgrade par l’OTAN vient de commencer. Outragé, il donne l’ordre au pilote de rebrousser aussitôt chemin.

Il est ainsi avéré que l’OTAN considère la Russie qui essaie de protéger la Serbie de l’agression militaire comme partie négligeable et ignore délibérément l’objectif d’accroissement de la confiance mutuelle et de la coopération figurant dans l’accord de Janvier 1997. C’est un camouflet diplomatique. Eltsine congédie Primakov le 12 Mai.

VVP se souvient de cet épisode qu’il relatera beaucoup plus tard. En effet l’agression de la Serbie par l’OTAN permet aux albanais du Kosovo, province de la Serbie, regroupés dans l’UCK et à qui les États-Unis retirent aussitôt le statut de « terroristes », de partir en guerre contre le gouvernement de Belgrade. La Russie veut intervenir pour empêcher la sécession du Kosovo et éviter le massacre prévisible de tous les serbes habitants au Kosovo. VVP racontera beaucoup plus tard qu’il a alors envisagé en tant que secrétaire du Conseil de sécurité russe d’envoyer en urgence par avion des troupes russes d’interposition au Kosovo. Mais la Hongrie qui a été intégrée assez précipitamment à l’OTAN en Mars 1999 refuse le survol de son espace aérien par les avions militaires russes. L’accès à l’aéroport de Pristina est fermé. Il ne lui reste qu’une solution : faire arriver à Pristina par la route le bataillon russe stationné dans le nord-est de la Bosnie Herzégovine qui participe au maintien de l’ordre international en application des accords de Dayton qui ont été contresignés par Viktor Tchernomyrdine. Encore faut-il préciser que le bataillon russe n’est qu’une force supplétive dans le secteur d’occupation de l’armée US. L’opération réussit et quand l’OTAN veut utiliser l’aéroport de Pristina pour y déposer ses propres troupes en appui aux « rebelles » albanais il est trop tard. Le bataillon russe est arrivé le premier sur le terrain. Le général étasunien dirigeant la guerre contre la Serbie ordonne alors aux commandants des unités française et britannique les plus proches de Pristina sur le terrain d’aller déloger la petite troupe russe occupant l’aéroport. Ceux-ci s’y refusent. L’indépendance du Kosovo est remise « sine die ».

Un autre évènement viendra marquer l’année 1999 : la deuxième guerre de Tchétchénie. En effet la première guerre de Tchétchénie s’est achevée par un armistice négocié et signé le 31 Aout 1996 par le général russe Lebed et le dirigeant tchétchène Maskhadov.

Mais si les armes se sont tues le problème politique est resté en suspens. Donc Eltsine et Poutine qui est maintenant premier ministre qui ont vu sous leurs yeux s’élargir l’OTAN (intégration de la Pologne, la République tchèque et de la Hongrie en mars 1999) et pu apprécier en Bosnie et en Serbie les pratiques Otano/étasuniennes décident de reprendre la lutte contre les indépendantistes tchétchènes. Clinton est furieux et à l’occasion d’une réunion de l’OSCE en Novembre 1999 à Istanbul il intime à Eltsine l’ordre d’arrêter sa campagne en Tchétchénie. Eltsine furieux quitte la salle. Le lendemain il commente l’incident : « Hier Clinton s’est permis de faire pression sur la Russie. Il semble qu’il ait pour une minute, une seconde, une demi-minute oublié que la Russie a un arsenal complet d’armes nucléaires, il a oublié ça ! » Le mois suivant Eltsine partait rencontrer Yang Zemin à Beijing qui avait de son côté gardé un très mauvais souvenir du bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade. Peu avant d’abandonner le pouvoir Eltsine signifiait ainsi aux États-Unis que la décennie d’effacement total de la Russie était close et que l’alliance entre la Chine et la Russie allait prendre corps sous la forme de l’Organisation de coopération de Shanghai. Malade il passait alors le relais à V.V.P.

Celui-ci savait que pour la seconde guerre de Tchétchénie en réalité déjà entamée en 1997 la Russie aurait à affronter les indépendantiste Tchétchène dirigés par Bassaev associés aux redoutables Moudjahidin tchétchènes c’est à dire les djihadistes du saoudien Kattab recrutés dans les pays arabes et en Turquie. Il savait que la même manipulation impérialiste qui avait détruit l’URSS en Afghanistan était désormais à l’œuvre pour détruire la fédération de Russie.

Les nouvelles extensions de l’OTAN vers l’Est en 2004 et la révolution orange à Kiev l’ont convaincu de la permanence de ce projet et ont confirmé que la signature des États-Unis ne valait rien : les actes fondateurs ne sont pas respectés, les traités de désarmement sont dénoncés. Il savait que la Russie aurait à affronter de nouvelles incarnations et de nouvelles opérations de l’impérialisme. Il s’y est préparé.

***

Acte Fondateur sur les Relations, la Coopération et la Sécurité Mutuelles entre l’OTAN et la Fédération de Russie

signé à Paris, France (version officielle sur le site de l’Otan) 27 May. 1997

Introduction

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et ses états membres, d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part, ci-après dénommés l’OTAN et la Russie, se fondant sur un engagement politique durable souscrit au plus haut niveau politique, construiront ensemble une paix durable et ouverte à tous dans la région euro-atlantique, reposant sur les principes de la démocratie et de la sécurité coopérative.

L’OTAN et la Russie ne se considèrent pas comme des adversaires. Elles ont pour objectif commun d’éliminer les vestiges de l’époque de la confrontation et de la rivalité, et d’accroître la confiance mutuelle et la coopération. Le présent Acte réaffirme la détermination de l’OTAN et de la Russie de donner corps à leur engagement commun de construire une Europe stable, pacifique et sans division, une Europe entière et libre, au profit de tous ses peuples. Prendre cet engagement au plus haut niveau politique marque le début d’une relation fondamentalement nouvelle entre l’OTAN et la Russie. Celles-ci ont l’intention de développer, sur la base de l’intérêt commun, de la réciprocité et de la transparence, un partenariat fort, stable et durable.

Le présent Acte définit les objectifs et le mécanisme de consultation, de coopération, de décision conjointe et d’action conjointe qui seront au cœur des relations mutuelles entre l’OTAN et la Russie.

L’OTAN a entrepris une transformation historique, qui est appelée à se poursuivre. En 1991, l’Alliance a revu sa doctrine stratégique pour tenir compte du nouvel environnement de sécurité en Europe. En conséquence, l’OTAN a réduit de manière radicale ses forces conventionnelles et nucléaires, et en poursuit l’adaptation. Tout en préservant la capacité de remplir les engagements pris dans le Traité de Washington, l’OTAN a renforcé et continuera de renforcer ses fonctions politiques et s’est chargée de nouvelles missions de maintien de la paix et de gestion des crises à l’appui des Nations Unies et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), comme en Bosnie-Herzégovine, pour relever de nouveaux défis dans le domaine de la sécurité en étroite association avec d’autres pays et d’autres organisations internationales. L’OTAN est engagée dans l’élaboration de l’Identité européenne de sécurité et de défense (IESD) au sein de l’Alliance. Elle continuera de développer un mode de coopération large et dynamique avec les États participants de l’OSCE, en particulier au travers du Partenariat pour la paix, et travaille avec les pays partenaires sur l’initiative visant à créer un Conseil de partenariat euro-atlantique. Les états membres de l’OTAN ont décidé d’examiner le concept stratégique de l’OTAN afin de veiller à ce qu’il soit pleinement compatible avec la nouvelle situation et les nouveaux défis qui existent en Europe sur le plan de la sécurité.

La Russie poursuit l’édification d’une société démocratique et la réalisation de sa transformation politique et économique. Elle élabore le concept de sa sécurité nationale et révise sa doctrine militaire afin qu’ils soient parfaitement adaptés aux nouvelles réalités dans le domaine de la sécurité. La Russie a procédé à de profondes réductions de ses forces armées, a opéré, à une échelle sans précédent, un retrait de ses forces des pays d’Europe centrale et orientale et de la région de la Baltique, et a retiré toutes ses armes nucléaires vers son propre territoire national. La Russie est déterminée à réduire encore plus ses forces conventionnelles et nucléaires. Elle participe activement à des opérations de maintien de la paix à l’appui des Nations Unies et de l’OSCE, ainsi qu’à la gestion des crises dans différentes régions du monde. La Russie contribue aux forces multinationales en Bosnie-Herzégovine.

Le texte intégral est disponible en français sur le site de l’OTAN

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