L’état de droit, un rempart pour qui ? les oligarques ou les prolétaires ? réaction à la tribune de l’Humanité

, par  pam , popularité : 2%

« L’État de droit est notre ultime rempart » affirme une tribune dans l’Humanité signé de Stéphane Peu, Elsa Faucillon, 6 parlementaires écologistes et 10 socialistes. Stéphane Peu est depuis peu président du groupe GDR de l’assemblée nationale qui regroupe notamment les députés communises. On ne sait pas si sa tribune est une initiative individuelle ou si elle traduit une expression du président de groupe. Mais bien évidemment pour un communiste [1], elle ne peut que faire discuter.

Car l’état de droit est un "ultime rempart" pour qui et contre qui ? On comprend bien que cette tribune veut répondre aux défenseurs de Marine Le Pen dénonçant sa condamnation. Et de fait, aucun communiste ne pleure sur la présidente du Rassemblement National, ex Front National.

Mais qui l’état de droit défend-il dans notre société violente, injuste, fracturée ?

Selon Stéphane Peu, la réaction de l’extrême-droite dessinerait « une ligne de fracture essentielle entre celles et ceux qui respectent l’État de droit et celles et ceux qui en sapent méthodiquement les fondations. »

Mais qui sont ceux qui « respectent l’état de droit » ? Tous ceux du meeting de Renaissance organisé par Gabriel Attal avec toute la macronie ? Tous ceux qui ont méthodiquement poursuivi des manifestants syndicaux, gilets jaunes, propalestiniens ? tous ceux qui organisent un système médiatique dirigé par des oligarques ?

Et la colère du RN remettant en cause ce jugement, est-elle dirigée contre une justice qui serait indépendante, ou au contraire, contre une décision frappant une partie de la bourgeoise qui se croyait protégée par une Justice de classe ? D’ailleurs, le conseil constitutionnel proposant une interprétation adoucie de la loi sur l’exécution immédiate des peines quelques jours avant le jugement n’était-il pas la traduction de négociations entre le pouvoir et le RN ?

Cette tribune dans l’Humanité n’a aucun doute sur la nature de la Justice en France . Elle aurait prononcé des peines, y compris l’exécution immédiate, qui sont prévues par le code pénal (...) dans le respect des droits de la défense, selon des procédures encadrées. Dans le cas de Marine Le Pen, est-ce vraiment le sujet ? La justice nous a-t-elle dans cette affaire protégé de la dérive à l’extrême-droite ? Et au-delà de cette condamnation, peut-on vraiment dire que la justice est toujours et en toute circonstance légitime car toutes ses décisions sont bien entendu rendue "au nom de la loi". Aucune nuance pour dire que parfois la loi est injuste ? que parfois la justice est aveugle aux souffrances de certains, toujours les mêmes, et protège les intérêts d’autres, surtout quand ils ont de gros moyens ?

Stéphane Peu peut sans doute demander une liste des procès perdus par des salariés ou qui, comme l’amiante, ont nécessité des dizaines d’années pour des décisions de justice bien en dessous des souffrances vécues ?

Il pourrait aussi interroger la mansuétude de la justice administrative dans le contrôle de la légalité des actes des mairies d’extrême-droite, nos élus de Béziers peuvent lui fournir de nombreux exemples.

Dans notre peuple fracturé par la crise sociale, démocratique, politique, peut-on réellement affirmer que la Justice et l’état de droit sont au dessus des luttes sociales, indépendant des intérêts d’argent, de l’influence des puissants ? Est-ce seulement dans le monde précapitaliste que vaut la célèbre citation de La Fontaine « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Les inégalités et l’arbitraire de la justice ne sont qu’histoires anciennes ?

Il y a une tradition de nombreux maires communistes, prendre des arrêtés d’interdiction des expulsions pour dette de loyer sans relogement. Ils savent tous que ces arrêtés seront cassés par la justice, par "l’état de droit", car le droit de la propriété rend l’expulsion possible sans se préoccuper de relogement. Est-ce l’état de droit que défend Stéphane Peu, connu comme un spécialiste du logement ?

Les auteurs ne citent pas La Fontaine mais Montesquieu : « Il n’y a point de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. ». Mais qui n’a pas de doute sur cette séparation des pouvoirs qui a fait pourtant souvent discuté dans l’histoire y compris récente ? Plus d’instruction politique auprès des juges ? Et ce parquet national financier créé par Hollande et qui a joué un rôle clé dans l’affaire François Fillon et la fabrication médiatique de Emmanuel Macron ? c’est la séparation des pouvoirs ? Et quand les affaires qui tournent autour du président Macron restent dans l’ombre, c’est juste le temps long de la justice ? Et quand les mêmes affaires d’assistants parlementaires de Mélenchon restent en attente, peut-être pour sortir au bon moment avant 2027, c’est aussi la séparation des pouvoirs certifiés par les auteurs de cette tribune ?

Au fonds, les auteurs croient, on l’espère sincèrement, qu’il faut appuyer là ou ca fait mal à Marine Le Pen pour lui interdire de rebondir. Mais en masquant la nature politique de la justice et de l’état de droit dans notre pays fracturé, ils la servent au contraire.

L’échec des manifestations du 12 avril ne fait que confirmer que cette position n’a pas de prise sur la société française. Elle n’est qu’une péripétie médiatique qui n’intéresse que le microcosme politique. Elle rate donc l’essentiel, l’urgent, comprendre les raisons de la force de l’extrême-droite, avec en tête la responsabilité de la gauche qui n’a pas tenu ses promesses et s’est coupé, pour ne pas dire plus, des milieux populaires.

Pour les signataires écologistes et socialistes, il est normal de ne pas s’interroger surs la nature de l’état. Mais pour un communiste, c’est plus que surprenant. Le texte fondateur de la compréhension marxiste de l’état, L’état et la révolution de Lénine, démontre au contraire que l’adage populaire de La Fontaine illustre la nature profonde de l’état de droit qui est toujours dans le capitalisme, la "dictature de la bourgeoisie". Le terme dictature peut faire discuter, et certains diront que s’il était adapté à l’époque, il ne le serait plus aujourd’hui. Vraiment ?

La dérive autoritaire pour ne pas dire fascisante que les auteurs dénoncent en parlant d’un « vent mauvais qui souffle sur la planète, de la Russie aux États-Unis en passant « par » la Hongrie », ne serait qu’un problème de personne ? L’arrivée de Trump aux USA n’est pas la traduction d’une dérive politique plus ancienne de la puissance impérialiste dominant qui se retrouve face au risque de défaut du dollar ? Aucun rapport avec la nature de l’état US ?

Comment ne pas voir que la crise démocratique occidentale, la dérive fascisante partout et pas seulement dans les pays cités, révèle plus que jamais le besoin de réactualiser la pensée léniniste de l’état au service des puissants ?

Les auteurs de cette tribune concluent « L’État de droit est notre ultime rempart. Défendons-le. ». Notre peuple sait bien que s’il a besoin d’un rempart, c’est contre un capitalisme mortifère, contre les injustices et les inégalités qui sont le terreau de l’extrême-droite, et que l’état est très largement a son service, que même la justice est largement sous pression des idées d’’extrême-droite. Si beaucoup de citoyens, parfois même syndicalistes, espèrent faire tourner le droit en leur faveur en consacrant beaucoup d’efforts avec des avocats sans arriver à construire un rapport de forces, les communistes savent bien que la justice ne sera jamais un rempart contre les injustices.

Leur texte peut être oublié. L’essentiel est ailleurs « Le rassemblement populaire est notre rempart, construisons-le » contre l’extrême-droite, contre les oligarques, et s’il le faut, contre l’état !

[1à vrai dire, si Stéphane Peu dirige le groupe GDR après le départ de l’historique André Chassaigne, on sait qu’il n’accorde pas beaucoup d’importance au parti communiste, dont il a défendu longtemps la ligne nationale de métamorphose au service de LFI tout en accompagnant la prise en main de la ville historique de Saint-Denis par les socialistes. Il avait d’ailleurs affirmé en 2022 qu’il viendrait mener campagne à Vénissieux contre la candidate communiste  !

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