Gaza : la stratégie de la terreur Article de Luc Vancauwenberge du PTB (Parti du Travail Belge)

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Les souffrances infligées à la population de Gaza par Israël à travers le blocus et l’agression militaire sont le fruit d’une politique délibérée et réfléchie, la « doctrine Dahiya ».

Le ministre israélien des Transports, Ysrael Katz, appelait, juste avant la dernière agression d’Israël contre Gaza, à « se désengager de Gaza civilement, y compris l’électricité, l’eau, la nourriture et des combustibles… et de passer à une politique de dissuasion comme au Sud-Liban ».

Au sein de l’armée israélienne on parle ainsi de la « doctrine Dahiya », du nom du quartier populaire au sud de Beyrouth, réputé comme un bastion de Hezbollah, qui a été complètement rasé lors de l’agression israélienne de 2006.

Le général israélien Gadi Eisenkot l’exprime ainsi : « Ce qui s’est passé dans le quartier de Dahiya en 2006 arrivera à chaque village d’où on tire sur Israël. Nous y appliquerons une force disproportionnée et infligerons beaucoup de dégâts. Ceci n’est pas une recommandation. Il s’agit d’un plan qui a été approuvé » [1].

Un autre général renchérit : « En cas d’une autre guerre avec le Hezbollah (…) de sérieux dommages à la République du Liban, la destruction de l’infrastructure nationale et la souffrance intense de centaines de milliers de gens sont des conséquences pouvant influencer le comportement du Hezbollah plus que n’importe quoi d’autre » [2]. Un autre militaire ajoute : « Cette approche est également applicable à la bande de Gaza » [3].

Le journaliste Jonathan Cooke estime que « ce “concept sécuritaire” implique la destruction totale des infrastructures d’une communauté afin de la plonger le plus profondément possible dans un problème de survie et de reconstruction, au point que d’autres préoccupations, comme la riposte ou la résistance à l’occupation, ne sont plus abordables » [4].

Blocus meurtrier

Quand on compare ces déclarations à la situation concrète que vivent les Gazaouis, il ne fait aucun doute que ceux-ci sont volontairement pris pour cible par le gouvernement israélien dans le cadre d’une telle stratégie.

En effet, Gaza compte 1,59 million d’habitants, dont 819 000 enfants, sur 360 km² (deux fois la région de Bruxelles). 34 % de la main-d’œuvre est sans travail. 80 % de la population dépend de l’aide humanitaire. 90 % de l’eau du robinet n’est pas potable [5]. Pourtant, Gaza n’est pas destinée à la pauvreté. La région dispose en effet de terres agricoles riches et d’eaux poissonneuses. L’occupation et le blocus israéliens sont en cause.

Depuis 2007, le blocus israélien contre Gaza est total. Tous les biens qui entrent ou sortent de Gaza doivent passer par Israël. Un tribunal israélien a récemment obligé le gouvernement israélien à révéler des plans de 2008 (« Red lines ») qui calculent le nombre de calories dont peut disposer chaque Palestinien : 2500 pour les hommes, 2000 pour les femmes. Ces sommes sont ensuite converties en nombre de camions de nourritures qui peuvent rentrer à Gaza. Mais les stratèges israéliens y ajoutaient d’autres éléments pour faire diminuer le nombre de camions, comme la production agricole locale, systématiquement surévaluée. On arrivait ainsi à 67 camions, alors qu’avant le blocus, 400 camions passaient tous les jours. Vu la malnutrition croissante, ces quantités ont été légèrement augmentées en 2010 [6]. Deux ONG estiment néanmoins qu’actuellement, 58,6 % des écoliers sont affectés par de l’anémie, causée par un manque de nourriture de qualité [7].

Une série d’instruments médicaux essentiels sont interdits d’importation, comme des machines à rayons X, des scanners, des batteries et pièces de rechange.

16 projets internationaux concernant les besoins d’eau et sanitaire attendent toujours depuis 2010 : seulement un cinquième des matériaux nécessaires ont pu entrer à Gaza. Aucun progrès n’a pu être réalisé en matière de projets de désalinisation afin de faire face au grave problème d’eau potable.

Israël a réduit les eaux territoriales gazaouies accessibles aux pêcheurs palestiniens de 20 (en 1993) à 3 miles maritimes. 35 % des terres agricoles sont interdites d’accès. 178 000 personnes sont ainsi privées de leur gagne-pain.

Il manque plus de 71.000 unités d’habitation à Gaza — soit environ 23 % de l’habitat total — pour répondre à la pénurie. Plus de 15.000 Gazaouis déplacés par l’opération militaire israélienne « Plomb durci » menée en 2008-2009 n’ont pas encore retrouvé leur foyer [8].

En 2006, Israël a bombardé la seule centrale électrique de Gaza et empêche depuis lors sa restauration complète.

Tuer l’espoir

Le professeur américain Noam Chomsky s’est rendu à Gaza fin octobre. Il commente : « Il faut à peine plus d’une journée à Gaza pour commencer à apprécier ce à quoi doit ressembler tenter de survivre dans la plus grande prison en plein air du monde, où un million et demi de personnes, dans la région la plus densément peuplée du monde, sont constamment soumises à la terreur générale, souvent sauvage, et aux châtiments arbitraires qui n’ont souvent pour but que d’humilier et avilir, ainsi que de faire en sorte que les espoirs palestiniens d’un avenir décent soient anéantis et que soit réduit à zéro le soutien mondial majoritairement favorable à un arrangement diplomatique censé accorder ces droits ».

Ziad Medoukh, professeur de français à l’Université Al Azhar à Gaza, déclare : « Je crois que cette offensive israélienne ne visait pas le Hamas mais la population. Parce qu’elle est attachée à sa terre de manière indéfectible, malgré le blocus, malgré les offensives militaires, malgré les divisions palestiniennes, malgré le chômage ».

Face à la résistance tenace du peuple palestinien qui refuse de mourir en silence, l’acharnement des dirigeants israéliens ne semble pas connaître de limite. Ceux-ci considèrent la passivité des dirigeants européens comme un encouragement à poursuivre leurs méfaits. Seules des sanctions peuvent leur faire comprendre que le monde n’accepte plus leurs méfaits.

Luc Vancauwenberge, le 27 novembre 2012

Lu sur le site du PTB (Parti du Travail Belge)


Quelques chiffres

Gaza :

  • Densité de population : environ 4600 habitants/km2 (3e pays du monde après Monaco et Singapour).
  • 34 % de la main d’œuvre est sans travail.
  • 80 % de la population dépend de l’aide humanitaire.
  • 90 % de l’eau du robinet n’est pas potable.

Israël-Palestine :

  • L’Europe fait 15 fois plus de commerce avec les colonies israéliennes qu’avec les territoires palestiniens.
  • 35 % des terres agricoles palestiniennes sont interdites d’accès.
  • 4 morts israéliens en 2012 (jusqu’au 19 novembre).
  • 173 morts gazaouis en 2012 (jusqu’au 19 novembre), dont 19 enfants de moins de 15 ans.
  • 47 victimes israéliennes de tirs de roquettes ou mortiers depuis Gaza depuis 2006.
  • 2 879 victimes palestiniennes des tirs de l’armée israélienne entre le 1er avril 2006 et le 21 juillet 2012.

[1Report of the United Nations Fact-Finding Mission on the Gaza Conflict, 25/9/2009.

[2Report of the United Nations Fact-Finding Mission on the Gaza Conflict, 25/9/2009.

[3Report of the United Nations Fact-Finding Mission on the Gaza Conflict, 25/9/2009.

[4Jonathan Coocke : « Le régime de famine imposé par Israël à Gaza », 28/10/12.

[5United Nations, Five year of blockade, juin 2012.

[6Le Monde, 17/10/12.

[7Gaza’s Children : Falling behind par Save the Children et MAP (Medical Aid For Palestinians), juin 2012.

[8La crise de l’immobilier à Gaza exacerbée par la fermeture des tunnels, IRIN, 14/11/12.

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