Critique de la notion de "coût du travail" (Partie III : suite et fin) Droit d’Alerte n°16, lettre d’information de CIDECOS

, par  Lilian Brissaud , popularité : 2%

IV. La France et l’Europe en manque de salaire

  • 4.1. Une question de répartition
  • 4.2. Nos économies développées doivent faire face à un problème de
    demande
  • 4.3. La protection sociale n’est pas le fardeau du travail

V. Contre-feu, contre-pensée


IV. La France et l’Europe en manque de salaire

- 4.1. Une question de répartition

D’une manière générale, les pays d’Europe, dont la France, ont été marqués par la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée produite, concentrée sur la première partie de la décennie 80.

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Si l’on zoom sur le partage de la valeur ajoutée au sein des sociétés non financières en France on a le graphique suivant :

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Le cercle vert indique la période durant laquelle le partage de la valeur ajoutée a plutôt été en faveur du salaire. Le cercle rouge indique la période durant laquelle les entreprises non financières dans l’économie française ont très sensiblement relevé leur niveau de marge au détriment de la part des salaires dans la valeur ajoutée.

Depuis la crise économique de 2008, la période est à la crispation. Le ralentissement économique, et donc de la productivité du travail, pénalise le taux de marge. Pour le maintenir, le patronat vise à baisser la part de la valeur ajoutée qui revient aux travailleurs sous forme de salaire. En ligne de mire, la part indirecte du salaire qui en représente une part importante en France comme le montre le graphique ci-dessous [1].

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Nous reprenons ci-dessous un passage qui accompagne le graphique de Michel Husson :

« Ce constat permet de comprendre pourquoi les "charges" sont devenues un enjeu central du débat économique. Du côté des salaire nets, en effet, la baisse ne peut aller beaucoup plus loin que le recul acquis au cours des années 1980, durant lesquelles ils sont passés de 50% à moins de 40% de la valeur ajoutée de entreprises. D’où les recommandations visant, soit à baisser le niveau de la protection sociale, soit à en reporter la charge sur les finances publiques. Les allégements de cotisations ou la TV A sociale correspondent à ce schéma. De même, les réformes successives des retraites ont toutes été menées en postulant que la part du revenu national allant aux retraités ne devrait plus jamais augmenter, quel que soit leur nombre. »

- 4.2. Nos économies développées doivent faire face à un problème de demande

En Europe comme en France, d’un côté la relance de la demande passe par la hausse des salaires, mais de l’autre, l’enjeu de la répartition est source de fortes crispations : « … le taux de marge des entreprises a franchi un palier à la baisse, et les gains de productivité sont au plus bas. Un rebond des gains de productivité permettant de dégager du « grain à moudre » semble hors de portée. Dès lors, toute perspective de revalorisation des salaires et des statuts d’emploi se heurte aux modalités actuelles de répartition des revenus : le poids des dividendes dans la valeur ajoutée des entreprises et celui des très hauts salaires dans la masse salariale » [2].

Pourtant, le bouclage du circuit économique [3] est plein de bon sens : il ne suffit pas d’avoir des capacités de production en place et de produire pour créer de la valeur économique, il faut vendre ce qui est fabriqué. Ainsi, l’échange d’un bien ou d’un service contre une somme de monnaie demeure l’instant où se révèle la valeur économique de la marchandise.

Au sens large, qui "consomme" dans le circuit économique ?

— Les ménages dont le revenu principal demeure le salaire même si pour les plus aisés, les revenus de la propriété et du capital ont pris une part importante depuis les années 80.
— Les entreprises lorsqu’elles achètent des biens intermédiaires et lorsqu’elles investissent.
— Les administrations et services publics pour leurs dépenses de fonctionnement et les investissements dans les infrastructures.

Nous pensons que le modèle néolibéral a, un moment, donné l’illusion que la croissance économique pouvait se passer, au moins en partie, du salaire. Certes, il fallait garder un matelas de consommation tiré par le salaire, mais d’autres ressources pouvaient s’y substituer, permettant le dynamisme économique sans dynamisme salarial.

Dans le tiré à part de notre revue Droit d’Alerte de février 2009 [4], nous montrions le décrochage depuis 1982 qu’il y avait eu dans l’Union Européenne entre la consommation en pourcentage du PIB et la part des salaires dans la valeur ajoutée, cela étant rendu possible par un recours accru au crédit à la consommation et par une dépense soutenue de la part des ménages bénéficiant de la rente (les bénéficiaires du partage de la valeur ajoutée favorable au capital). Nous avions aussi montré comment ce second moteur de la consommation était aujourd’hui grippé et en particulier le crédit du fait d’un problème généralisé de solvabilité. Le modèle néolibéral est source d’instabilités fortes et ne peut tenir dans la durée puisqu’il est basé sur une fuite en avant : la faiblesse des salaires est sensée être compensée par le recours des ménages au crédit mais qui lui-même est fortement limité en période de crise par la solvabilité des ménages basée sur le niveau même des salaires distribués ! La crise des subprimes aux États-Unis a été un cas d’école.

Nous sommes face à un problème économique de « réalisation ». De fait, sans relance concertée des salaires au niveau européen le modèle bloque. A ce moment là, ni les administrations et services publics plombés eux-mêmes par le problème de la dette publique [5], ni les entreprises constatant la croissance atone ne les poussant pas à produire et à investir, ne sont en mesure de prendre le relai des ménages pour tirer l’économie. Seul l’export peut à ce moment servir de bouée de sauvetage à certaines entreprises ou à certains pays (comme vu ci-avant avec l’Allemagne), mais à condition que le ralentissement de la consommation ne rattrape pas tout le monde. Or, selon le dernier rapport du FMI sur les perspectives mondiales, « le cycle manufacturier mondial se trouve de nouveau en phase descendante. La production industrielle a ralenti fortement dans les pays avancés, ainsi que dans les pays émergents et les pays en développement, et il en a été de même pour le commerce mondial » [6].

Michel Husson [7] montre que les origines de la crise actuelle sont à rechercher dans la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Cette baisse a touché tous les pays de l’OCDE et en particulier les pays d’Europe. Elle rattrape maintenant tout le monde, jusqu’à l’Allemagne et la Chine, les deux principaux exportateurs de la planète.

Il convient aussi de pointer un autre problème que pose la baisse des salaires dans la valeur ajoutée : la production dans les pays d’Europe est de plus en plus orientée vers les marchés solvables et lucratifs, la consommation dite "premium", celle des couches sociales les plus favorisées et donc de moins en moins vers les besoins du plus grand nombre. Le salaire est ce qui revient aux travailleurs pour reproduire la force de travail. Le salaire est le prix du travail, et non un coût. Il est un tarif, arbitraire par nature, qui est aussi l’expression monétaire de la qualification. Sa détermination est un objet de lutte et la question de ce qu’on va produire pour y répondre est aussi fondamentale. Cette question de l’orientation de l’outil de production, du « que devons nous produire ? », n’est absolument pas secondaire… et le système nous en dépossède. Cette question ne se limite pas aux biens et services de consommation à produire et intègre aussi, la santé, la protection sociale en générale financée en majeure partie par le salaire socialisé en France jusqu’à aujourd’hui.

Par exemple, la production du service « santé » dans un pays dépend pour beaucoup de la manière dont il est financé. En France, c’est principalement par le salaire. Avec cette assise socialisée, le service "santé" est produit dans une logique d’universalité d’accès aux soins et de qualité pour le plus grand nombre. Les attaques contre le salaire socialisé expliquent en grande partie la dégradation actuelle de ce service dans notre pays. Dans un pays comme les États-Unis, le financement sera beaucoup plus d’ordre privé, au travers d’assurances. Le degré de couverture d’un ménage est alors complètement lié à son niveau de revenus. Et au global, on a beaucoup plus de chance d’être bien soigné en France qu’au États-Unis. Et si la couverture est importante avec une qualité élevée, le système français est aussi plus "économique" :

la France a consacré en 2010, 11,6% de son PIB à la santé contre 17,6% pour les États-Unis d’après les données consolidées par l’OCDE.

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Le graphique ci-dessus [8], montre les différents modèles de financement des dépenses courantes de santé en 2009 dans différents pays dont la France et les États-Unis.

- 4.3. La protection sociale n’est pas le fardeau du travail

Dans un article du journal Les Echos [9], on pouvait lire la phrase suivante : « Du MEDEF à la CGT, il y a un consensus relatif sur ce constat : le financement de la sécurité sociale pèse trop exclusivement sur le travail, [nous soulignons], se félicite-t-on au sein du gouvernement ».

Voilà donc répété un discours ambiant déjà bien huilé. Une évidence aurait frappé tous les "partenaires sociaux" (du MEDEF à la CGT !) et cette prise de conscience partagée, même avec des nuances, serait des plus salutaires : si la protection sociale pèse trop exclusivement sur le dos du travail et donc des salariés, il faut alléger le fardeau.

Allons-nous faire partie, comme le pense la personne du gouvernement qui est citée dans Les Echos, des esprits enfin éveillés sur le sujet ! Incorrigiblement, non !

Il est nécessaire de revenir aux fondamentaux : Pour produire un bien ou un service qui ait une valeur économique, il faut deux choses : des ressources naturelles et du travail. Notre production est devenue si complexe, elle utilise tellement d’étapes intermédiaires avant d’arriver au produit final qu’on ne le perçoit plus. Le travail est en réalité partout. La production d’un bien résulte de la combinaison d’une quantité de travail mort, ou cristallisée dans des machines (biens d’équipement), dans des consommations intermédiaires (biens de production) et d’une quantité de travail vivant mobilisé sur un territoire, ajoutant de la valeur aux éléments durant les différentes phases de la production.

Ainsi, le bien produit en bout de chaîne a une valeur qui est directement liée à la quantité totale de travail mobilisé dans son process de production. Le travail apporte la valeur.

Si on considère un territoire donné, la France par exemple, que peut-on dire de son Produit Intérieur Brut (le fameux PIB) ?

Le PIB est la somme des valeurs ajoutées par le travail fourni par tous les travailleurs qui ont été à l’œuvre durant une année calendaire. Le PIB 2011 de la France, d’une valeur de 1.997 Milliards d’euros a été produit par les travailleurs sur le territoire français. Et plus de 90% de ces travailleurs sont des salariés.

Cependant les travailleurs salariés ne vont pas toucher en revenus (principalement donc en salaire) l’intégralité de la valeur ajoutée qu’ils ont produit. Sinon, nous n’appellerions pas le système économique actuel « capitalisme ». Ce système est basé sur la propriété privée des moyens de production et permet aux propriétaires des entreprises privées du secteur marchand d’avoir la main sur cette valeur produite. La valeur ajoutée appartient à l’entreprise, société de droit privé, elle-même propriété de ses actionnaires [10]. Il s’agit d’ailleurs d’un droit de vie ou de mort puisque les propriétaires peuvent aller jusqu’à casser l’outil de travail si c’est de leur intérêt et ce, même si ce n’est pas l’intérêt du territoire concerné : nous sommes dans la "libre entreprise" et de nombreuses entreprises sont appelés "groupes" et sont mondiales.

Ce n’est qu’ensuite, au sein des entreprises qui les emploient, que les travailleurs recevront en tant que salariés un revenu issu de la valeur produite. De ce fait, le salaire est bien un prélèvement sur la valeur ajoutée produite. Mais ce qui est vrai pour le salaire est aussi vrai pour le profit. Ce dernier revenu est lui aussi un prélèvement sur la valeur ajoutée produite.

Hâtivement, n’allons pas en déduire que salaire et profit sont de même nature. Salaire et profit sont certes des ponctions sur la valeur ajoutée. Cependant le statut des deux prélèvements est bien différent : le salaire revient à la population des travailleurs, force laborieuse à l’origine de la valeur ajoutée produite. Le profit est un revenu d’exploitation, au sens économique qui trouve son origine dans le système lui-même, et qui ne tire sa légitimité "que" du droit de propriété.

Le capital est un rapport social ne l’oublions pas ! Toute la production économique repose sur le travail. Il n’y a pas plusieurs facteurs de production. Il n’y en a qu’un seul.

A partir de là, dès qu’il s’agit de distribuer un revenu, forcément il est une ponction sur la valeur produite et donc, forcément, il résulte du travail qui a été fourni sur un territoire donné.

Revenons à notre point de départ, cette phrase citée par le journal Les Echos. On peut dire que le financement de la protection sociale pèse exclusivement sur le travail, si le verbe "pèse" devient synonyme de "provient de". La protection sociale est financée par la valeur ajoutée produite par le travail, c’est évident !

Ce qui est en cause, c’est le moyen du financement : le salaire.

Mais il serait faux aussi de dire que le financement de la sécurité sociale pèse trop exclusivement sur le salaire, revenu du travail. En effet et nous l’avons maintes fois développé [11], le financement de la protection sociale n’est pas une ponction sur le salaire mais il constitue une partie du salaire. La part indirecte du salaire socialisé. Le salaire est le salaire total dont les différents composants sont le salaire net et l’ensemble des cotisations, salariales et patronales. Alors que le système pèse exclusivement sur le travail, la cotisation sociale est pour ce dernier un moyen de résistance et d’émancipation, pas un fardeau !

Sur quoi le financement de la protection sociale pèse-t-il en réalité ? Répondre à la question, c’est en réalité montrer que le problème n’est pas celui du travail mais celui de l’autre partie : « le financement de la protection sociale pèse trop exclusivement sur le capital », aurait dû dire le membre cité du gouvernement en toute cohérence. Le salaire socialisé est une formidable solution de financement de la protection sociale qui échappe à la finance !

La dénégation du caractère salarial de la cotisation sociale se retrouve selon nous dans les propositions de sa "modulation"


Si le travailleur est convaincu que la cotisation dans son ensemble (salariale et patronale) est bien du salaire, alors il lui faut défendre le salaire total, sans distinction de la part directe et de la part indirecte. Par contre, celui qui reste convaincu que la cotisation n’a pas tout à fait le statut de salaire peut proposer d’instrumentaliser la cotisation, de l’utiliser comme une variable d’ajustement. Puisque ce n’est "pas vraiment" du salaire, alors on peut utiliser la cotisation comme un instrument de gestion sensé influencer le comportement des entreprises. Pense-ton à proposer de moduler le salaire direct ? Non, en tout cas pas "à gauche". Pourtant on le propose pour la cotisation. Et les arguments des tenants de la modulation comme quoi en modulant on favorise l’emploi, qu’ainsi le volume de cotisation récolté au final est plus important et que donc c’est bon pour le salaire, ne sont pas satisfaisants. Ce dernier présupposé est très fragile et aucun calcul économétrique ne peut le valider. Mais surtout, la proposition de modulation des cotisations sociales est selon nous un abandon à l’idéologie dominante d’un présupposé "coût du travail".

La cotisation étant du salaire et non un "prélèvement" sur le salaire, c’est autant de profit en moins au moment du partage primaire de la valeur ajoutée produite. C’est un peu comme si la protection sociale, via la cotisation, via le salaire total, limitait le débit du profit alimentant les greniers à grain du capital !

Le patronat est à l’offensive pour assurer coûte que coûte le redressement du niveau des marges des entreprises et a la cotisation sociale patronale dans le collimateur. La proposition de modulation conforte ceux qui pensent que le système actuel (assiette salariale et proportionnalité de la cotisation par rapport au salaire direct) serait désormais obsolète, dépassé, voire injuste et "pervers" en son principe originel même, car il "pénaliserait" les secteurs de main d’œuvre et inciterait les entreprises à échapper à leurs "responsabilités" [12].

V. Contre-feu, contre-pensée

Pour se représenter les enjeux au niveau nécessaire, nous vous engageons à faire l’exercice de remplacer dans les déclarations récentes d’un certain nombre de personnalités, l’expression "coût du travail" par "salaire" :

• François Chérèque : « Je le dis de façon claire : le coût du travail est aussi un facteur de perte de compétitivité. Il faut le baisser en transférant une partie des charges sur la CSG sans toucher le pouvoir d’achat » (JDD, 1er septembre 2012).

• « Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a précisé que l’allègement du coût du travail prendrait la forme d’un crédit d’impôt aux entreprises et porterait sur les salaires allant de 1 à 2,5 fois le SMIC » (Dow Jones & Company, 6 novembre 2012).

• « Nous avons été entendus, se félicite Laurence Parisot. Le gouvernement s’attaque vraiment à la question du coût du travail  » (Le Figaro Économie, 7 novembre 2012).

La compétitivité est mythifiée, si bien que le salaire doit être sacrifié sur son autel. Pourtant rien ne montre qu’en baissant le coût du travail, une économie peut devenir compétitive. Et puis, quel serait le seuil à atteindre, puisqu’il y a toujours "moins cher ailleurs" et que les autres pays cherchent aussi à baisser leurs propres "coûts" ?

Ne dit-on pas aux salariés de Dacia en Roumanie (usine de Pitesti) qu’ils sont maintenant trop chers payés à 850 € par mois par rapport aux salariés du Maroc (usine de Tanger) qui sont payés 250 € par mois [13] ?

Comme le fait remarquer Jean-Marie Harribey [14], ce qui a le plus augmenté durant ces trente dernières années, c’est le coût du capital. Pourtant, le salaire est montré du doigt et en particulier, en France, la cotisation sociale sous la dénomination idéologique de « charges ». Mais malgré les dites « charges », le coût salarial en France est du même niveau qu’en Allemagne et que dans d’autres pays d’Europe. Même là, l’argumentation ne tient pas !

Il faut donc dénoncer avec raison, la généralisation d’un concept qui tourne à l’absurde. Il en est ainsi de la compétitivité puisqu’on « transpose un raisonnement à l’échelle d’une entreprise au plan macroéconomique, ce qui n’a aucun sens, parce que la baisse du "coût salarial" signifie baisse des revenus et donc baisse de la demande de consommation et d’investissement. La baisse des coûts d’une entreprise peut améliorer sa compétitivité parce qu’elle ne handicape pas la demande globale, mais la baisse des coûts de toutes les entreprises tue l’économie globale ».

Et il est important de rajouter que la compétitivité est un « concept non coopératif : tous les pays ne peuvent avoir un commerce extérieur excédentaire, et si tous adoptent des politiques de baisse des coûts salariaux, la récession est pour tout le monde à la fois » [15].

En 2011, l’Union Européenne a été grosso modo à l’origine du quart de la richesse économique produite, distribuée et consommée sur la planète et on nous explique que le travail avant toute autre chose y coûte trop cher [16] !

Le prisme libéral du "coût salarial" s’est imposé. Comme un contre feu, il est donc urgent de fournir une contre-pensée. Le niveau du salaire, la part qu’il prend dans la répartition des revenus, l’importance de sa part socialisée, les déterminants collectifs de sa fixation ne sont-ils pas en réalité l’expression du développement ? Loin d’être archaïque comme aiment à le dire ses détracteurs, le salaire socialisé est au contraire la piste à suivre en tant que moyen de socialisation de la valeur ajoutée produite. Quel seuil de vie décente de la population des travailleurs salariés faut-il imposer ?

Or, déjà, un tiers des salariés souffre d’un déclassement salarial, c’est-à-dire entre la qualification et le salaire, en particulier les femmes [17]. Et le niveau même des salaires ne suit pas les prix [18]. Si sur le plan du pouvoir
d’achat le compte n’y est pas, il n’y est pas non plus sur le plan de la reconnaissance du travail. Cette dernière passe par la remise en avant des qualifications, pas par des salaires encore davantage au rabais !

Le salaire socialisé est bien plus un tarif imposé par les luttes qu’un prix. C’est pour cela qu’il est combattu ! Partant du principe fondamental que le travail est à l’origine de la valeur, restons fermes sur l’idée que la valorisation du travail passe par le salaire et que les règles de sa fixation doivent être les plus antilibérales possibles.

Lilian Brissaud

Droit d’Alerte n°16, lettre d’information de CIDECOS

[1Tiré de Michel Husson, Le partage de la valeur ajoutée, 2012. Site hussonet.free.fr

[2Baisse de régime – Les salaires en France depuis 60 ans, Michel Husson, Octobre 2012, à paraître dans la Revue de l’Ires.

[3Pour ceux qui voudraient se familiariser avec la notion essentielle de circuit économique nous conseillons la lecture de l’ouvrage pédagogique de Jim Stanford, Petit cours d’autodéfense en économie – abc du capitalisme, illustrations de Charb, 2011.

[4Droit d’Alerte, tiré à part février 2009, Explications et matériaux statistiques sur la crise.

[5Cf. Droit d’Alerte n°11, septembre 2010, Spécial Dette Publique et qui démonte la mécanique qui a conduit à la situation actuelle des États.

[6Études économiques et financières, distribution préliminaire, octobre 2012, Avant propos et résumé analytique des perspectives de l’économie mondiale, FMI.

[7Note hussonet n°50, 1er octobre 2012, Les salaires et la crise en Europe.

[8Tiré de L’État de la France au travail - Santé et Travail, hors-série, novembre 2011.

[9Journal Les Echos, mercredi 26 septembre 2012, « Compétitivité et croissance s’invitent dans le débat sur le financement de la protection sociale ».

[10Même si on peut en discuter les termes et la forme, le système revient bien à cela au final.

[11Cf. tous nos écrits sur le salaire socialisé.

[12Raphaël Thaller, lors d’une intervention publique en 2005. Sur la modulation des cotisations sociales voir l’article toujours d’actualité, Vive la cotisation sociale ! Faut-il moduler les cotisations sociales patronales ? La Pensée n°340, octobre/décembre 2004.

[13Sachant qu’en plus Renault sera exonéré de "charges" et d’impôt sur les sociétés pendant 5 ans au Maroc. Site du journal Sud-Ouest, article du 9 février 2012, Pour ses Dacia, Renault ouvre une usine à Tanger au Maroc.

[14Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques, Compétitivité = travailleurs piégés, http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2012/11/06/competitivite-travailleurs-pieges/

[15Harribey même source.

[16Pourtant les salariés ne roulent pas sur l’or ! En 2010, le salaire mensuel brut moyen était de 2.748 € pour un temps plein. Mais pour les salariés employés, il n’était que de 1.975 € et de 2.070 € pour les ouvriers ! Dans des conditions de temps plein, la moitié des salariés touche un salaire mensuel net inférieur à 1.675 € (1.527 € pour les femmes). Sans parler des précaires et des temps partiels. Source INSEE Première, n°1403, juin 2012.

[17Intervention de Nasser Mansouri-Guilani, IHS CGT, 4 octobre 2012, « Le salaire, c’est quoi au juste ? ».

[18Cf. le dossier L’indice INSEE, un indice pour les riches, La Voix des industries chimiques, n°498, octobre 2012, FNIC CGT. Sur les salaires, se référer à la page web du site de l’INSEE, Salaires et revenus d’activités.

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