Analyses et propositions suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale

, par  Franck Marsal , popularité : 1%

Analyses..

1. La décision de Macron ne vient pas par hasard, elle n’est certainement pas un ’coup de tête’.
On peut imaginer des stratégies cachées, mais l’hypothèse la plus simple et la plus logique est que Macron est allé au bout de sa politique. Il a mené la politique du capital en bon soldat : suppression de l’ISF, réforme des retraites, loi immigration, engagement la France dans la guerre de l’OTAN contre la Russie et protection de l’allié Israël dans le massacre en Palestine. Il poursuit - pendant la dissolution - la réforme de l’assurance-chômage. Mais il y a usé sa majorité et s’y est usé jusqu’au bout. Il ne dispose plus des moyens nécessaires (majorité, soutien de l’opinion, cohérence politique) pour porter plus loin les intérêts du capital et doit passer la main.

2. Le capitalisme occidental dominant entre inéluctablement dans une période de profonde crise et peut-être de guerre globale.
L’organisation globale du monde, mise en place par les USA après 1945 et renforcée après la dissolution de l’URSS en 1991 est aujourd’hui menacée. La suprématie industrielle, économique, monétaire et militaire des USA, qui leur ont permis de dominer le monde sans partage depuis 30 ans est contestée. Les BRICS préparent le lancement d’une nouvelle monnaie. La Chine domine la plupart des secteurs de l’industrie mondiale et va bientôt rattraper les USA dans le dernier grand domaine qu’ils maîtrisent : les micro-processeurs avancés. La Russie tient tête à l’OTAN depuis 2 ans en Ukraine. Elle a résisté aux sanctions et développé son industrie militaire à une hauteur que l’OTAN tout entier peine à compenser. Elle a évincé les pieds nickelés de l’ex-empire français d’Afrique de l’Ouest. Et le capitalisme dominant n’est pas menacé que par l’extérieur. En son sein, la crise est aussi plus profonde que jamais. Conformément aux analyses de Marx, la rentabilité intrinsèque du capital est en baisse régulière. La productivité stagne. Depuis plusieurs décennies, et cela s’est aggravé après la crise financière de 2008, il est chaque année davantage nécessaire de faire appel à l’intervention de l’état pour subventionner directement ou indirectement le secteur privé (en réduisant les salaires, les cotisations, les droits des travailleurs, en laissant faire l’évasion fiscale...). Mais cette politique-là ne suffit même plus et l’industrie de pays entiers, dont la France, est aujourd’hui sans perspective claire. Cette crise économique provoque crises sociales et politiques, qui touchent jusqu’au cœur du système impérialiste, aux USA, l’amenant à accroitre sans cesse la pression sur ses satellites.

3. Or, l’impérialisme US est le parapluie politique et militaire sous lequel les classes capitalistes de nombreux pays se sont frileusement abritées

L’impérialisme US est le parapluie politique et militaire sous lequel les classes capitalistes de nombreux pays se sont frileusement abritées depuis de nombreuses décennies, quitte à y abandonner toute souveraineté nationale, pour se protéger de la montée des revendications des travailleurs. C’est la puissance économique, diplomatique et si nécessaire militaire des USA qui intervient (ouvertement ou discrètement...) chaque fois que les intérêts de la classe capitaliste sont menacés. Les USA ont établi un système impérialiste globalisé qui encadre les lois et le pouvoir politique de la plupart des pays et fournit des conditions harmonisées toujours plus favorables pour les investissements des multinationales. Le projet politique auquel nous faisons face en France (et ailleurs), c’est donc de maintenir coûte que coûte et aussi longtemps que possible le pouvoir de ces oligarchies capitalistes et ce cadre général harmonisé. Cela passe par le maintien du leadership mondial par Washington et cela signifie aujourd’hui la guerre impérialiste généralisée, à la fois pour maintenir la mainmise sur les ressources stratégiques et les débouchés, mais aussi pour rétablir les profits par le développement de l’industrie de guerre. Cette guerre s’opère déjà sur deux fronts :
- 1) face à la Russie en Ukraine, front sur lequel l’intervention de l’OTAN est de plus en plus explicite : l’OTAN est le principal fournisseur d’armes de l’Ukraine, son principal financeur, il fournit également le renseignement militaire, les images satellites, les cibles, l’expertise technique. Il vient d’autoriser l’emploi de ses armes pour frapper le sol russe et l’envoi officiel de troupes au sol ;
- 2) face à l’Iran et ses alliés en Asie occidentale (Palestine, Liban, Yemen), ce sont les USA qui sont également pourvoyeurs d’armes, financeurs et, avec les grands pays de l’OTAN qui ont assuré la défense d’Israël durant l’attaque de missile israélienne.
- Le 3ème front - encore non ouvert - c’est face à la Chine, soit autour de l’Île de Taïwan, soit en mer de Chine peut-être.

4. Cette crise profonde du capitalisme et de l’impérialisme et la montée vers la guerre nécessitent des moyens colossaux et des attaques croissantes contre les droits des classes travailleuses.
C’est le sens de la politique violente de Macron depuis le début de son premier mandat et c’est aussi le sens de la convocation de nouvelles élections. Usé, le pouvoir macroniste ne peut plus jouer son rôle. Il a engagé un blitzkrieg, visant à donner, dans un délai extrêmement court, le pouvoir au RN et à ses alliés. On peut faire le parallèle avec l’Italie, dans lequel le gouvernement dit ’technique’ de Romano Prodi a passé un maximum de réformes, avant l’arrivée aux affaires de Georgia Meloni, passé une courte période d’instabilité.

5.Quelles sont les issues possibles de cette crise profonde ?
A l’échéance d’une ou deux décennies, il n’y en a que deux : soit un nouvel ordre mondial basé sur la coopération entre les peuples et favorisant la transition progressive vers des sociétés socialistes ; soit la barbarie, la guerre et le fascisme pour maintenir l’actuel ordre du monde et bloquer le développement. Cependant, le décalage est profond entre la réalité de cette alternative fermée et la conscience des classes populaires aujourd’hui. Les classes possédantes et dirigeantes sont parfaitement conscientes aujourd’hui de ces enjeux et sont prêtes, elles, à agir par tous les moyens nécessaires pour parvenir à leurs fins, y compris faire venir l’extrême-droite au pouvoir dans de nombreux pays et pour de longues années. Mais les classes populaires sont encore dominées par la croyance en l’éternité du capitalisme et le repli sur le quotidien.

6. Le Rassemblement National, gagnant les élections avec ses alliés et formant un nouveau gouvernement pourrait rapidement prendre des mesures impopulaires sur lesquels d’autres forces politiques seraient en difficultés : liquidation de la sécurité sociale, augmentation du temps de travail, réarmement massif, reprise en main des médias, de l’enseignement et de la culture, attaques contre les syndicats et le droit de grève, privatisations massives (SNCF, EdF, Education, Universités...). C’est pourquoi il constitue aujourd’hui vraisemblablement le meilleur outil politique au service de la grande bourgeoisie (qui en garde néanmoins d’autres en réserve, comme toujours : Macron reste président avec tous les pouvoirs exorbitants de la 5ème République, dont l’article 16. Se rassembler contre le FN / RN est quelque chose que nous avons su faire à plusieurs reprises. Il est encore temps de le faire, même si les chances de réussir cette fois sont - soyons lucides - très faibles. Mais deux choses sont claires : d’abord, si nous avons su nous rassembler contre le FN, nous n’avons jamais réussi à trouver le moyen de l’empêcher de progresser sur le moyen terme, pas plus que nous avons su établir un pouvoir capable d’obtenir et de conserver un large et solide assentiment populaire. La gauche a pourtant été au pouvoir 20 ans depuis 1981, donc 20 ans en 43 ans. Elle a chaque fois été rapidement impopulaire, pour perdre le pouvoir au bout de 5 ans, avec un FN / RN toujours plus haut. Chaque échec rend la situation nouvelle plus difficile. Nous ne pouvons plus aujourd’hui, avec une extrême-droite à près de 40 %, en train de s’élargir à droite, rééditer ce genre d’échec.

7. De ce point de vue, force est de constater que nous n’avons pas correctement tiré le bilan de la NUPES, puisque, 3 ans plus tard et après avoir longuement expliqué que la NUPES était morte, nous revoilà placés exactement dans les mêmes conditions, avec la même (voire pire) pression de l’urgence, en train de recréer une alliance similaire. La succession des étiquettes (« Jours Heureux », puis « NUPES », puis « la NUPES est morte », puis « Gauche Unie pour le Monde du Travail » et aujourd’hui « Front populaire » dénote une inconstance qui ne peut susciter ni confiance ni engagement. Le fait d’invoquer aujourd’hui le ’Front Populaire’ n’améliore rien. Cela ajoute à la confusion et place la barre encore plus haut (en tous cas dans l’opinion publique ; en réalité, faut-il le rappeler, si le Front Populaire avait bien commencé avec des conquêtes sociales sous la pression de la grève générale, il s’est très très mal terminé, puisque c’est la même chambre de 1936 qui a voté d’abord l’exclusion des députés communistes puis les pleins pouvoirs à Pétain). J’insiste : nous ne pouvons pas nous permettre aujourd’hui de rééditer ce genre d’expérience de court terme, de calculs tactiques prétendument ’imposés’, ces ’on n’a pas d’autre choix’. Nous devons ’réussir’, mais réussir, ça commence par être clairvoyant et sincère sur ce qu’on est réellement capable de faire et de cesser de se payer de mots et de phrases faciles. Oui, nous allons devoir combattre le fascisme et la guerre. Nous pourrons certainement vaincre comme la génération des années 30 et 40 l’a fait. Mais nous n’avons plus guère de chances d’éviter ce combat.

8.Dans la crise globale qui vient, le Parti Communiste Français, s’il veut être à la hauteur de son histoire, a un rôle crucial et indispensable à jouer.
Marx a expliqué dans le Manifeste du Parti Communiste, ce que doit être la place des communistes par rapport aux autres forces politiques : « Ils combattent pour les intérêts et les buts immédiats de la classe ouvrière ; mais dans le mouvement présent, ils défendent et représentent en même temps l’avenir du mouvement ». Lutter pour le rassemblement face à l’extrême-droite et permettre à la ’gauche’ d’obtenir un maximum de députés, c’est combattre pour les intérêts et les buts très immédiats. Mais nous devons en même temps penser, défendre et représenter l’avenir. Nous devons rassembler les classes travailleuses sur la durée et accompagner les prises de consciences de sorte d’accumuler toujours plus de forces, de confiance réciproque et de conscience politique et sociale, jusqu’à parvenir à constituer un bloc de classes capable de prendre (réellement) le pouvoir aux oligarchies capitalistes, rétablir la souveraineté et engager la transition vers une société socialiste. Cela suppose un discours clair et cohérent dans le temps, rendu concret par une pratique collective quotidienne et une expérience de lutte partagée. La cohérence est la base de la confiance.

9. La gauche française actuelle reste largement dominée par le réformisme, par l’idée que ’l’état’ (supposé ’neutre’) doit réguler le capitalisme par des ’lois’ pour améliorer le sort des classes travailleuses.

Les écologistes, comme les insoumis, véhiculent beaucoup d’illusions sur la possibilité d’un capitalisme démocratique et social, démocratie participative pour les uns, révolution citoyenne et 6ème république pour les autres. Les deux sont plus ’à gauche’ que le néo-libéralisme social de Hollande, mais rien de tout cela ne permet sérieusement de dépasser l’échec qu’à connu la gauche en 1981 - 1983 et d’affronter la crise et la guerre qui montent. La gauche dans son état actuel n’est pas capable de former un gouvernement suffisamment solide et déterminé pour affronter le capital financier et l’impérialisme. Les principaux combats seront encore à mener après les élections et il faudra construire et encore construire les mobilisations. Cela, nous devons le dire modestement (sans être ’donneur de leçon’) mais honnêtement et clairement aux travailleurs et aux ’gens de gauche’. Sur les questions internationales, les positions sont des plus confuses. Une partie de la gauche française (PS et écolos) est pour l’OTAN et ’va-t-en-guerre’. Il est très peu probable de voir un éventuel gouvernement de ’gauche’ adopter des positions réellement pacifistes et internationalistes.

Propositions :

10. Il est donc primordial que, tout en soutenant les intérêts immédiats, le rassemblement et le fait de battre le RN, le Parti Communiste Français garde son entière liberté d’action, qu’il ne s’engage ni à participer ni à soutenir sans critique un futur gouvernement ’de gauche’, qu’il se garde toujours du côté des travailleurs, des luttes sociales et populaires, de la solidarité internationale, du côté de l’avenir du mouvement. D’ailleurs, en 1936, les communistes ont soutenu le Front populaire, sans participer au gouvernement.

11. Cette liberté d’action doit se manifester dès la campagne électorale. Nous devons pouvoir appeler à voter pour la candidature unique de la gauche en toute liberté de parole, avec notre propre matériel (tracts et affiches), sur nos propres bases et sur notre propre programme, avec nos propres explications sur la situation (notamment pour expliquer la crise du capitalisme et de l’impérialisme, développer l’enjeu de la paix), porter notre programme (notamment pour les questions sociales, le développement industriel...) et la nécessité urgente de construire un parti communiste fort. C’est toujours plus efficace de convaincre nos sympathisants (et c’est la même chose pour les autres partis) avec notre matériel.

12. Enfin, nous devons mettre prioritairement à l’ordre du jour le renforcement quantitatif et qualitatif de notre parti. Cela passe par plusieurs choses importantes : Il faut (enfin) ouvrir grand le débat sur le socialisme (qui a été décidé au dernier congrès) pour armer le parti face aux évolutions du monde et élaborer des solutions plus globales à la crise de l’impérialisme et du capitalisme. Il faut accélérer le travail de création des cellules et en particulier des cellules d’entreprises. Il faut tirer un bilan des choix et actions que nous avons mené collectivement depuis le début du quinquennat avec le recul de ces derniers événements afin d’en tirer, maintenant que nous savons, les meilleurs enseignements pour la suite. Notre lucidité doit être totale et opérer en toute camaraderie. Nous avons fait ces choix collectivement, il nous appartient collectivement d’en tirer les bons enseignements, sans faux semblants.

Franck Marsal

Brèves Toutes les brèves

Navigation

Annonces

  • (2002) Lenin (requiem), texte de B. Brecht, musique de H. Eisler

    Un film
    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

  • (2009) Déclaration de Malakoff

    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
    ... lire la suite

  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).