« La bête à deux dos » et « l’internationalisme aujourd’hui », analyse d’un débat

, par  Jean-Claude Delaunay

Le 11 février 2022 à 05:11, par Jean-Claude Delaunay En réponse à : « La bête à deux dos » et « l’internationalisme aujourd’hui », analyse d’un débat

Il faut lire le texte que Danielle Bleitrach nous a soumis car il vise à situer l’élection en cours dans la durée. On peut le présenter à l’aide de 3 dimensions. 1) la dimension du « temps-long », de l’Histoire, indiquant que le Capital industriel a connu 3 stades depuis son commencement : a) capitalisme de libre concurrence (19e), b) capitalisme monopoliste d’Etat (les 3 premiers quarts de 20e), c) capitalisme financier mondialisé. 2) la dimension de « l’espace-grand », indiquant qu’à chacun de ces stades a correspondu un périmètre donné du capital. a) national avec croissance du commerce international, b) international. La nation demeure centrale mais elle exporte des capitaux et des marchandises, c) mondial. Le capital productif sort des nations, niées et détruites en partie. 3) la dimension de la politique, qui est le mode de coordination du temps et de l’espace ainsi que de réponse à la lutte des classes qui leur correspond. Comment situer la présente élection présidentielle dans ce shéma ?

Le sujet de notre histoire depuis 3 siècles est le Capital, et son complément, le prolétariat. Les capitalistes ont pour préoccupation constante d’exploiter ce dernier, de le contrôler, de le mâter. Au 19e, Louis-Philippe, le roi bourgeois, a développé le capitalisme mais sa monarchie n’a pas tenu le coup. C’est avec la dictature du Président LN Bonaparte que le capitalisme industriel prend vraiment consistance. Le premier recensement industriel a lieu en 1852. Vient ensuite la Commune, férocement réprimée. Au 20e siècle, le Capital monopoliste prend le pouvoir. La Guerre devient le moyen régulier des rapports internationaux. Le nationalisme est l’idéologie dominante destinée à des populations devant non seulement produire de la plus-value mais être les soldats de « leurs capitalistes ». Cette époque n’est plus celle des Présidents et des Empereurs, c’est celle des Chefs et des Guides. Nous sommes entrés dans une nouvelle époque. La nation est détruite et le nationalisme n’a plus cours comme idéologie du grand capital. L’objectif qu’il poursuit est désormais de transcender la Nation et de prendre de la distance avec ses éventuels combats déocratiques, en construisant, à partir de la France, une Présidence européenne. Ce n’est pas simple pour le grand capital de ce pays, même si c’est un objectif raisonnable pour les membres les plus Saint-Simoniens de la grande bourgeoisie française.

Cela étant dit, le paradoxe du monde moderne est que les sociétés, capitalistes ou socialistes, sont dirigées par des Présidents. Dans cette phase de transition qu’est le monde contemporain, que ce soit « la transition capitaliste » ou la « transition socialiste », tout se passe comme si les sociétés, et donc les peuples, avaient besoin de guides présidentiels ou leur étaient soumis. Pour les grandes bourgeoisies, les Présidents sont « des formes détournées » de la démocratie. Il s’agit de mettre des murs infranchissables entre le peuple politique et le grand capital. Le parti du Président est alors un parti de fantoches et de godillots corrompus. Mais dans un pays socialiste comme la Chine, la Présidence n’est « qu’une forme incomplète » de la démocratie. Certes, le Président n’est que le Secrétaire d’un Parti, le Parti communiste, qui, bien que n’étant pas composé de membres élus, n’est pas un parti de godillots. Il fonctionne à la fois comme guide et protecteur de la population et comme étape de transition vers l’extension du pouvoir politique à tous ses membres. Bien que le Parti communiste me semble être la médiation nécessaire vers une démocratie complète, d’autres diront : « Tu rigoles ou quoi ? ». Et puis cette médiation n’est pas parfaite. L’idéologie dominante va donc chercher à confondre ces deux formes. C’est ce qui se passe aujourd’hui avec la Chine.

Roussel prend place dans cet élan particulier que porte en lui l’élection présidentielle à notre époque. Il est chargé de défendre non seulement les intérêts du peuple mais aussi ceux de la nation contre un candidat dont ses mandataires souhaiteraient qu’il sortit du guêpier français. Le degré de la performance de Fabien Roussel, qu’il faut donc la plus élevée possible, montrera à la bourgeoisie monopoliste ce que la résistance populaire est en mesure d’opposer à ses funestes desseins.

Simultanément, cette élection dote ses acteurs d’un important degré de liberté, dont il peut résulter le meilleur et le pire, et notamment des illusions. Le degré de la performance ne sera pas, à mon avis, un indice suffisant de mesure du résultat réel obtenu par Fabien Roussel. Il faudra en mesurer la qualité. Comment le PCF, qui en sera, quoiqu’on pense des qualités de Roussel, le véritable artisan, peut-il dès à présent en minimiser le pire et en maximiser le meilleur ?

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