A ceux qui pensent que Emmanuel Dang Trang exagère, il faut montrer à quel point la direction nationale est engagée dans cette démarche. On retrouve clairement la décision de s’abonner à ce service dans la presse spécialisée "Le PCF adopte NationBuilder, le logiciel de Mélenchon et Fillon"... On découvre d’ailleurs que le site http://2017.pcf.fr/ a été réalisé avec Nationbuilder, comme le montre la page pour la collecte https://pcf2017-pcf.nationbuilder.com/je_donne ...
Alors, faut-il s’inquiéter d’un simple outil ? Ce n’est bien sûr pas l’outil qui est le problème. Le site internet du PCF est passé d’outil dénommé SPIP à un dénommé Drupal, cela n’a rien changé pour ses lecteurs... Mais il ne s’agit pas de changer d’outil de gestion de site, comme on passerait d’une imprimerie à une autre pour faire le même journal. Il s’agit de passer d’une imprimerie à une agence de communication, ce n’est plus du tout le même objectif. Et il faut écouter une experte qui explique le fonds de l’affaire, Eve Zuckerman, la botte secrète d’Alain Juppé dans sa campagne numérique...
« Dans tous les partis politiques, il y a une culture de la donnée qui existe depuis bien avant la révolution numérique. Pendant 40 ans, Charles Pasqua tenait des petites fiches et ces dernières valaient de l’or. Et elles valent de l’or, car toutes ces données, les politiques peuvent les convertir en voix. »
Voila le fonds de l’affaire, au cœur de la conception capitaliste de la vie politique, une politique qui se résume à la fabrication de leaders et de leur foule de supporters pour gagner les élections.
Les outils comme NationBuilder servent à gérer les fichiers d’adhérents, de contacts, mais aussi leurs interactions, les campagnes de signatures, de collecte, et de centraliser toutes ces informations pour en construire des campagnes de communication le mieux ciblée possible. Ils permettent de collecter sans le dire toutes les données des réseaux sociaux pour enrichir la base de contacts et améliorer le ciblage, fonction interdite par la CNIL en France...
A noter qu’il existe un concurrent Français, Digitalbox, dont le fondateur expliquer très clairement cette nouvelle « technologie politique » et qui justifie le besoin d’une solution Française pour des raisons culturelles et juridiques qui ont échappé à la direction du PCF... https://youtu.be/YIZVKG-763s
Il est utile de faire connaitre cet état d’esprit en entrant dans les coulisses de NatioNBuilder.
C’est une entreprise de Los Angeles, avec des bureaux à Londres, New-York, Sydney, Vancouver, Whashington, [1]. On dit parfois que c’est grâce à ce logiciel que Donald Trump a gagné les présidentielles, mais sur le site, on apprend que 7 candidats aux présidentielles 2017 en France étaient clients de NationBuilder... On ne les connait pas tous, mais il y a au moins Mélenchon, Macron, Fillon, et Juppé pour la primaire... ce serait amusant d’avoir les autres, mais ce qui est sûr, c’est que le logiciel ne suffit pas pour gagner... Ce logiciel est choisi par 9000 clients dans 11 pays dont, les républicains en France, le Labour en Angleterre, et... 3000 candidats aux élections des USA.
A noter que le site Nationbuilder n’existe qu’en anglais, si les clients sont mondiaux, la langue est unique... [2] Ce n’est pas un logiciel que chaque client installe, mais un logiciel « comme un service » disent les informaticiens, c’est à dire un service hébergé qu’on paie comme un abonnement à une télévision. Cela veut dire que tout ce qu’on écrit dans « Nationbuilder » est stocké... aux USA, et dépend donc de la loi US... Si l’entreprise affirme sur son site « We do not share customer data with anyone » (« nous ne partageons les données de nos clients avec personne »), comment la croire quand tout le monde internet nous explique que toute la valeur et donc les profits sont dans la « big data », c’est à dire cette masse de donnée que peuvent acquérir tout ces services en ligne. Et si NationBuilder ne donne évidemment pas de données d’un candidat à son concurrent, elle peut produire des analyses sur la masse de données récupérées, contacts, évènements, signatures, et chercher à en marchandiser les résultats [3], voire à s’en servir pour ce que les anglais appellent de « l’intelligence », et qu’en Français, on appelle de l’espionnage. De plus, elle doit appliquer la loi US qui l’oblige à fournir les données de ces clients sur demande aux services de renseignements US... loi beaucoup moins protectrice des données personnelles que la loi Française.
C’est pourquoi la CNIL en France a contraint l’entreprise à désactiver la fonction « Match » permettant d’automatiser la collecte de données personnelles issues de réseaux sociaux dont Facebook, LinkedIn et Twitter, via une simple adresse e-mail... Reste que la direction du PCF a décidé de donner les fichiers du PCF à une entreprise US !
Son fondateur Jim Gilliam est connu pour un discours célèbre au forum « Personnal Democraty » sponsorisé par Microsoft entre autres, discours dont le message principal était « Internet est ma religion », dont il a fait un livre et un site,et qui commençait par ces mots « Il y a trois choses importantes pour construire un mouvement, des histoires, des outils et la foi ». On ne saurait mieux dire à quel point ce gourou typique des USA, en jean et tee-shirt décoré d’une photo de Abraham Lincoln, est à mille lieux d’un engagement militant, à fortiori d’un engagement communiste. Pour un communiste, il y a trois choses importantes, à l’opposé de ce Jim Gilliam...
– la vérité et non pas ces histoires que les dirigeants inventent pour mobiliser, la vérité qui n’est pas une histoire pour faire rêver ni une croyance, mais le résultat sans cesse retravaillé d’un effort de connaissance, et donc d’une théorie...
– un parti, c’est à dire une organisation, dont les outils ne sont justement que... des outils, au service de ceux qui font une organisation, des militants
– et l’engagement, le courage, la détermination qui certes ont besoin d’utopies, que certains assimileront à une foi, mais ne reposent solidement que sur le lien permanent entre théorie et pratique, bref, sur l’expérience et sa critique.
Ce discours était prononcé à Manhattan au forum annuel créé par « Civic Hall », un lieu qui veut rassembler tout ceux qui comptent, car ensemble, - technologues, représentants du gouvernement, organisateurs de communautés, chercheurs, décideurs, entrepreneurs sociaux, acteurs de changement, pirates, universitaires, journalistes, artistes- nous pouvons nous organiser pour résoudre les problèmes civiques à grande échelle. [4]
Bien entendu, les ouvriers, techniciens, paysans, enseignants, infirmières sont en dehors du monde de ces gourous d’internet qui vivent dans leur monde 2.0...
L’entreprise NationBuilder a une mission... « We build the infrastructure for a world of creators by helping leaders develop and organize thriving communities. » Traduction... Nous construisons l’infrastructure pour un monde de créateurs en aidant les dirigeants à développer et à organiser des communautés prospères« . Est-ce l’argument qui a convaincu le »leader" Pierre Laurent, l’aider à développer un parti prospère ?! En tout cas, il faut noter que l’outil est fait pour les leaders, pas pour les militants. De fait, ils ne sont pas les acteurs, mais les les cibles des actions marketings de leur dirigeants... conception bien américaine de la vie politique !
Il est aussi intéressant de présenter les valeurs de cette entreprise, ces « croyances »(beliefs...) décrites sur son site.
– People connected create everything great in the world (Les gens connectés créent tout ce qui est génial dans le monde). Et l’artiste devant sa toile dans son atelier, s’il n’est pas sur les réseaux sociaux, il ne crée rien ?
– The internet makes it possible for everyone to be a leader (Internet permet à tout le monde d’être un leader). Mais si tout le monde est un leader, qui sont les suiveurs ? Ce mythe du héros typique de la culture américaine, et que les films répandent sur tout la planète est profondément opposée à l’engagement militant, qui ne cherche de « pouvoirs » que dans l’action collective !
– Service is sacred (Le service est sacré). Quand un entrepreneur vous parle de service, il veut dire service au client, car il ne conçoit de relations humaines que commerciales... L’action militante comme un service ?
– Creators must become leaders (Les créateurs doivent devenir des leaders). Macron aurait dit, il y a ceux qui créent et ceux qui ne sont rien, on ne peut pas mieux dire à quel point cette entreprise porte une culture réactionnaire !
Pour sourire un peu après ce grand coup de colère, je vous conseille la découverte des publicités des principaux clients de NationBuilder sur son site..
Run your political party « How La République En Marche reached a parliamentary majority »
In a single month, President Emmanuel Macron empowered hundreds of candidates to build a party from the ground up, win 350 seats in Parliament, and shift the dynamics of French politics.
Posted on October 03, 2017
How Rob Portman built broad support for his Senate win
In an intensely competitive US Senate race, Rob Portman’s campaign stood on its own strength and united Ohio voters across party lines—leading to an impressive 21-point victory.
By Jane St. John
Alors, on imagine Pierre Laurent rêver devant ces publicités... et s’il pouvait voir un jour son nom sur la liste !!