Pierre Laurent : "monsieur le président, il n’existe pas d’autre capitalisme !" La lettre que Pierre Laurent aurait pu écrire à François Hollande

, par  pam , popularité : 2%

Pierre Laurent a pris l’initiative d’une lettre à François Hollande a propos de Florange publiée le 19 Novembre dans l’Humanité. Elle a déjà été commentée sur ce site comme une lettre d’accompagnement du capitalisme.

Quelques jours plus tard, c’est le ministre Montebourg qui lâche le gros mot "nationalisation"... Un mot que Pierre Laurent n’avait pas utilisé, enfermé dans ce "nouveau communisme" qui a tellement peur de l’ancien, qu’il en supprime toute trace dans son vocabulaire, sa pensée, et au fonds, dans son engagement politique... La fracture entre ce "nouveau communisme" et le monde du travail est de plus en plus béante. A Florange, même le délégué CFDT parle de nationalisation...

Alors, pour ne pas en rester à la critique, voilà ce qu’un secrétaire national du parti communiste aurait pu écrire....

Monsieur le président,

Florange, PSA Aulnay, Petroplus, Fralib, Arkema, Sanofi, Veninov, Bosch… la liste n’en finit pas des annonces de fermetures, restructurations, licenciements, réductions de salaires, plan de compétitivité… Les situations et les histoires économiques et sociales sont diverses, les formules utilisées par le patronat, les formes de luttes des travailleurs, les annonces et les mesures du gouvernement aussi. Mais partout, c’est l’emploi qui est en jeu, c’est-à-dire le salaire des travailleurs, et c’est toujours le même discours qui nous dit que « c’est la crise », « la concurrence des salaires d’ailleurs », et que « c’est le marché qui décide ». Mais qui est ce « marché », cette main invisible qui régulerait l’économie ? Nous ne croyons pas à ces balivernes destinées à faire peur, nous savons que les marchés ont des noms, des noms de grandes familles qui vivent dans l’opulence, qui forment une véritable oligarchie de France et d’ailleurs prélevant toujours plus de richesses sur le travail pour s’assurer le train de vie des rois du rail et de l’acier, de la pharmacie et de la distribution, de l’énergie et de l’environnement : Mittal, Peugeot, Arnaud, Bettencourt, Mulliez, Dassault, Desmarais… Ils ne sont pas si nombreux à faire les décisions économiques, ceux dont vous ne parlez jamais !

Face au MEDEF revendiquant la remise en cause de ce qui reste de la protection des travailleurs, de leurs conditions de travail et de leur salaire, vous vous prononcez pour un « pacte de compétitivité ». Vous partagez ainsi le diagnostic patronal sur le coût du travail trop élevé, la nécessité de « faire des efforts » pour relever le défi de la concurrence, nous proposant un mode en « douceur », négocié dans la durée…

Nous avons une longue expérience des « négociations » avec le patronat, de son « toujours plus », toujours plus de profit, de productivité, d’efforts et de restructurations. Il ne connaît d’autre limite que ce que le rapport des forces social lui impose. S’il peut faire travailler des vieux, des enfants, des prisonniers, des malades, des sans-papiers, il accourt ! Depuis 30 ans que la gauche nous conseille le « dialogue social », l’essentiel de nos protections ont été défaites, la part des salaires dans le PIB a été fortement réduite, la précarité et la pauvreté ont explosé, le rapport de forces dans l’entreprise s’est dégradé contre l’intérêt général, laissant se développer les patrons voyous, les affairistes, les spéculateurs et mercenaires de l’économie qui font le siège du pouvoir pour obtenir marchés, avantages, subventions et mesures fiscales.

Dans ce contexte, votre discours est celui de la défaite, du renoncement à la résistance, aux conquêtes sociales, de la soumission aux plus puissants, en France comme dans le monde. Nous voulons au contraire ouvrir en grand le débat pour une autre politique économique, un autre rapport entre le gouvernement et le monde du travail, un autre projet de société, en rupture avec les politiques menées depuis 30 ans.

La France peut choisir la coopération contre la concurrence.

La concurrence, qui se présente toujours comme devant être libre et non faussée, n’a rien à voir avec une forme d’émulation faisant progresser le plus grand nombre. Elle est la guerre de tous contre tous qui caractérise le capitalisme, avec ses perdants et ses gagnants. Le vocabulaire de l’excellence dit parfaitement ce petit nombre qui sort de l’ordinaire, loin de la majorité des autres, qui seraient donc bons, médiocres ou mauvais. Nous refusons cette société faite pour une minorité gagnante imposant son intérêt privé contre toute règle, contre l’intérêt général. La concurrence, toujours non libre et faussée, n’est que la guerre économique où tous les coups sont permis. Comme dans toute guerre, le peuple tout entier est perdant.

Au contraire, nous sommes convaincus que la coopération, qui ne peut exister que choisie et négociée, est la solution moderne à la production de valeurs utiles à la société, dans des conditions sociales et environnementales durables, fondée sur la valorisation des compétences des travailleurs, leur formation, leur qualification, leur appropriation de la production, de sa finalité en termes de bons usages dans la société. La coopération locale, nationale et internationale est possible. Ce doit être un choix structurant de société, contre toutes les formes de prédation et de rente que favorise la concurrence.

La France peut décider de nationalisations contre l’oligarchie capitaliste

Les principaux leviers de décision économique sont dans les mains de ces oligarchies transnationales qui se retrouvent au club Bilderberg, à la commission trilatérale, dans les conseils d’administration du CAC 40, et au cœur du MEDEF. Ils étaient présents dans votre conseil de campagne pour les présidentielles. Leurs porte-paroles sont omniprésents dans les médias. Si le budget de la nation reste un outil important, l’état ne peut agir contre elles sans utiliser ce qui fonde son pouvoir, l’intérêt général, qui autorise à réquisitionner les ressources nécessaires à la réalisation d’une politique favorable au plus grand nombre.

Pour le numérique, le transport ou l’énergie, nous pouvons faire le bilan des privatisations. Les collectivités locales doivent assurer l’accès pour tous au très haut débit dans de grandes agglomérations, alors que le service public avait organisé un des meilleurs réseaux de téléphonie numérique du monde. Les consommateurs paient dans leur facture EDF le surcoût du marché déréglementé des entreprises, tout comme le surcoût des profiteurs du capitalisme vert, alors que le service public avait doté la France de l’électricité la plus sûre, la plus propre et la moins chère du monde. La qualité du service public se dégrade avec un temps moyen de coupure EDF en hausse continue depuis 10 ans, un service postal incapable de livrer à H+24 qui était l’objectif global des années 80. La péréquation tarifaire explose avec les tarifs SNCF à la tête du client, ou dépendant des moyens de la région…

Il existe des entrepreneurs, des ingénieurs, des créateurs dont l’initiative privée est utile et doit être reconnue, mais leur propre développement est conditionné par le développement général, la hausse globale des salaires permettant de développer leurs marchés. Une politique de reconstruction industrielle forte, de relance des infrastructures énergétiques, de transport, de logement, des services publics par le gouvernement permettrait une large alliance du monde du travail et des créateurs, de tous ceux qui prennent le parti du travail et de la création contre la rente et le capitalisme du désir.

Il faut pour cela libérer les énergies humaines de la domination de ces oligarchies qui possèdent les grandes entreprises et les banques. Il faut nationaliser la plupart des entreprises du CAC 40, la totalité du système bancaire et financier, et développer toutes les formes de propriété sociale des moyens de production.

La France peut choisir l’investissement public contre les marchés financiers

Certains vous diront qu’il est impossible de nationaliser car nous n’aurions alors plus accès aux marchés, notamment financier, qui sont indispensables pour financer l’état, la protection sociale, les investissements. Mais ce que la finance donne d’une main en prêtant, elle le récupère plusieurs fois, avec les intérêts qui constituent déjà le premier poste de dépense de l’état, en orientant les décisions d’investissement pour en être bénéficiaire, en manipulant les monnaies, en organisant les crises qui justifient que l’état vienne au secours des banques. Dans tous les cas, les oligarchies ne poursuivent qu’un seul objectif, maximiser le prélèvement qu’elles opèrent sur toute activité pour se gaver de revenus toujours plus élevés.

Nous proposons une approche radicalement différente qui étend le principe de la Sécurité sociale aux investissements. Plutôt que de permettre à des banques privées de prélever la plus grande part des richesses produites pour apparaître ensuite indispensables à l’économie, il faut au contraire débrancher l’économie réelle des circuits financiers en mutualisant les profits générés dans les grandes entreprises pour un fonds d’investissement public chargé de financer le développement, des infrastructures publiques aux investissements privés. Une « sécurité économique » reposant sur une cotisation prélevant une grande part des profits générés, serait l’outil du plan pour une politique d’investissements publics et de pilotage équilibré des marchés. Les banques ne serviraient plus à thésauriser pour alimenter des rentes, mais à mutualiser les richesses créées pour supporter les politiques d’investissements. Cela suppose une décision politique sur la part des richesses consacrées à la consommation, donc aux salaires, et celle consacrée à l’investissement. Actuellement, la part des salaires baisse, la part des investissements stagnent, et ce sont les profits financiers qui explosent. Il faut renverser clairement cette tendance.

La France peut se libérer de l’Union Européenne et de la dette

Certains vous diront qu’une politique différente n’est pas possible en France seule, trop dépendante de l’Union Européenne, de ses échanges économiques comme des contraintes réglementaires. Mais nos échanges économiques ont fortement évolués depuis 30 ans. Tous ceux qui cherchaient en même temps des rentes néo-coloniales en Afrique et la soumission au nouvel Empire Européen allemand ont échoués ! Si la France peut parfois être gagnante dans la concurrence européenne, elle est de plus en plus souvent perdante. Ses atouts historiques (nucléaire, énergie, transports, pharmacie...) sont mis en cause, fragilisés par des décisions du gouvernement et du grand patronat, Français et Allemand.

Mais d’autres rapports sont possibles avec la plupart des pays du monde. Nos relations avec l’Asie peuvent être négociées sur d’autres bases que la concurrence du coût du travail, et nos relations avec l’Afrique peuvent être construites sur d’autres bases que la France Afrique. Le développement de coopérations hors dollars entre les « BRICS », entre eux et des pays en développement est illustratif.

Bien entendu, une politique économique originale, basée non sur le marché mais sur le plan public d’investissement, non sur la concurrence, mais sur la coopération... suppose de savoir dire NON à l’Union Européenne, clairement et sans ambiguïté. Nous ne devons plus accepter de directives européennes contraires aux intérêts de la France.

De même, nous devons pouvoir gérer notre monnaie de manière autonome, en lien avec le plan d’investissement décidé, pour sortir les besoins financiers des entreprises publiques et privées de la domination des oligarchies. Cela suppose de retrouver notre souveraineté monétaire, avec le retour au Franc, complété d’un instrument monétaire d’échange régional, sous contrôle des états.

Vous pouvez imposer un choc politique et social aux oligarchies capitalistes, construire un nouveau pacte populaire pour le socialisme

Les réponses qu’exigent nos entreprises menacées sont donc en rupture complète avec ce que vous avez présenté aux Français dans vos discours. Coopération contre concurrence, nationalisations contre oligarchies, souveraineté nationale contre soumission Européenne, nos sites industriels ont un besoin urgent d’une rupture politique ouvrant la perspective d’un changement de société. L’histoire nous apprend que les élus socialistes accompagnent le plus souvent loyalement le capitalisme. Mais certains, face aux réalités des luttes de classe, ont choisi d’affronter les oligarchies, comme Allende au Chili. Son assassinat par le coup d’état militaire US ne serait plus possible aujourd’hui, et certainement pas en France ! Pouvez-vous être un socialiste de la rupture politique ? Vous porteriez alors le réveil d’une France populaire, fière de ses conquêtes sociales et républicaines, celle que chante Ferrat, celle de 1789, 1848, 1878, 1936, 1945, 1968...

Marx définissait le communisme comme « l’abolition de la propriété privée des moyens de production (…) qui permettent d’asservir le travail d’autrui ». Cette formule oubliée mettait au centre d’un projet de société non capitaliste la question de la propriété des entreprises. De grandes nationalisations en 1945, de l’énergie et du transport notamment, ont été des outils du développement de la France jusqu’aux années 80. Les nationalisations de 1981 sont devenues un moyen de nationaliser les pertes des oligarques avant de privatiser les profits dans les années 90 et 2000, privatisations conduites par la droite comme par la gauche. Cela nous montre le lien très fort entre la politique économique, le développement du pays, les stratégies face aux crises cycliques du capitalisme, la place de l’état et du plan face à la concurrence et donc l’enjeu de l’appropriation sociale des grands moyens de production et d’échanges.

Vous avez été élu pour gérer le capitalisme, mais vous êtes porteur malgré tout de la souffrance populaire, du refus de la guerre de classes que symbolisait votre prédécesseur. Vous pouvez imposer aux oligarchies un choc politique et social par des décisions d’expropriation de Mittal à Florange, la nationalisation de SANOFI pour réduire le coût des médicaments et développer la recherche, des plans d’investissements publics sur la voiture propre à Aulnay (Peugeot), Vénissieux (Bosch), pour la transition énergétique en nationalisant TOTAL pour la maîtrise de PetroPlus, d’ARKEMA pour le développement d’une chimie verte. Vous pouvez défendre la production en France en affrontant UNILEVER pour donner la marque Elephant au projet de SCOP des FRALIB... Vous auriez alors ouvert le débat du projet de société nécessaire à la France face à la violence du capitalisme, permettant la mobilisation populaire pour résister à la droite, aux pressions des lobbyistes économiques.

L’engagement fort de dirigeants politiques, s’appuyant sur la mobilisation sociale la plus large, rend possible ce qui semblait impossible, permet la seule innovation qui vaille, celle de l’invention d’une autre société, d’une société dont l’organisation est faite pour et par le peuple, ce qui est le sens profond du projet démocratique. Cette société porte un nom moderne, le socialisme. Vous pouvez être celui qui redonnera sa cohérence à votre propre nom, ouvrant un nouveau pacte populaire pour le socialisme.

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