Il y a soixante dix ans le vent tournait à Stalingrad Compte rendu de la manifestation Stalingrad du 2 février à Paris

, par  Gilbert Remond , popularité : 1%

Nous nous sommes rendus, une délégation de deux personnes, pour représenter le réseau « Faire vivre et renforcer le PCF » du Rhône au meeting tenu place Stalingrad, le 2 février, suite à l’appel « Honneur et gratitude éternelle du peuple français aux héroïques combattants de Stalingrad » lancé par le PRCF et d’autres organisations de sensibilités communistes, progressistes et gaullistes.

Pierre Pranchère ancien résistant et député honoraire, Léon Landini ancien FTP-MOI du bataillon Carmagnole -liberté, suivis d’un millier d’autres signataires s’en sont fait les porte-paroles et les publicistes. Il s’agissait pour eux de célébrer la défaite du 6ème corps d’armée du général Von Paulus, l’élite de la Wehrmarcht et sa reddition, après ce qui fut une des plus grandes batailles de l’histoire.

En effet, comme l’indique le texte de l’appel, nul doute que cette bataille ira rejoindre en importance d’autres, mythiques, qui à l’instar de celle de Marathon ou de Valmy déterminèrent le destin d’un peuple et de sa nation, de ses valeurs, comme leurs effets projectifs dans l’imaginaire des générations qui leur ont succédé.

Elles sont attachées aux formes civilisatrices qu’elles défendaient. Elles en sont devenues les représentants métonymiques, prenant une force d’événements fondateurs, de socle pour leur développement ultérieur, de ressource exemplaire pour la poursuite de l’histoire de ces nations.

Comme elles, la bataille de Stalingrad marque un point de bascule. Troisième étape de la résistance soviétique contre l’envahisseur, elle vient après les luttes acharnées pour freiner sa progression les premiers jours de l’agression, au prix de pertes importantes, et de la bataille pour la prise de Moscou où il refluait une première fois après être arrivé à cinquante kilomètres de la capitale. Elle sonnait le glas de l’invincibilité de l’armée nazie marquant un tournant militaire définitif que l’opinion mondiale reconnut immédiatement, malgré les efforts de la censure pour en cacher l’importance.

« Durant plus de trois mois – écrivit Jean Richard Bloch dans De la France trahie à la France combattante - Stalingrad fit parler de lui dans le monde entier. Il se fait aimer et chérir par tous les peuples épris de liberté, Stalingrad devient en trois mois la ville immortalisée, la ville symbole des meilleurs aspirations de l’humanité, la cité légendaire en fait en un tout organique les espoirs et les angoisses de centaines de million dans tout le pays ».

Le général de Gaulle lui-même reconnaîtra « la part capitale que l’Union soviétique prit a la victoire décisive... qui la portera au plus haut degré de la puissance et de la gloire... tendue dans l’esprit guerrier qui allait assurer sa victoire et pour une large part celle de la France et de ses alliés ».

En effet malgré le thème du sauvetage de l’Europe par les Américains imposé au fil des célébrations du débarquement de Normandie, il est difficile de chasser de la mémoire populaire l’idée que la victoire de Stalingrad et les sacrifices de l’Armée rouge ont permis de redonner l’espoir de sortir de la barbarie hitlérienne, difficile de faire oublier qu’alors chacun comprit qu’à compter de cet événement inouï « l’espoir changea de camps, le combat changea d’âme ».

Pour l’historien Antony Beevor, « Stalingrad est bel et bien pour la Wehrmarcht et pour le troisième Reich, le commencement de la fin, au terme de l’affrontement le plus atroce, le plus acharné, le plus sauvage, qu’on ait connu depuis l’effrayant corps a corps de Verdun ».

C’est en effet sur les rives de la Volga que se brisa le rêve hitlérien de se constituer un empire colonial avec lequel il pouvait compter soumettre les peuples de l’Union soviétique, en faire ses esclaves. C’est surtout sur ces berges que se brisa l’armée allemande qui perdit beaucoup plus que les 275.000 hommes pris au piège dans les ruines qu’elle avait causé à la suite de violents bombardements (40.000 mort lors du premier raid aérien), « elle y perdit son âme et la conviction de son invincibilité ».

Après la reddition, l’état-major nazi estimera une fois les comptes faits, que la Luftwaffe avait perdu durant le pont aérien, 488 avions de transport et 1000 aviateurs, que la 9ème division de DCA avait été anéantie, de même que bien d’autres unités au sol, sans parler des pertes par centaines, d’avions de la 4ème flotte aérienne.

« Le montant exact des pertes de l’armée allemande - estime Antony Beevor - demeure impossible à préciser, mais il est hors de doute que la bataille de Stalingrad s’est conclue sur la plus catastrophique défaite connue jusque là dans l’histoire militaire allemande. La Sixième Armée et la Quatrième Armée blindée avaient été effectivement détruite. »

Le général Vassili Tchouïkov, commandant de la 62ème armée soviétique qui, avec une indomptable énergie fut l’âme de la résistance dans la ville, écrira quant à lui, « c’est à Stalingrad que je naquis pour ainsi dire une seconde fois, sorti vivant du feu, par un heureux hasard ».

Dans le récit qu’il fit de ce combat, il écrivait encore :

« La mémoire me ramène impérieusement aux jours d’épreuves de la bataille pour cette ville et je revois tout à nouveau, et je ne puis me taire, je ne puis quitter la vie sans avoir raconté comment ma génération a défendu Stalingrad, comment en ces lieux le coup mortel fut porté au fascisme...

La bataille aux abords de Stalingrad dans ses faubourgs et ses quartiers urbains dura 180 jours et 180 nuits. Le tonnerre des canons, le bruit des tirs de fusils et de mitrailleuses, les explosions, les gémissements des blessés n’y cessaient pas une minute.

Combien tombèrent ici de soldats allemands se ruant vers la Volga, combien dans cette ville devant la Volga tombèrent de combattants soviétiques défendant cette étroite bande de terrain ?

La ville flambait, couverte d’une fumée noire et de poussière de pierre. Du sommet du Kourgane, désigné alors sur nos cartes tactiques comme la cote 102, nous ne voyions que les carcasses de certains bâtiments, des ruines, des monceaux de briques. Les pierres ne résistaient pas, mais les hommes tenaient. Chaque ruine, chaque carcasse de bâtiment, chaque puits, chaque tas de briques étaient des positions défensives. On luttait pour quelques mètres, pour des étages et pas seulement pour des rues et des ruelles. »

Le vingt huit juillet, Staline dont la ville portait le nom après qu’il eut repoussé en 1918 les régiments de cosaque du général blanc Krasnov, avait ordonné que « plus un pas en arrière » ne serait fait.

Il le dit dans un appel au peuple où il ne cachait rien de la réalité et des difficultés auxquelles il faudrait faire face : « Les occupants allemands foncent vers la Volga et veulent à tout prix s’emparer du Kouban, du nord-Caucase et de leurs ressources en pétrole et en céréales. Nous n’avons plus à présent la supériorité ni en réserves humaines, ni en ressources de grain. Reculer plus loin serait consommer notre perte et, en même temps, celle de la patrie (...) Il faut défendre avec ténacité, jusqu’à la dernière goutte de sang, chaque position, chaque mètre de territoire soviétique, s’accrocher à chaque lambeau de notre terre et la défendre jusqu’au bout ». En vertu de quoi les généraux russes s’enterrèrent dans l’attente du renfort en matériel qui permettrait à Joukov de combattre à armes égales tandis qu’en Asie et dans l’est sibérien était engagée une gigantesque bataille industrielle au nom du communisme, du patriotisme et de l’antifascisme par une classe ouvrière déterminée, après qu’eut été transféré, les principales usines liées à l’armement, en un transfert pharaonique qui supposait une préparation bien avant le début de la guerre et une adhésion populaire massive puisqu’elle concerna plus de 25 millions de personnes. En effet 1.523 entreprises furent ainsi démontées entre juillet et novembre 1941 et remontées dans l’Oural, en Sibérie et en Asie centrale.

Tchouïkov pour sa part rapporte : « Les officiers à tous les échelons comprirent que la retraite n’était plus une panacée à tous les maux. Mais il eut été naïf de supposer que cet ordre avait à lui seul créé un changement radical dans la psychologie des combattants. Il traduisait pour ainsi dire l’état d’esprit qui s’était formé chez tous depuis le début de la campagne d’été. Sans la prise de conscience de centaines de milliers d’hommes du danger de la situation dans laquelle nous nous trouvions tous, cet ordre par lui-même n’aurait rien fait ». Dans le camp opposé le général H Doerr constatait et écrivait « A partir du 10 août environ, on signale une résistance plus rigoureuse de l’ennemi ».

Deux mois plus tard, les soviétiques tenaient toujours la ville. Hitler enrageait. Sentant venir le paroxysme de la bataille après un bombardement d’une violence inégalée, Tchouïkov écrivit « je pris la décision de faire passer toutes les femmes sur l’autre rive. Combien de larmes n’y a-t-il pas eu ! Ici, le courage est contagieux, comme peut l’être d’ailleurs la lâcheté. On vit d’une heure à l’autre, d’une minute à l’autre, parole d’honneur. On attend l’aube et ça recommence. Et le soir, grâce à dieux, la journée entière est passé, et c’est tellement étonnant. »

Ces mots disent la fragilité de la vie, l’intensité de ce qui s’en peut respirer, la puissance de l’instant, la grandeur des hommes et l’humanité de leur chef. Étonné de tenir encore la ville, il rajoute « C’est sûr que si l’on m’avait dit que je serais là pour le nouvel an, j’aurais bien ri ». Oui, comme l’écrit Michel Taube dans la vérification, « combattre pendant cinq mois pour chaque rue, pour chaque maison, pour chaque étage même, exigea essentiellement des qualités humaines individuelles. Le général Tchouïkov le comprit vite, les unités de la 62ème armée qui défendaient la ville furent rapidement transformées en centaines de groupes de combats autonomes comportant chacun quelques dizaines d’hommes avec un équipement et un armement adapté aux combats de ville ».

Les anciens combattants de cette ville aujourd’hui nommée Volvograd (nouveau nom donné a la ville après la "déstalinisation") n’oublieront pas la portée internationaliste de leur combat. Ils s’adresseront aux organisateurs de la célébration de ce 2 février 2013 avec la même rigueur morale que leur chef, la même humilité, la même grandeur d’esprit, dans un courrier où ils écrivent « Tirant les leçons de la deuxième guerre mondiale, nous nous souvenons aussi du rôle important qu’a joué dans notre victoire la résistance française. Ce mouvement patriotique a joué un rôle majeur dans la libération de la France des occupants nazis, dans la chute du régime fasciste, le retour des droits et libertés démocratiques. Il a largement facilité les opérations des troupes alliées sur les fronts. Ensemble, nous avons écrit les pages héroïques de la deuxième guerre mondiale, ensemble nous avons forgé notre victoire », reconnaissant par là, la portée universelle de ce que les uns et les autres avaient donnés à l’histoire et à l’humanité.

Au nom de « Stalingrad, on n’oublie pas ! Stalingrad, on continue le combat », le meeting de ce 70ème anniversaire réunira plus de 500 personnes, malgré le froid, les averses de grêle et le silence acharné de la presse nationale, l’Humanité comprise. Seront représentés pour l’occasion, les ambassades de Russie, de Biélorussie, de Turkménistan, du Kazakhstan, d’Ouzbékistan, d’Arménie et de Cuba. Outre la présence de la direction du PRCF et de nombreux de ses militants, de représentants de la gauche communiste, de réveil communiste, du réseau "Faire vivre et renforcer le P.C.F.", de la Coordination communiste du nord, du comité internationaliste pour la solidarité de classe, de militants du PCF, du KKE, du PADS, étaient présent les Espagnols républicains de Paris, les antifascistes italiens, les gaullistes de gauche, les clubs Penser la France, le M’PEP, ainsi qu’un délégué du parti communiste Brésilien et du comité Ernst Thälmann.

A la tribune, Pierre Planchère et Leon Landini ont ouvert ce meeting en rappelant les circonstances de la bataille, ses conséquences dans le monde et sur les mouvements de résistances, son influence pour l’union des patriotes et la création du CNR, l’un disant « plus déterminés que jamais à lutter contre toute formes de résurgence du nazisme et du fascisme, nous proclamons notre solidarité à la puissante et légitime riposte manifestée en Russie et dans les pays de la CEI pour que l’histoire soit respectée, de même que l’honneur et l’héroïsme de ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté et pour la victoire contre Hitler », tandis que l’autre se rappelait « Après Stalingrad, nous les résistants étions désormais certains que la libération de notre pays n’était plus une illusion qui nous avait animé pendant deux ans. Nous savions maintenant que cette libération était désormais proche ».

A leur suite prirent la parole, l’ambassadeur de Russie, son excellence Alexandre Orlov, l’amiral Chirov, les camarades William Sportisse, Vincent Flament, Dimitri Manessi. Et Georges Gastaud qui donnait la conclusion en soulignant que ce meeting pourrait permettre une unité des communistes leur ouvrant des combats communs contre l’Union européenne, L’OTAN et les guerres impérialistes. Le tout se terminait aux accents de l’hymne soviétique, de la Marseillaise, du chant de la victoire de l’Armée rouge et de l’Internationale avant que tous se rendent déposer des œillets rouges sur la stèle de Stalingrad et qu’Annie Lacroix-Riz ait lu une motion signée du PRCF, de la gauche communiste, du réseau "Faire Vivre le PCF" du Rhône, de Réveil communiste, du M’PEP et des clubs Penser la France, motion qui demandait à la mairie de Paris de faire construire un monument digne des héros de Stalingrad et de la gratitude que notre pays leur doit...

Gilbert Rémond

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