Bien sûr traquer et punir les coupables. Mais poser publiquement la question : comment se fait-il qu’ils aient pu (...)
Des vessies pour des lanternes
Vous avez dit "Made in France" ?
Les candidats en campagne présidentielle ont au moins un point commun. Les voilà convertis au « made in France », même si pour certains –et pas des moindres- la grâce les a frappés récemment.
Ainsi Nicolas Sarkozy s’est-il rendu en Haute-Savoie à Sallanches chez le fabricant de skis Rossignol. C’est beau comme un conte de Noël. L’entreprise a, en effet, décidé de rapatrier sa production de skis pour enfants au pied du Mont Blanc après l’avoir délocalisée à Taïwan. Restons lucides néanmoins, sans bouder notre plaisir, ce retour représentera 20 emplois sur les 190 existants à Sallanches.
De son côté, François Hollande a visité, début décembre, en Saône-et-Loire, sur les terres d’Arnaud Montebourg, le site de l’entreprise Eolane, qui a relocalisé en 2010 la production d’une tablette numérique fabriquée en Asie, puis il s’est rendu chez Alsthom. Son credo : le patriotisme industriel. Tout cela est très joli mais parfaitement marginal.
François Bayrou, lui, appelle à « consommer français » et Marine Le Pen veut « protéger notre industrie », sans être bien consciente, à l’évidence, des coups qui lui ont été portés.
Quelle mouche pique donc, ceux-là même qui nous expliquent, depuis si longtemps, que la nation est dépassée, qu’il faut se mettre à l’heure de la mondialisation. Quiconque le nierait ne serait qu’un chauvin, un xénophobe, un « patriotard », un analphabète de la globalisation.
Ce sont les mêmes qui nous ont vendu Maastricht, la constitution européenne, Lisbonne et, à présent, un nouveau traité destiné à mettre un terme aux souverainetés nationales et à placer nos États sous la tutelle des marchés financiers et des agences de notation.
Soyons sérieux : en 30 ans, la France a perdu 2 millions d’emplois industriels. En dix ans, ce sont 750 000 emplois du même type qui ont disparu. Notre industrie ne représente plus que 13% de la création des richesses contre 18% en 2002. Sur la seule année dernière, 72 000 emplois ont été liquidés.
Et dans l’Oise, nous sommes bien placés pour en parler, nous qui avons vu disparaitre Continental et des centaines d’autres emplois dans le Département.
Alors, assez de démagogie, d’autant que derrière ces vibrations nouvelles de la fibre nationale se dissimule une volonté d’avancer plus loin encore dans la voie de la dérégulation sociale, des bas salaires, de la mise à bas du code du travail, comme si la paupérisation du salariat pouvait garantir la vente de nos produits alors qu’elle en réduit précisément les débouchés.
Il n’existe de relance possible du « produire français » que sur la base de l’excellence, c’est-à-dire de la formation, de la qualification des salariés, de la reconnaissance de l’une et de l’autre, de la recherche, de l’investissement, ce qui implique de réorienter l’argent vers des objectifs et non vers les actionnaires et les marchés.
Henri Guaino, l’éminence grise du sarkozysme, a vendu la mèche de ce patriotisme soudainement retrouvé : il faut parler à la France du non de 2005, a-t-il affirmé. Pas sûr que celle-là soit prête si facilement à prendre des vessies pour des lanternes.
Elle n’a que trop donné.
Patrice Carvalho, maire de Thourotte (60), conseiller général, ancien député
Tiré de son blog