
Montreuil, le22 septembre 2025
Adresse de la Secrétaire Générale aux syndicats CGT
Chères et chers camarades,
Nous pouvons être très fiers de la réussite du 10 et du 18 septembre, et du rôle qu’a joué la CGT.
Notre appel à la grève le 10 a permis d’éviter le piège de la mise en opposition entre mobilisation citoyenne et syndicale que voulait nous tendre le pouvoir. Nous avons contribué à transformer la colère en mobilisation concrète. Plus de 350 000 personnes, un grand nombre de jeunes et de nombreux travailleurs et travailleuses que nous ne sommes pas habitués à voir dans nos actions se ont manifestés et ont fait grève.
Avec l’appel au18 septembre, les organisations syndicales ont pris leurs responsabilités pour offrir des suites rapides et élargir la mobilisation. Nous sommes parvenus à rassembler 1, 1 million de manifestant-es et des centaines de milliers de grévistes, notamment dans l’éducation, les transports, la fonction publique territoriale, l’énergie et dans de nombreuses entreprises privées.
Nous avons fait une démonstration de force, remis la CGT et le syndicalisme au centre du jeu et déjoué tous les pièges.
- Alors que l’extrême droite multiplie les initiatives pour créer des clivages identitaires et racistes, nous avons réussi à faire primer les questions sociales depuis deux mois.
- Alors qu’Emmanuel Macron pensait encore une fois réussir à maintenir sa politique en focalisant sur les questions de casting et les enjeux politiciens, nous avons recentré le débat sur les enjeux de fond, sur la remise en cause de sa politique au service des plus riches.
- Alors que le patronat tire dans l’ombre les ficelles depuis des années, nous avons réussi à mettre sous les projecteurs le hold-up qu’il réalise sur les richesses que nous créons par notre travail. Le scandale des 211 milliards d’aides publiques aux entreprises est désormais indiscutable grâce au rapport réalisé par le Sénat. La proposition de taxe Zucman sur les 1800 Français ayant un patrimoine de plus de 100 millions d’euros permet de mettre au centre le clivage de classe.
Nous avons transformé la colère en combativité en ouvrent des alternatives. De plus en plus de salariés ont compris que nous sommes en position de force et relèvent la tête.
Jamais le pouvoir n’a été aussi fragile.
Emmanuel Macron est passé en force sur la réforme des retraites et il en paie aujourd’hui le prix : il n’a plus aucune majorité et a été obligé de sacrifier 5 Premiers ministres en deux ans. Le pouvoir commence déjà à reculer : il a été contraint d’abandonner son projet de supprimer deux jours fériés.
Nous pouvons gagner l’enterrement définitif du budget Bayrou, l’abrogation de la réforme des retraites, des moyens pour les services publics, la justice fiscale, l’augmentation des salaires et des pensions, et une vraie politique industrielle.
Pour cela, la stratégie de la CGT est claire :
- Continuer à monter crescendo, avec des temps forts rassemblant toujours plus de manifestantes. Le 18, nous étions1, 1 million, c’est très fort, mais nous pouvons être encore plus nombreux et nombreuses pour atteindre le niveau des retraites (2 à 3,5 millions). Pour éviter que des salarié-es ne fassent grève sans participer aux manifestations, organisons des cortèges de boîtes, avec des départs collectifs depuis le lieu de travail et des cortèges dans les manifs. C’est ce qui soude le collectif de travail et crée la dynamique. Quand on manifeste avec ses collègues, on rentre gonflé es à bloc, solidaire et combatif ve pour affronter ensuite le patron !
- Développer les grèves. et là-dessus nous avons une grosse marge de progression. Pour cela, il faut ancrer la mobilisation, c’est-à-dire la construire avec des appels sur chaque lieu de travail, et des revendications propres à l’entreprise ou au service, notamment sur les salaires. Rappelons toujours que la grève ne doit jamais être un slogan mais une réalité : avant de parler de grève reconductible, il faut commencer par se mettre en grève et y entraîner ses collègues ! Rappelons aussi que les temps forts intersyndicaux ne sont pas l’alpha et l’oméga de la mobilisation : il faut rythmer entre les dates et développer des processus de luttes professionnels, à l’image de la grève reconductible sur les salaires lancée par la FNME de l’énergie depuis le 2 septembre.
- Conforter l’unité syndicale et la décliner en proximité, dans les territoires, les professions, les entreprises et administrations. Comme nous avons l’habitude de le dire à la CGT : quand deux syndicalistes ne se serrent plus la main, c’est le patron qui se frotte les siennes. Nous sommes très différents, nous avons de nombreux désaccords, mais c’est quand nous sommes capables de nous rassembler que nous pouvons embarquer le plus possible de travailleurs et travailleuses.
- Construire un rapport de force de haut niveau. dans la durée. Le budget sera débattu et voté au Parlement durant tout l’automne ; il nous faut rester mobilisés jusqu’en novembre/décembre pour empêcher les régressions et gagner un budget de progrès. Nous devons donc avancer par étapes, engranger progressivement les avancées en allant le plus loin possible.
- Aller chercher des avancées concrètes à tous les niveaux, dans les branches, les entreprises et les administrations. L’intersyndicale appelle à interpeller le patronat dans toutes les branches et entreprises pour exiger l’ouverture immédiate de négociations SUI’ les salaires. Il est très important de décliner cet appel partout et de proposer à toutes les organisations syndicales de nos lieux de travail de le mettre en œuvre ! L’objectif est de faire coup double : gagner l’enterrement du budget Bayrou mais aussi l’augmentation des salaires dans les entreprises et administrations !
- Ne pas oublier de syndiquer toutes celles et ceux qui se mobilisent ou qui partagent nos idées. C’est déterminant car c’est comme ça que nous renforcerons le rapport de force dans la durée. N’attendons surtout pas que les salariés demandent à se syndiquer : proposons leur l’adhésion systématiquement !
L’intersyndicale s’est réunie immédiatement après le 18 pour analyser la mobilisation et proposer des suites. Nous avons décidé d’adresser un ultimatum au Premier ministre pour le forcer à sortir du flou et à dévoiler sans attendre les arbitrages de son budget.
Si, d’ici mercredi 24 septembre, il n’a pas répondu à l’ensemble de nos revendications, nous appellerons à une nouvelle journée de grève et de manifestations dès la semaine suivante.
Il a donc cinq jours pour nous annoncer qu’il renonce au doublement des franchises médicales, à la réforme de l’assurance chômage, à l’année blanche et à la suppression de 3 000 postes de fonctionnaires. Il a cinq jours pour nous dire qu’il va abroger la réforme des retraites, mettre en place la justice fiscale, conditionner les 211 milliards d’aides aux entreprises, débloquer les moyens nécessaires pour nos services publics, prendre des mesures contre les licenciements et investir pour la transition écologique et la réindustrialisation du pays.
Une table ronde rassemblant toutes les organisations syndicales sera probablement organisée à Matignon mercredi matin. Si le Premier ministre ne satisfait pas l’ensemble de ces revendications, et notamment l’exigence d’abrogation de la réforme des retraites, nous appellerons immédiatement à une nouvelle journée de grève et de manifestation.
Tenez-vous prêts : des tracts seront mis à votre disposition dès le 24 au soir et la journée d’action arrivera très rapidement. Il ne faut donc surtout pas faire de pause mais utiliser les prochains jours pour élargir et ancrer la mobilisation.
Nous avons besoin partout :
- d’identifier les syndiqués et les syndicats CGT qui ne sont pas encore dans la mobilisation et d’échanger avec elles et eux pour qu’ils participent à la prochaine journée d’action et construisent activement lerapport de force ;
- d’organiser des AG avec les salarié es et les syndiqué-es pour débattre de la situation, définir les cahiers de revendications et les convaincre d’entrer en action ;
- d’organiser des déploiements, notamment à partir du jeudi 25 septembre, pour faire connaître le plus rapidement possible la nouvelle date de mobilisation ;
- de poursuivre et d’amplifier les luttes engagées pour gagner sur les revendications et alimenter le climat revendicatif combatif que nous avons installé ces dernières semaines.
Camarades, pour finir, un gros point de vigilance. L’extrême droite est toujours là et n’a jamais été aussi proche du pouvoir.
C’est d’ailleurs ce qui explique la radicalisation patronale : si leur intransigeance devait entraîner la chute de la macronie, ils ont déjà leur plan B, avec Bardella et LePen.
L’actualité confirme à quel point l’extrême droite est toujours la meilleure alliée du capital : alors que nous avons réussi à mettre sur le devant de la scène la revendication de justice sociale, ils organisent la diversion en tentant de faire ressortir les clivages identitaires. Ils ont lancé une grande pétition contre l’immigration et rêvent d’organiser une manifestation d’extrême droite comme en Grande-Bretagne.
Continuons à marteler que ce n’est pas « Nicolas qui paie. . . pour Mohammed », mais Nicolas, Mohammed et Fatlmata qui paient pour Bernard Arnault et Vincent Bolloré !
Tant que la mobilisation sociale sera forte, ils n’auront aucun espace !
Dans cette période très politique - voire politicienne -. avec des possibilités de censure, de dissolution voire de destitution, gardons notre boussole syndicale et soyons toujours vigilants à protéger notre indépendance.
Notre objectif est d’arracher des avancées concrètes pour les travailleurs et travailleuses.
Nous connaissons maintenant la capacité du patronat à changer de casting pour garder la même orientation politique !
Camarades, nous sommes dans une période où l’histoire sociale s’accélère, soyons au rendez-vous ! Priorisons la construction du rapport de force, reportons tout ce qui peut l’être, notamment les réunions d’instances, pour mettre toutes nos forces dans la bataille !
Les planètes sont alignées, nous pouvons gagner, alors battons le fer tant qu’il est chaud !