Pourquoi le socialisme s’est effondré ?

, par  Gilles Mercier , popularité : 1%

Nous publions ce texte de Gilles Mercier sur un débat nécessaire pour répondre à une question essentielle. Pourquoi le socialisme soviétique s’est-il "effondré".. La manière de poser la question compte. On pourrait se demander "Pourquoi a-t-il été battu ?" ou "Pourquoi a-t-il échoué ?". Mais cela fait partie justement du débat.

Gilles a donc raison de poser la question, et notamment d’aborder la question de la place du capitalisme dans le socialisme. Mais il apporte une réponse qui semble ignorer les très nombreux travaux d’historiens, de communistes, dont tout ce qui est publié sur le blog de Danielle Bleitrach. Quelques exemples, trois causes, les valeurs de l’occident, 1991, la chute de l’URSS, Zyuganov...

Les communistes doivent avoir une approche marxiste, donc scientifique de cette question, en argumentant un avis par des faits, des sources. Sinon, le débat ne fait que confronter des a priori. L’étude comparée des données économiques et sociales de l’URSS des USA et de la Chine montre que l’affaiblissement de l’URSS commence longtemps après Staline, et qu’au contraire, la période stalinienne est plutôt une période de progrès, y compris d’espérance de vie...

En tout cas, ce débat est crucial pour l’avenir du parti communiste.

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Cette question fondamentale ne peut être esquivée ! L’effondrement du socialisme a constitué un drame pour le mouvement révolutionnaire, il ne s’en est jamais vraiment remis ! Le PCF est né à la suite de la création de l’URSS. En évitant de procéder à une analyse des raisons de son effondrement, il a remis implicitement en cause les raisons de sa création et par la même du bien-fondé de son existence. Se refusant à analyser le passé, il s’est vautré dans l’opportunisme en ne cessant d’accompagner les mouvements réformistes contestataires jusqu’à perdre toute identité.

Le capitalisme qui règne en maitre sur la planète est-il la fin de l’Histoire ? Si oui vers quoi allons nous ? La disparition du socialisme a été présentée comme le début d’une nouvelle ère marquée par la fin des conflits. C’est tout le contraire auquel nous assistons. Les tensions internationales s’accroissent, les conflits armés se multiplient. La violence sociale n’a plus de limite. Le salariat est dépouillé de tout ce qui limite son exploitation, de tout ce qu’il a pu conquérir par ses luttes au cours du 20e siècle quitte à ne plus lui permettre de reproduire sa force de travail. Or comment sortir de ce sentiment d’impuissance, s’il n’y pas de perspective ! Mais comment faire du socialisme une perspective si l’on n’analyse pas les causes de son effondrement ? Face à cette contradiction certains proposent le dépassement du capitalisme, ce qui est en fait synonyme de son aménagement !

Il est absolument nécessaire pour le mouvement révolutionnaire de comprendre les raisons de l’échec d’une société dont la recherche du profit sans limite n’était plus la raison d’être.

L’effondrement de l’Union soviétique c’est l’effondrement d’un système économique et social. Aucun système économique ne s’effondre à la suite de la trahison de tel ou tel dirigeant où parce qu’il n’est pas démocratique. Le capitalisme n’est pas démocratique, il est très bien en place.

L’Homme est rentré dans l’Histoire quand il y a environ 12 000 ans il est sorti de l’économie de subsistance de chasseur-cueilleur en domestiquant les plantes et les animaux dégageant ainsi des surplus de plus en plus importants dépassant de loin ses besoins quotidiens. La production de surplus qui est à la base de la division de société en classes est vitale car elle permet non seulement la subsistance des êtres humains en palliant aux pénuries dues aux variations climatiques mais aussi la diversification de la production par la création de richesses supplémentaires aux besoins immédiats. Une société n’existe car elle produit plus de richesses qu’elle n’en consomme. Son effondrement résulte d’une incapacité à produire suffisamment de richesses pour répondre à des besoins de développement. Pourquoi, l’URSS n’était plus en capacité de produire ces richesses ?

Le socialisme a connu une phase importante d’essor puis de diminution de sa croissance suivie d’une stagnation et d’un effondrement. Le socialisme s’est effondré car l’URSS n’est pas passé par une phase de transition capitaliste contrairement à la Chine, Staline ayant liquidé la NEP. Le capitalisme est une phase obligée du développement économique de l’Humanité, on ne peut en faire l’économie, la Chine en est l’exemple. Il permet un développement considérable des forces productives grâce au développement de la propriété privée des moyens de production qui est la base de l’initiative individuelle. Le socialisme s’est développé dans une Russie économiquement très arriérée, essentiellement agricole dans lequel la propriété privée était marginale. En Russie, les nobles n’avaient pas de titre de propriété sur la terre, leur propriété était une propriété d’usage. Quel intérêt peut-on avoir à développer, à améliorer une terre que l’on ne possède pas ? L’absence de propriété privée fait barrage à l’initiative individuelle, elle engendre la routine, le conformisme, la soumission.

Dans ce pays, l’Etat peu structuré était au service, non pas d’une classe, mais de la famille dirigeante qui dirigeait le pays d’une main de fer. L’éviction de la famille dirigeante assurait la direction de l’Etat. La révolution de février mit au pouvoir la bourgeoisie. Mais cette dernière n’avait aucune expérience de l’exercice du pouvoir. L’erreur de Kerenski fut de vouloir continuer la guerre dans un pays qui n’avait pas les moyens de la conduire et d’assurer en même temps la satisfaction des revendications sociales. N’ayant pas l’assise sociale suffisante, il laissa le champ libre aux bolchéviques qui seuls était porteurs des revendications sociales. L’Union soviétique n’a de soviets que le nom. Les soviets qui représentaient la diversité du mouvement révolutionnaire n’étaient pas tous acquis aux bolchéviques, furent progressivement marginalisés. La guerre civile fut accompagnée d’une centralisation du pouvoir. La mort de Lénine fut suivie de luttes internes au sein du parti bolchévique qui amenèrent Staline à la direction du Parti. Le Parti militant devint un Parti Etat se confondant avec ce dernier. Ce changement de nature eut une importance considérable. L’adhésion devient un moyen obligé de faire carrière avec comme corollaire, la soumission, l’allégeance, le conformisme. L’ensemble de la société devint soumise au Parti dans tous les domaines de la vie. La période de Staline marqua durablement l’Union Soviétique. Les droits de l’Homme furent bafoués, l’URSS devint une gigantesque prison, où la moindre critique la moindre attitude non conforme envoyait quiconque à la Loubianka. Le sort réservé aux maréchaux Toukhatchevski et Bliuker en dit long sur le sort de tous les autres qui n’étaient pas arrivés aussi haut dans l’appareil d’Etat. La grande Terreur avait envoyé entre mai 1937 et septembre 1938 avait éliminé 40 000 officiers soit 90 % des cadres de l’armée sous prétexte d’un complot trotskyste.

J’ai affirmé plus haut que c’est l’absence d’un développement capitaliste au sein de l’économie socialiste qui a été la raison profonde de l’effondrement du système. Le système socialiste est caractérisé par l’absence du marché qui serait une des caractéristiques du système capitaliste, incompatible avec une économie socialiste. Or, le marché n’est que la comparaison des marchandises produites (matérielles et immatérielles) suivant leur coup de production et leur valeur d’usage. C’est deux points sont déterminants. La valeur d’usage fait référence à l’utilité sociale qui est sanctionnée par le marché. Prendre en compte la valeur d’usage c’est prendre en compte les besoins, c’est une approche qualitative. La publicité en système capitaliste n’est que la manifestation de la concurrence des entreprises pour vendre ce qu’elles produisent. Les couts de production, ce qui est dépensé pour produire sont composés de deux éléments : les couts fixes qui cristallisent le travail passé accumulé dans les outils de production (les matières premières et les produits intermédiaires) et les couts variables constitués par les salaires directs et socialisés, prix de la force de travail. La diminution du coût du travail permet de dégager des ressources supplémentaires afin de diversifier la production. En système capitaliste, cette diminution s’opère par l’introduction de nouvelles machines plus efficaces et par la diminution du cout de la force de travail (pression sur les salaires, intensification de la production…). En URSS, la diminution des couts de production n’a jamais fait partie des priorités. L’approche a été essentiellement quantitative à travers les plans quinquennaux. L’industrialisation démesurée de Staline a reproduit la logique capitaliste de l’hypertrophie du capital constant avec comme conséquence, la diminution du taux de valeur ajoutée, c’est à dire la richesse réelle créée.
Toute société engendre par son développement des contradictions, des résistances. La façon avec laquelle sont abordées ces contradictions dépend de l’état de développement de la société. Or, la société nouvelle que prétendait être le socialisme n’était pas pour autant débarrassée des schémas de pensée de la société tsariste qui avait imprégnée la Russie pendant des siècles. C’est par l’autoritarisme, la coercition, la violence d’Etat que les contradictions ont été réglées et les oppositions vaincues. Ce sont les membres du Parti qui ont été les premières victimes.

La période de déstalinisation a ouvert un vent de liberté sur la société soviétique, mais de liberté limitée car le Parti a continué d’être un Parti Etat contrôlant la société. Le limogeage de Khrouchtchev a révélé les profondes divergences au sein du PCUS concernant l’organisation de l’Etat, l’économie et les relations du Parti avec la société.

La période Brejnev a été celle d’une chape de plomb sur la société soviétique, elle a marqué le début de l’essoufflement. Le Parti décidait de tout dans tous les domaines notamment dans la culture qui devait conforter « les idéaux du socialisme ». C’est le Parti qui décidait de la publication de tel ou tel ouvrage, de la sortie ou non d’un film, de ce qu’un peintre avait le droit d’exposer.

Toute critique était assimilée à une attaque contre le système. Les soviétiques étaient soumis au Parti, la société étouffait.

A partir des années 1960, le salariat a connu une transformation profonde. La part du travail intellectuel, de conception d’organisation a pris prendre une place de plus en plus grande au détriment des fonctions d’exécution. La proportion de techniciens et d’ingénieurs s’est accrue au détriment des ouvriers professionnels. En outre la production non matérielle expression de la complexification de la production de l’évolution de la société et de l’accroissement des échanges internationaux n’a cessé de prendre de l’importance. Dans les sociétés capitalistes, ces évolutions ont été prises en compte et détournées pour permettre aux entreprises d’accroitre leur profit.

L’organisation des entreprises a été profondément modifiée. Ces nouvelles catégories de salariés ne pouvaient plus être utilisées comme de simples exécutants appliquant les directives de la Direction. En URSS, ces catégories de salariés n’ont pas trouvé la place qui aurait dû leur être confiée dans le processus de production. N’étant pas considérées comme faisant partie de la classe ouvrière, elles devaient rester sous la tutelle du Parti. Leur potentiel créatif fut sous employé. Alors que science et la technologie jouait un rôle de plus en plus stratégique dans l’affrontement entre groupes capitalistes dans l’appropriation des marchés et dans les rapports de puissance entre Etats, l’URSS fut de plus en plus à la traine dans cette course. La part de l’URSS dans le commerce international qui reflet de la qualité des productions nationales n’a jamais dépassé les 5% et était essentiellement destiné aux autres pays socialistes. Alors que la production capitaliste allie le quantitatif et le qualitatif, le socialisme ne s’est jamais préoccupé des besoins du fait de l’absence du marché. La conception des plans était uniquement quantitative. Il y avait des marchandises dans les vitrines mais elles n’attiraient pas les consommateurs soviétiques qui lorgnaient vers les produits occidentaux. La production soviétique était obsolescente. C’est le marché qui permet de tirer les productions vers le haut. Mais quand il n’y pas de marché, il y a le marché noir, lieu de trafics et d’enrichissements frauduleux à ceux qui s’approvisionnent en marchandises peu ou « pas disponibles ». La valeur ajoutée créée par la production nationale fut de plus en plus faible. L’URSS ne fut plus en mesure d’assurer sa défense, le développement de sa production et les dépenses sociales qui en système socialiste sont particulièrement importantes. En outre, l’URSS fut victime d’une gestion hyper centralisée de son économie incompatible avec l’immensité du pays, gestion hyper centralisée doublée d’une technocratie stérilisante.
Le décalage entre l’évolution de la société soviétique et le politburo qui dirigeait tout, fut manifeste après la mort de Brejnev. Le politburo choisit en son sein un homme de 70 ans (Andropov) qui décéda 15 mois plus tard puis son successeur de 74 ans malade (Tchernenko) qui décéda moins d’un an après. Quelle image l’URSS offrait elle au monde ? Gorbatchev prit alors la direction du pays. Mais il était trop tard.

Gorbatchev était dans le vide. Si certains à la Direction du Parti était conscients de la nécessité de changements profonds dans l’organisation de la société, ce n’était pas le cas de la majorité. Le Parti avait accompagné la politique de chape de plomb de Brejnev, il était intégré à l’Etat, il était l’Etat, il ne pouvait que suivre son effondrement. Le carriérisme qui était la raison de l’adhésion et non l’engagement militant fit que ceux qui avaient des postes de responsabilité s’adaptèrent très bien au changement de situation en devenant des chantres des privatisations. L’effondrement de l’Etat central fournit l’occasion aux dirigeants des républiques de s’affranchir de Moscou et de devenir maitres en leur royaume.

On peut ne pas partager mon point de vue, mais il a au moins le mérite d’exister, ce d’autant qu’il est ouvert à la discussion. Comprendre les raisons de l’effondrement est indispensable pour crédibiliser le socialisme comme solution à la crise du système capitaliste dans un pays développé comme la France.

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