36ème congrès du PCF en 2013
Penser le rassemblement du peuple pour le socialisme Intervention dans le débat sur le rassemblement

, par  pam , popularité : 2%

Version écrite (et donc plus longue !) d’une intervention à la conférence fédérale du Rhône ce samedi 2 février.

Le monde bouge, slogan à la mode pour cacher que tout change pour que rien ne change, malheureusement souvent repris dans le PCF pour justifier des ruptures avec des concepts clés du marxisme. Pourtant, si les questions posées aux peuples dans la capitalisme se posent dans des contextes géographiques et historiques variés, des questions posées hier restent posées aujourd’hui, notamment la question d’une société non capitaliste, autrement dit du socialisme, comme celle de l’unité du peuple dans la guerre de tous contre tous qui caractérise ce capitalisme.

Sur ces questions, nous avons un acquis de l’histoire communiste, l’effort scientifique de connaissance du monde pour le transformer que représente le marxisme. S’appuyer sur ces acquis pour répondre aux questions aujourd’hui n’est pas un problème de citation mais d’appropriation des outils, des concepts à notre disposition pour nous en servir dans "l’analyse concrète d’une situation concrète".

Le socialisme et le choix de l’humain

Ainsi du socialisme. Marx a étudié le passage du capitalisme au communisme en constatant qu’une révolution ouvrière ne pouvait pas construire immédiatement une société communiste et qu’il fallait donc caractériser cette société ou le monde du travail a pris le pouvoir, mais où les contradictions de classe et donc les luttes de classes continuent... Marx parle au plan théorique d’une "première phase du communisme", qu’on appelle usuellement le socialisme. Cette question des formes de société qui peuvent rompre avec le capitalisme a conduit les communistes français à différentes propositions dans leur histoire, redressement national à la libération, démocratie avancée à Champigny en 68, socialisme à la française en 1976...

Avec le "choix de l’humain", le texte proposé ignore ces débats historiques, propose même un projet de "développement humain durable", formulation qui ne dit rien de son rapport au capitalisme. Or notre peuple fait l’expérience douloureuse de la violence du capitalisme, sans voir si et comment une autre société est possible. Nous avons donc plus que jamais besoin de nommer clairement la société que nous voulons construire, une société qui rompe avec le capitalisme. Le refus du mot "socialisme", prétextant parfois de la confusion avec le communisme, ou au contraire du poids négatif de l’histoire communiste, affaibli terriblement le mouvement social. Le refus même d’ouvrir réellement un débat de fonds sur ce sujet dans le 36ème congrès est une impasse qui éclatera un jour ou l’autre, comme celle du refus du mot nationalisation par Pierre Laurent, jusqu’à ce que les travailleurs de Florange imposent son retour dans le débat politique.

Le rassemblement populaire et l’union de la gauche

Ainsi de l’enjeu du rassemblement populaire et de l’union de la gauche et du rapport entre luttes et élections. Le comité central d’Argenteuil en 1966 a rejeté deux propositions théoriques, l’humanisme de Garaudy et l’anti-humanisme théorique d’Althusser, mais sans fondamentalement répondre à la question historique des conditions d’un rassemblement populaire majoritaire, ce qui a enfermé les communistes dans une stratégie d’union de la gauche de plus en plus électoraliste, et qui a permis au fond, l’OPA historique de Mitterrand sur l’électorat communiste.

Garaudy portait l’idée que le PCF était proche de diriger une majorité électorale de gauche, qu’il suffisait de décrocher des couches moyennes croyantes pour permettre la victoire électorale. S’il a été écarté après Argenteuil, le fait est que l’humanisme s’est lui progressivement imposé comme ce qui nous permettait de porter l’unité du peuple, en écartant toute analyse de classe qui au contraire, conduisait Althusser, non pas à être inhumain, mais à souligner que l’humanisme est une idéologie chargée de masquer justement les contradictions de classes.

Cette histoire est indispensable pour le débat actuel sur le Front de Gauche, les Fronts de Luttes, les discussions autour de l’idée qu’il faudrait faire du FdG un véritable Front populaire. Mais nous menons ces discussions comme si elles n’avaient pas de rapport avec notre histoire, avec par exemple les discussions du 25ème congrès autour de sa proposition d’un rassemblement populaire majoritaire face aux difficultés de l’union de la gauche après le départ du PCF du gouvernement. Nous serions plus utiles aux communistes en travaillant clairement ces questions posées déjà à Argenteuil et auxquelles nous n’avons historiquement pas répondu.

Peuple et classes sociales

Cette première question est celle en fait des 99%, ce slogan des indignés de Wall Street repris dans le texte du 36ème congrès comme si cela répondait à la nécessité de l’unité du peuple. Oui, l’aggravation des inégalités dans le capitalisme rend objectivement l’immense majorité du peuple, victime, et nous conduit à dénoncer le 1%, on disait avant les 200 familles, qui sont seuls gagnants dans la crise. Mais Christiane Puthod parlait hier de la droite ennemie de classe... or, dans les 99%, il y a la moitié d’électeurs de droite ! Et à l’inverse, les salariés de Danone ont un patron ennemi de classe qui est... socialiste ! La confusion entre luttes de classes et luttes politiques est ainsi un piège pour penser et le rassemblement et l’union...

D’autant que dans ces 99%, il y a beaucoup de gens qui profitent aussi de la crise... bien sûr de nombreux cadres du privé comme du public qui négocient des primes, des avantages et des places, et le capitalisme veille toujours à promouvoir de tels relais, mais aussi certains retraités dont une part significative du revenu provient des fonds de pensions, des complémentaires privés ou des assurances vies, et qui en ont conscience quand il s’agit de prendre des mesures contre la rente. Je prends un exemple un peu provocant, mais les heureux bénéficiaires de panneaux photovoltaïques savent très bien que ce qu’ils touchent d’EDF est payé sur l’ensemble de nos factures.

Donc le peuple est divers, les 99% ne sont pas une classe sociale, et nous devons connaître comment les classes sociales s’organisent aujourd’hui, leurs contradictions, leurs évolutions.

Connaître ce qui divise le peuple, est essentiel justement pour être capable de travailler à son unité !

Dans une entreprise en lutte, nous essayons de rassembler tous les salariés. A PSA Aulnay, les grévistes ont applaudi la responsable du syndicat maison, patronal et de droite, qui annonçait qu’elle rejoignait le comité d’action... !

Dans nos villes, nous essayons de rassembler tous les habitants, y compris des électeurs de droite au plan national, qui peuvent penser qu’au niveau local, ils ont intérêt à maintenir la place des communistes.

Au lieu de ce slogan simpliste des 99%, nous avons donc besoin d’un énorme travail théorique à partir des expériences concrètes militantes pour répondre à des questions décisives pour l’activité des communistes :
- qu’est-ce qui fait qu’une lutte large, intégrant même des cadres, même des gens de droite, est une lutte corporatiste, ou au contraire une lutte porteuse d’un intérêt de classe transcendant les contradictions sociales pour porter la perspective d’un changement de société ?
- qu’est-ce qui fait qu’un rassemblement électoral large, reste porteur de l’histoire du communisme municipal ?
- A l’inverse, comment éviter l’isolement jusqu’auboutiste d’une lutte minoritaire ?
- comment ne pas laisser la place aux manœuvre politiciennes comme celles ou les Verts, le PS et la droite ont fait tomber des villes communistes ?

Combat communiste, élections et institutions

Nous héritons d’une longue période initiée avec le programme commun et renforcée après 1981, d’un véritable électoralisme, qui aboutit à un parti qui pour l’essentiel est dirigé par des élus. Il y a 40 ans, un lieu important de débat politique du parti était la réunion des 40 sections de grandes entreprises. Elle a été supprimée et l’organisation du parti a massivement disparu des entreprises.

Il y a donc une vraie priorité à accorder à l’intervention communiste sur les lieux de travail, mais c’est justement dans les luttes pour l’emploi dans les entreprises même que se pose la question des institutions, des élus, et même ces derniers temps avec une grande force dans la bataille pour les nationalisations, la question du rôle de l’état. Les communistes seraient en dehors des réalités en se comportant comme si les institutions et l’état étaient inutiles au combat de classe.

Si l’abstention illustre une fracture sociale et politique majeure, elle ne traduit pas un mouvement de rejet de ces institutions dans une perspective révolutionnaire. L’abstentionnisme n’est pas une forme d’anarchisme préparant une révolution qui abattrait d’un seul coup institutions et états ! Au contraire, l’abstention marque souvent une acceptation fataliste de la domination de l’état. Et le constat militant, c’est que pour de larges parts du peuple, qu’il soit abstentionniste, socialiste ou FN, l’élection, notamment présidentielle, est bien une bataille politique. Et le MEDEF ne se trompe pas quand il parle du résultat des communistes aux élections.

De même, l’existence de villes communistes est une base importante pour faire percevoir l’enjeu d’une organisation politique, la possibilité de résister, de créer des solidarités, en s’appuyant sur des institutions locales dirigées par les communistes. Les contradictions même auxquelles sont confrontés les élus communistes dans la gestion, portent des leçons politiques pour le monde du travail, les militants syndicaux et politiques.

Nous devons donc là aussi répondre à des questions concrètes dont dépend l’activité communiste :
- nous ne sommes pas dans la majorité gouvernementale, à la différence de 1997. Comment le dire clairement, porteur d’une "opposition de gauche", comme le propose André Gerin, sans confusion avec la droite, non pas pour faire tomber le gouvernement, mais pour faire grandir le mouvement social ?
- nous dénonçons une politique socialo-écologiste d’austérité, de poursuite des réduction de services publics, d’accélération des destructions d’emploi, de nouvelles pertes de souveraineté française... mais nous voulons préparer les élections municipales dans le rassemblement le plus large, avec toutes les forces politiques progressistes prêtes à se rassembler sur un programme local porteur de l’intérêt général. Comment le dire clairement ?
- nous savons que nos élus sont souvent confrontés à des compromis de gestion, qu’il peut exister des contradictions, donc des conflits entre des revendications de fonctionnaires et des décisions d’élus impliquant des élus communistes. Comment permettre à tous de tirer des leçons utiles de chaque situation, pour faire grandir la conscience de ces contradictions par le mouvement social et décider quand nous devons assumer un compromis et quand nous devons le refuser...

Le chantier communiste du rassemblement suppose de rompre enfin avec la stratégie d’union de la gauche

La réponse à ces questions n’est pas dans une bonne formule écrite dans un livre, elle est dans la vie, mais l’expérience devrait nous conduire à sortir enfin d’une stratégie d’union de la gauche de sommet, dont la forme de la gauche plurielle battant des records de privatisation a provoqué une véritable rupture dans le monde ouvrier, et qui devient totalement impossible avec un parti socialiste cachant derrière des questions sociétales une politique de soumission complète aux intérêts des oligarchies capitalistes.

Mais une stratégie d’union de la gauche radicale, de la gauche de la gauche est tout aussi mortifère. Sur le fonds, elle ne tire pas les leçons de l’expérience du programme commun et des effets sur le rassemblement populaire de la délégation de pouvoir et de l’illusion des accords de sommet. Une fois retombé le soufflet médiatique de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, les communistes peuvent faire le bilan des forces gagnées et perdues depuis 2012...

Mais nous ne pouvons pas isoler le rassemblement populaire dans le rejet des batailles électorales et surtout pas l’éloigner de la bataille dans les institutions. Au contraire, nous devons aider le monde de travail à intervenir partout pour être prêt à jouer son rôle historique dirigeant.

C’est pourquoi la section de Vénissieux a proposé un vœu qui tente de résumer ce que pourrait être une réponse stratégique actuelle au défi du rassemblement et de l’union.

Pierre-Alain Millet, section de Vénissieux, fédération du Rhône

Vœu voté par la conférence de section de Vénissieux (44 pour, 2 contre).

Dans la crise politique qui marque profondément notre peuple et ses institutions, il faut définitivement sortir des stratégies d’union de sommet entre organisations politiques. Des alliances électorales, des collectifs d’actions militants, des coordinations de luttes entre organisations sociales, syndicales et politiques sont nécessaires et possibles. Mais notre stratégie repose sur la construction d’un rassemblement populaire majoritaire porteur du socialisme pour la France. Il doit sortir d’une opposition gauche-droite médiatique chargée de faire vivre une alternance sans risque pour le capitalisme. Ce rassemblement populaire majoritaire doit ouvrir une issue politique aux abstentionnistes, permettre au monde du travail, et notamment à la classe ouvrière de réinvestir la vie politique, unir toutes les couches sociales majoritairement victimes du capitalisme. Il se traduit par des alliances diverses aux élections selon leur nature et la situation politique mais se construit d’abord dans les luttes et les batailles idéologiques. Le parti communiste est l’organisation politique qui lui donne vie sous toutes les formes militantes qui permettent l’intervention populaire.

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