Les objectifs d’un front uni, les classes qui le constituent et sa direction...

, par  Xuan , popularité : 3%

A quelques mois des élections régionales, toutes les formations bourgeoises sont en train de s’étriper, et la peur du peuple n’y est probablement pas pour rien, car elles sont tellement discréditées que le parti le plus plébiscité est celui de l’abstention.

Le coup de force franco-allemand en Grèce a éveillé les esprits sur les rapports de domination et d’oppression au sein de l’Europe, sur la nature dictatoriale de la démocratie bourgeoise et de ses institutions nationales et européennes.

Sapir précise son projet de front uni anti européen dans son blog : A nouveau sur les « fronts »

Reconnaissons-lui le mérite d’aller au bout de sa démarche en définissant à la fois les objectifs de ce front uni, les classes qui le constituent et sa direction.

L’objectif du front uni

Sapir écrivait dans Sur la logique des “fronts” :

« Toute réflexion sur la stratégie politique s’enracine dans une analyse de la période tant politique qu’économique. Celle que nous vivons a pris naissance dans le basculement qui s’est produit dans les années 1970 et 1980 et qui a produit la financiarisation du capitalisme. Non que la finance ait été chose nouvelle. Mais, à travers les processus d’innovations financières qui se sont développés à partir de 1971-1973, la finance s’est progressivement autonomisée des activités productives dans une première phase, puis elle s’est constituée en surplomb par rapport à ces dernières. »

Marx signalait déjà le rôle dominant du capital financier, mais parler d’autonomisation est abusif. Si le capital financier siphonne le capital industriel, il n’y a donc pas d’autonomie entre les deux.

Puis il reste à démontrer que le capital financier soit capable de créer par lui-même de la plus-value et non de la bulle spéculative.

Enfin le circuit de ce capital financier ne s’arrête pas aux métropoles occidentales et à leur désindustrialisation, mais peut se nourrir de plus-values créées dans les pays émergents. Ce qu’on appelle finance mondialisée recouvrant à la fois le capital financier des états impérialistes et celui des pays devenus indépendants.

Je souligne aussi cette phrase parce qu’elle introduit en filigrane une autre autonomie de la finance. Désignée ainsi elle ne s’appelle plus BNP, Société Générale, Bundesbank, Axa et Cie, mais se constitue en surplomb par rapport aux nations, cosmopolite ou apatride selon certains slogans des années 30, ou mondialisée aujourd’hui, ce qui revient strictement au même.

Il vient – et c’est le propos de Sapir – que cette finance, prétendument détachée de tout intérêt national, constitue une menace pour la nation à travers les institutions européennes, elles-mêmes supranationales, à la rigueur allemandes, mais pas françaises en tous cas.

Par la même occasion, le capitalisme et l’affairisme français disparaissent du champ de vision, alors que les monopoles français sont le numéro deux du binôme dictatorial qui domine l’Europe, celui-là même qui a bafoué la démocratie grecque. Ce sont les monopoles français qui ont obtenu que l’on maintienne la Grèce dans les serres des usuriers, en s’opposant au Grexit souhaité par l’Allemagne.

De cette distorsion des faits découlent les objectifs et la nature du front qu’il préconise.

Selon Sapir notre ennemi principal est un capitalisme supranational, contre lequel toutes les forces devraient se tourner.

Et l’objectif du Front Uni – après la sortie de l’euro – est une réédition du CNR.

« Il faut donc non pas se limiter à la seule destruction de l’Euro (qui est un préalable indispensable) mais aussi penser ce qui pourrait accompagner cette destruction et la reconstruction qui suivra. »

(…)

« la meilleure analogie pourrait être avec le programme du CNR qui ne visait pas seulement à la libération du territoire mais posait aussi des objectifs de réformes importants de la société française. »

De notre point de vue, notre ennemi principal est la bourgeoisie monopoliste française et notre but est son renversement pour établir une société socialiste. Ce combat se déroule dans le cadre des institutions européennes et des alliances impérialistes comme l’OTAN auxquelles notre bourgeoisie a souscrit.

Par là-même notre combat soutient celui des BRICS contre l’impérialisme occidental, ainsi que les luttes des peuples d’Europe contre la domination franco-allemande.

Sur ce point il convient de distinguer les pays européens dominés et ceux dominateurs comme le notre, et ne pas confondre la France et la Grèce, ce qui n’exclut nullement la concurrence pour le leadership entre la France et l’Allemagne, ni les déséquilibres entre ces deux puissances impérialistes.

Les accords impérialistes européens et atlantistes doivent être abolis, faute de quoi aucun progrès n’est possible. Mais seul le socialisme peut briser le carcan de la dictature européenne dans des conditions favorables aux masses populaires.

Qu’il s’agisse de la révolution prolétarienne ou de la sortie de l’euro, il n’y a pas d’autre issue que des mesures dictatoriales et de salut public à l’encontre des actionnaires, de la fuite des capitaux, et autres tentatives de sabotage bien prévisibles : la dictature du prolétariat.

Les alliances de classe dans le front

Concernant les alliances de classes dans ce front uni, Sapir prend prétexte de l’expérience chinoise pour justifier la création d’un front uni au-delà du cercle des amis, c’est-à-dire jusqu’à Nicolas Dupont-Aignan, et à l’exclusion du Front National :

« L’alliance du Parti Communiste chinois avec le Guomindang dans le "front uni anti-japonais" (1936-1937 à 1945) est au contraire un exemple de cette logique des "fronts de libération nationale" et avait impliquée que les communistes dissolvent (du moins formellement…) la "République Soviétique Chinoise" qu’ils avaient constituée […]

Contrairement aux analyses de Trotski, des "fronts" larges, non limités à la formule du "front unique ouvrier", ont pu obtenir des victoires significatives, que ce soit dans la seconde guerre mondiale ou dans la période des luttes anticoloniales. Il est d’ailleurs significatif que le mouvement trotskiste se soit déchiré après-guerre quant à l’analyse des différents fronts de libération nationale.

C’est donc implicitement à cette expérience générale, celle de la seconde guerre mondiales et des mouvements anticolonialistes, que fait référence la formule de Stefano Fassina. Inversement, ceux qui contestent la formule politique même du "front" devraient nous dire s’ils reprennent à leur compte l’analyse de Léon Trotski et comment ils intègrent la critique par la réalité de cette dite théorie. »

Rappelons que l’alliance du Parti Communiste chinois avec le Guomindang dans le "front uni anti-japonais" faisait partie intégrante du Front uni mondial antifasciste. La seconde guerre sino-japonaise fut aussi une des conséquences du massacre de Nankin, où l’armée japonaise extermina des centaines de milliers de civils chinois et de soldats du Guomindang désarmés, dans des atrocités sans nom.

Ce Front Uni anti-japonais reposait sur une analyse de classe dans laquelle Mao-Tsé-toung avait défini la bourgeoisie nationale comme un allié temporaire et inconséquent dans la révolution de Démocratie Nouvelle, parce qu’elle pouvait s’opposer au féodalisme et au colonialisme (Section 4. Les forces motrices de la révolution chinoise – la bourgeoisie).
Mao-Tsé-toung expliquait également qu’après octobre 1917, la révolution démocratique bourgeoise dans les pays semi coloniaux et semi féodaux avait pris un caractère nouveau :

« Cependant, la révolution démocratique bourgeoise en Chine a subi une transformation depuis l’éclatement de la Première guerre impérialiste mondiale en 1914 et depuis la fondation d’un État socialiste sur un sixième du globe par suite de la Révolution russe d’Octobre en 1917.

Avant ces événements, la révolution démocratique bourgeoise de Chine appartenait à la catégorie de l’ancienne révolution démocratique bourgeoise mondiale ; elle faisait partie de l’ancienne révolution démocratique bourgeoise mondiale.

Depuis ces événements, la révolution démocratique bourgeoise de Chine est passée à la catégorie de la nouvelle révolution démocratique bourgeoise ; et sur l’ensemble du front de la révolution, elle fait partie de la révolution socialiste prolétarienne mondiale. »
(Démocratie Nouvelle. La révolution chinoise est une partie de la révolution mondiale.)

Or la révolution démocratique bourgeoise a déjà eu lieu dans en France bien avant le tournant de 1917. Il n’existe aucune bourgeoisie grande ou moyenne dans notre pays qui corresponde à cette bourgeoisie nationale, et qui puisse encore jouer un rôle progressiste en s’opposant même de façon inconséquente aux monopoles industriels et financiers.
Ce sont ces derniers qui font le choix de se placer sous l’aile des USA, ou de se rapprocher des BRICS, et uniquement en fonction d’intérêts impérialistes.

Par exemple peut-on prétendre que le capitalisme industriel puisse jouer un rôle progressiste aujourd’hui, alors qu’il est à l’origine de l’extorsion de la plus-value, qu’il a atteint le stade du monopole et que ses liens avec le capital financier relèvent des relations familiales, voire du mariage consanguin dans le CAC 40 ?
La théorie de la prétendue autonomisation du capital financier n’a-t-elle pas pour fonction de réhabiliter le capital industriel, en dressant des parois étanches fictives entre l’un et l’autre ?
En réalité, capital industriel, financier et commercial se transforment l’un en l’autre dans le process de circulation. Cette loi n’a pas changé et ne changera pas avec le socialisme, qui ne supprimera ni le capital ni une de ses formes, mais l’exploitation capitaliste.

Il existe cependant des contradictions entre les monopoles capitalistes d’une part, les TPE et PME d’autre part, notamment dans les marchés de sous-traitance. Mais au même titre que les exploitants agricoles et les artisans, les patrons des TPE et PME, qui se défendent en réclamant la baisse des salaires, n’ont pas vocation à diriger l’économie de notre pays, ni à jouer un rôle progressiste.

Les alliances de classes (et non les alliances entre groupes et partis à moins de les considérer avant toutes choses comme des représentants de classes et de catégories sociales), concernent donc pour nous les classes et catégories sociales qui ont un intérêt matériel à s’affranchir du capitalisme monopoliste.

Par exemple les paysans modestes, ruinés ou quasi salarisés, les marins-pécheurs, les petits commerçants, les artisans, les employés, les techniciens, etc. tel est notre Front Uni.

Lorsque ces catégories intermédiaires s’opposent aux règles anti populaires édictées à Bruxelles, nous devons dénoncer la responsabilité de notre bourgeoisie comme partie prenante et coresponsable de ces décisions dans le cadre européen. La lutte contre les accords européens et pour le socialisme sont intimement liés.

La direction du front uni

Selon Mao-Tsé-toung et le PCC, le Front Uni anti-japonais devait être placé sous la direction du parti communiste et de la classe ouvrière :

« La révolution démocratique est la préparation nécessaire de la révolution socialiste, et la révolution socialiste est l’aboutissement logique de la révolution démocratique.
Le but final de tout communiste, et pour lequel il doit lutter de toutes ses forces, c’est l’instauration définitive d’une société socialiste et d’une société communiste.
C’est seulement après avoir bien compris la différence et la liaison entre la révolution démocratique et la révolution socialiste que l’on peut diriger correctement la révolution chinoise.
Seul le Parti communiste chinois, et aucun autre parti (bourgeois ou petit­-bourgeois), est capable de conduire jusqu’à leur terme ces deux grandes révolutions : la révolution démocratique et la révolution socialiste. Dès le jour de sa fondation, le Parti communiste chinois s’est chargé de cette double tâche, et depuis dix­-huit ans, il lutte avec acharnement pour l’accomplir. » [section 7] [La révolution chinoise et le parti communiste chinois]

Sapir ne retient que ce qui l’intéresse, au point de prendre le contre-pied de l’exemple chinois dont il prétend s’inspirer :

On discerne immédiatement qu’aucun parti ou mouvement ne pourra à lui seul porter le programme concernant « l’après ».

Dans ces conditions un front uni sans direction de classe est un front uni inévitablement abandonné à la direction de la classe dominante, étiquetée gaulliste ou souverainiste pour l’occasion.
En France, les catégories intermédiaires ont naturellement tendance à promouvoir l’anarchisme petit-bourgeois ou le réformisme, et passent de l’un à l’autre pour se retrouver dans les filets de la grande bourgeoisie. L’histoire de mai 68 à ce jour l’a amplement démontré, et le parcours de Libération est emblématique. Elles ne peuvent pas prendre la direction d’un changement de société ni d’une révolution informationnelle que conduit finalement la classe dominante, et leur intérêt bien compris est de soutenir le combat de la classe ouvrière pour renverser le capitalisme et établir une société socialiste.

On discerne immédiatement que seule la classe ouvrière, et son parti indépendant des autres formations bourgeoises, peut mener à son terme toute forme d’alliance de classe adaptée à son objectif révolutionnaire. L’histoire du mouvement ouvrier montre que les révolutions prolétariennes ont réussi lorsque la classe ouvrière a pris la direction d’un front uni accordé aux conditions du pays et du moment, celui de la révolution démocratique défini par Lénine dans "Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique", et celui de la révolution de "Démocratie Nouvelle" anti féodale et anti coloniale, défini par Mao-Tsé-toung.

A l’inverse les alliances de classe avec un parti de la bourgeoisie (gaulliste ou socialiste) - et sous la direction de l’État bourgeois -, destinées à arracher des réformes dans le cadre du capitalisme n’ont pas permis de progresser vers le socialisme, car elles ont été rompues, parfois avec le sang des grévistes, et leur bénéfice matériel pour les masses, détruit à plus ou moins long terme.

Il en ressort que le Front Uni défini par Sapir va à l’opposé de la révolution prolétarienne, tant pour ce qui concerne ses buts, ses alliances de classe et sa direction.

Les priorités

A propos de cette indispensable direction, ceci n’a un sens que si le parti de la classe ouvrière, son parti communiste « indépendant des autres formations bourgeoises » a pour but le socialisme et à terme la société sans classe communiste. Ce parti doit se fixer pour objectif le renversement du pouvoir bourgeois des monopoles, la dénonciation des accords et des alliances impérialistes, l’établissement d’une nouvelle forme de démocratie pour le peuple, assortie des mesures de rétorsion adéquates contre les anciennes classes exploiteuses.

Or un tel parti n’existe pas.

Il n’existe pas à l’extérieur du PCF et ce dernier ne remplit pas non plus les conditions pour conduire une telle révolution.

Notre priorité est justement de reconstituer ce parti révolutionnaire, à la fois de l’intérieur et de l’extérieur du PCF.

Plusieurs groupes et organisations mettent aujourd’hui l’accent sur l’unité des marxistes-léninistes et la nécessité du parti. Il faut faire la part des postures parfois encore ankylosées par des décennies de sectarisme, l’essentiel est cette volonté de nous unir. « Là où il y a oppression il y a révolte », la classe ouvrière reconstituera inévitablement son parti.

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