38ème congrès du PCF
Le pouvoir des travailleurs, principe du communisme Contribution, congrès PCF Vosges, 10/11/18 :

, par  pierre-olivier.poyard , popularité : 2%

Contribution, congrès PCF Vosges, 10/11/18 :

Le pouvoir des travailleurs, principe du communisme

Prendre le pouvoir sur le travail pour sortir du capitalisme

L’appropriation capitaliste des outils, des finalités et des résultats du travail opère une séparation entre les travailleurs et les conditions d’effectuation de leur activité : nous sommes ici au cœur de l’analyse marxiste. Cette non-maîtrise du travail vaut dans les deux dimensions de ce dernier : le travail concret, la valeur d’usage qu’il produit, les conditions de son exercice ; et le travail abstrait, la production de valeur économique et donc le choix des investissements, des lieux de production, des fournisseurs et des clients, les créations et suppressions d’emploi, les salaires. Les humains se trouvent ainsi dépossédés de tout pouvoir sur ce qui constitue la vie même : la construction de notre monde, en négociation avec la nature, par le travail vivant dans sa double dimension abstraite et concrète. Et cette irresponsabilité sur l’essentiel s’accompagne d’une menace permanente de sanction par suppression de l’emploi, licenciement ou échec sur le marché des biens et services.

Sortir de cette impasse suppose que la maîtrise du travail devienne l’enjeu essentiel de la mobilisation syndicale et politique de celles et ceux qui se battent pour la construction du communisme. Maîtrise du travail dans ses deux dimensions : concret et abstrait. Car la difficulté est là : tant que les salariés ne s’auto-organiseront pas sur leur lieu de travail pour assumer leur travail concret comme ils l’entendent, contre les injonctions managériales, ils ne pourront pas mener effectivement le combat pour la maîtrise du travail abstrait, …laquelle est la condition pour que l’auto-organisation du travail concret ne soit pas marginalisée ou réduite à néant par la bourgeoisie capitaliste. On ne sait que trop l’échec des coopératives, ou leur récupération capitaliste, ou les illusions de « l’entreprise libérée » ou des « plateformes collaboratives ». Et, symétriquement, nous touchons du doigt aujourd’hui l’échec d’une mobilisation syndicale sur le travail abstrait sans maîtrise du travail concret : conquérir des droits salariaux tout en acceptant de fait de produire des biens et services que l’on conteste pourtant à juste titre n’aboutit plus à rien qu’à la défaite dans l’acceptation résignée du pire. Marcher sur les deux pieds inséparables, celui de l’ici et maintenant de la souveraineté sur le travail concret, et celui du partout et à long terme de la maîtrise des institutions macrosociales du travail abstrait, tel est l’enjeu.

Nous proposons une piste pour affronter cet enjeu, celle de sécurités sociales sectorielles s’inspirant de la sécurité sociale des soins de santé, en prenant l’exemple d’une sécurité sociale de l’alimentation.

Ce que le régime général de sécurité sociale a de révolutionnaire

Un des résultats majeurs de la construction du régime général de sécurité sociale par les communistes en 1946, contre la sécurité sociale capitaliste construite par le patronat au cours des cinquante années précédentes qui dominait largement le paysage en 1945, a été de rendre possible une production de soins libérée de la valeur capitaliste. Dans les années 1960, l’assurance-maladie a opéré une mutation de l’hôpital en finançant de très lourds investissements par subvention, et cela grâce à une hausse du taux de cotisation, qui a doublé entre 1945 et la fin des années 1970. La cotisation s’est substituée à la centralisation du profit dans des portefeuilles de titres qui vont nourrir le crédit capitaliste. Subventionner l’investissement, permettre ainsi une propriété patrimoniale non lucrative de l’outil de travail par des collectivités qui le remettent en propriété d’usage aux collectifs de travailleurs qui les utilisent, voilà une manière concrète de rompre avec le capitalisme en supprimant le régime de propriété lucrative qui en est le cœur. Ajoutons que pour produire les soins, le régime général a également supprimé le marché du travail, autre institution majeure du travail abstrait capitaliste, et l’a remplacé par le salaire à vie des fonctionnaires hospitaliers et par la convention entre les soignants libéraux et la caisse d’assurance-maladie. Au lieu de forger leurs chaînes en travaillant pour rembourser une dette d’investissement au capital, les soignants ont travaillé pour soigner, et leur maîtrise du travail concret était d’autant plus possible qu’ils étaient libérés du chantage à l’emploi.

Toutefois, faute d’avoir organisé l’autogestion collective de leur travail concret, qui n’était pas à l’ordre du jour de leurs organisations, ils n’ont pas pu s’imposer comme seuls producteurs de la valeur lorsque, à compter des années 1980, les gouvernements successifs ont engagé la contre-révolution capitaliste du travail abstrait en s’appuyant sur le gel du taux de cotisation (qui, pour l’assurance-maladie, n’a pas bougé depuis 1979). En réponse à la pression sur leur travail concret liée à l’endettement hospitalier et au non recrutement de fonctionnaires, les soignants se sont engagés dans un épuisant débordement individuel, dans leur travail réel, du travail prescrit, jusqu’au burn out. Instruits de cet exemple majeur, avec ses points forts et ses points faibles, que pouvons-nous proposer en matière de sécurité sociale de l’alimentation ?

Une nouvelle cotisation sociale pour assurer la souveraineté alimentaire

Il y a une double opportunité à créer une telle sécurité sociale. La première est que la sensibilité populaire à la malbouffe produite par l’agro-business est plus forte que, par exemple, la conscience de la folie qu’il y a à mettre sur la route le fret ferroviaire. La seconde est que c’est une filière dans laquelle, de la production d’intrants et d’outils réparables à la distribution de produits bruts ou transformés, en passant bien sûr par leur production, une multitude d’alternatives à l’agro-business se sont construites avec des professionnels mobilisés pour la maîtrise de leur travail concret. L’enjeu est de les sortir de la marginalité ou de la récupération par la création d’outils macro-économiques du travail abstrait tels que le mouvement syndical a su les construire, pour le soin mais aussi pour d’autres productions comme l’énergie, les transports ou l’éducation. Sur leur modèle, une cotisation-alimentation interprofessionnelle de 8% de la valeur ajoutée marchande générerait les 120 milliards permettant l’attribution de 150 euros par mois et par personne pour achat en libre choix de produits alimentaires bruts ou élaborés par des paysans, des artisans boulangers ou autres, des commerçants, des restaurateurs qui seraient conventionnés (comme le sont les soignants libéraux ou les hôpitaux), étant entendu que les entreprises capitalistes seraient interdites de convention et n’auraient donc pas accès à la production et à la distribution de ces produits alimentaires solvabilisés. Il faut en effet éviter que la solvabilisation de la demande alimentaire soit un marché public au service du capital comme c’est le cas pour le médicament. Ce marché de 120 milliards permettrait aux professionnels de l’alimentation conventionnés d’investir sans faire appel au capital (ce qui serait une condition mise à leur conventionnement) et de marginaliser l’agro-business et la grande distribution capitalistes.

Il y a une telle volonté, et capacité, d’organiser la maîtrise collective du travail concret chez tous les travailleurs aujourd’hui engagés dans l’alternative à l’agro-business qu’il est possible d’y éviter la dépossession que connaît le travail concret de soins de santé. Mais cette capacité resterait orpheline sans les outils de maîtrise du travail abstrait que la mobilisation syndicale a su construire, d’où la socialisation de la valeur à l’échelle interprofessionnelle dans une cotisation-alimentation gérée par les intéressés au plus près des possibilités et besoins territoriaux. Les critères du conventionnement des professionnels seront décisifs pour entraîner une dynamique reposant sur des entreprises de l’alimentation qui soient propriété d’usage de leurs salariés et qui pratiquent une recherche de la productivité par affirmation, et non pas élimination, d’un travail vivant que la logique marchande, puisque les biens alimentaires resteront marchands, poussera à utiliser avec mesure.

C’est ici que la forte sensibilité populaire à la nécessité de sortir de l’agro-business et de la grande distribution alimentaire sera un atout, à condition qu’elle soit politisée. Car la hausse des salaires par création d’une cotisation interprofessionnelle de 8% de la valeur ajoutée affectée à une consommation alimentaire possible exclusivement auprès de professionnels conventionnés suppose une détermination politique qui manque depuis quarante ans. Cette cotisation nouvelle ne sera réalisable que si, à même hauteur de 8% de leur valeur ajoutée, les entreprises ne versent pas de dividendes et ne remboursent pas leurs dettes d’investissement. On mesure toute la bataille politique qu’il faudra mener, entreprise par entreprise, pour rendre populaire la possibilité de financer l’investissement sans prêteurs ni actionnaires, en remplaçant la soumission à la dette par la responsabilité de produire la valeur nécessaire à la subvention. C’est un ethos communiste qu’il s’agit de construire, dans la maîtrise, on le voit, tant du travail concret que du travail abstrait.

Prendre le pouvoir sur le travail pour reprendre nos vies en mains

Ce que nous évoquons pour l’alimentation vaut évidemment pour des quantités d’autres secteurs dans lesquels une sécurité sociale pourrait être le vecteur du remplacement de la production capitaliste par une production communiste. Une cotisation pourrait garantir la production d’une presse d’information payante (et donc librement choisie par l’acheteur du journal ou l’abonné à sa version numérique) entièrement débarrassée de la publicité et d’actionnaires capitalistes et donc produite à la seule initiative des travailleurs concernés, journalistes, informaticiens, kiosquiers, imprimeurs et autres. La sécurité sociale du logement, rendue possible par une cotisation-logement, pourrait elle aussi solvabiliser une libre demande de logement dont la production et la distribution seraient le fait exclusif d’architectes, de maçons, d’artisans de second œuvre, de commerciaux, de producteurs d’engins et de matériaux, travaillant dans des entreprises dont ils seraient propriétaires d’usage et passant convention avec une caisse du logement qui ne conventionnerait aucune entreprise capitaliste. Même chose évidemment pour la solvabilisation de l’accès aux vêtements, aux outils, à la culture, à l’énergie ou aux transports produits sur un mode communiste… : la liste des sécurités sociales sectorielles financées par une cotisation sociale interprofessionnelle est infinie tant il y a une aspiration à sortir le travail des griffes du capital.

A nous de construire l’outil politique de cette aspiration si partagée, en rendant désirable et possible la multiplication des cotisations à un régime général de la production grâce à un non versement de dividendes et un non remboursement de dettes d’investissement. Nous pourrons ainsi élargir le déjà-là communiste que nos ancien.ne.s ont su construire en matière tant de propriété de l’outil (et donc de financement de l’investissement) que de statut du producteur, et l’étendre à l’auto-organisation des lieux de travail – ce qu’ils n’ont pas su faire avec autant d’efficacité et qu’il s’agit d’inscrire comme front nouveau de la bataille communiste. C’est dans la maitrise du travail concret et abstrait que nous allons retrouver la joie de l’action. Car le mot décisif du communisme est : responsabilité économique, fondement de la liberté.

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