Ecotaxe, Quimper, Carhaix, agro-alimentaire et transporteurs : qui porte les bonnets rouges ? Partie I

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Intéressant article tiré du blog Le Militant et qui fait le point et débrouille la situation des mouvements récents en Bretagne. Qui étaient les manifestants ? Quels étaient les forces en présence ? Pour quoi manifestaient tous ces travailleurs ? Les auteurs prennent également position pour les bonnets rouges et l’expliquent. La défense incompréhensible de cette écotaxe par le PCF-PGE et le Front de gauche nous éclaire sur la nature de ce monstre qui se mord la queue : la tête du réformisme et la queue du gauchisme se rejoignent toujours...
PB


Bretagne : les faits

C’est donc la préfecture du Finistère elle-même qui, sur ordre d’en haut, a fait démonter par les mêmes forces dites de l’ordre qui avaient gazé, blessé et arraché une main pour le défendre, le portique de Pont-de-Buis. Officiellement, pour le mettre à l’abri : la mise en œuvre des « écotaxes » est « suspendue », le portique est donc mis au frigo… pour ressortir quand ?

Ce samedi 2 novembre à Quimper, manifestation de masse. Se mettant en vedette, il y aura les hypocrites conseillers généraux UMP du Finistère, qui ont appelé à ce que « la Bretagne » soit « exonérée du dispositif écotaxe ». Rappelons en effet que ce fameux dispositif, issu du « Grenelle » dit de l’environnement organisé par Sarkozy en 2007, a fait l’objet d’une union nationale « gauche-droite » caractérisée et caractéristique. Mais il y aura surtout la masse, le peuple, sans aucun doute, ceux qui se désignent aujourd’hui comme « les bonnets rouges ». Dans bonnet rouge, il y a rouge.

Dans le processus explosif qui a conduit à la bataille du portique de Pont-de-Buis le samedi 26 octobre, et à la manifestation régionale de Quimper du samedi suivant, nous avons l’union de deux lames de fond sociale : celle des salariés contre les licenciements et celle des agriculteurs, petits patrons routiers, indépendants et petits patrons contre les taxes. Ce regroupement s’est cristallisé dans deux faits : le premier, déterminant, fut la présence importante des salariés de Gad le 26 octobre avec, en tant que telle, la section FO de l’entreprise.

L’autre fait caractéristique a été la formation du Comité de défense de l’emploi dans le centre-Bretagne, et il est politiquement intéressant de revenir sur le contexte qui a poussé à former ce comité, qui s’inspirait de l’expérience du Comité de défense de la maternité de Carhaix. Il s’agissait de réagir à l’annonce de la fermeture de la saumonerie Marine Harvest Kritsen à Poullaouen, 187 travailleurs en CDI et une centaine d’intérimaires, et, à 180 km à l’Est, de celle de Chateaugiron près de Rennes, 125 CDI et une cinquantaine d’intérimaires. Richard Ferrand, député PS de la circonscription, n’avait pas été le dernier à dénoncer ces décisions du trust mondial du saumon (dont le siège social est à Oslo). On notera que ces fermetures programmées s’inscrivent dans la stratégie du trust, qui regroupe ses productions françaises sur Boulogne-sur-mer, avec le soutien local actif du ministre PS de la Pêche, Frédéric Cuvilliers, et veut régionalement en concentrer ce qui restera à Landivisiau avec l’appui de son maire UMP. L’action de défense de l’emploi chez Harvest Kritsen avait commencé en juin, le syndicat CGT de l’entreprise et le syndicat FO de l’abattoir Gad-SAS à Lampaul-Guimilliau s’étaient d’ailleurs associés (cf. Brest, ma ville). Mais très vite l’objectif de la section syndicale locale s’était rabattu sur la négociation des futures primes de licenciements, comme il arrive souvent aux sections d’entreprises qui sont systématiquement laissées isolées par leurs confédérations et fédérations et ressentent la difficulté de lutter seules pour l’emploi contre des firmes mondiales.

C’est suite au constat de cette apparente impuissance que quelques 70-80 personnes formaient le Comité de défense de l’emploi, qui refuse tous les licenciements dans la saumonerie et affirme vouloir les empêcher dans l’ensemble de l’agroalimentaire, à Poullaouen le 8 octobre, en l’absence de la CGT et avec le rôle tutélaire de Christian Troadec, maire de Carhaix, figure locale à l’origine du festival musical des Vieilles Charrues, dénonçant vigoureusement « les requins qui font du saumon » et exigeant une décision politique interdisant la fermeture des usines Harvest-Kritsen. C. Troadec est maire « gauche alternative » de Carhaix depuis 2001, il a, au conseil régional, rompu avec la présidence de Région PS en raison de la fermeture de la maternité de Carhaix, anime un regroupement régionaliste intitulé Mouvement Bretagne Progrès, impulse le financement public des écoles privées Diwan par les collectivités locales, et a souvent été allié aux Verts puis à EELV, tout du moins jusqu’à ce qu’il qualifie les « écotaxe s » de « gabelle des temps modernes » et, comme l’UMP locale, en demande l’exemption pour la Bretagne (mais par pour les autres !), ce qui nous renvoie en effet au temps des gabelles [1].

L’appel à la manifestation du 2 novembre a été lancé par ce Comité rassemblant 600 personnes à Carhaix le vendredi 18 octobre. Dans la fumée de la bataille du samedi 26 octobre, le responsable des Jeunes Agriculteurs (CDJA) a appelé à tous se retrouver le 2 novembre à Quimper. Dans l’intervalle le gouvernement a « suspendu » la mise en place des écotaxes. José Bové, Noël Mamère, mais aussi bien des porte-paroles de la « gauche » officielle et convenue, y ont vu un nouveau recul devant les patrons du MEDEF et de la FNSEA, y compris ceux qui avaient participé à tous les « reculs » précédents. C’est en réalité un recul devant un risque très puissant de mobilisation de ceux d’en bas. Qui a obtenu la suspension des écotaxes ? Pas le MEDEF, qui ne la demandait pas, mais les émeutiers de samedi dernier !

Ces lignes sont écrites le 1er novembre. MEDEF, FNSEA, régionalistes, droite et extrême-droite se sont évidemment mis en avant sur le thème, notons-le, non de l’abrogation des écotaxes, mais de l’exception bretonne. Nul doute que dans toute la France gauche, extrême-gauche et antifas vont s’abreuver d’imageries effrayantes sur les terribles identitaires finistériens, camionneurs émettant des gaz d’échappements et de la fumée de gitanes, bonnets pourtant rouges distribués par le MEDEF ! Nul doute qu’ensuite et d’ores et déjà, tous les responsables, y compris ceux de la CGT, de la FSU, de Solidaires, du PCF, sans oublier le maire de Carhaix, ne se retrouvent avec la CFDT, le MEDEF, la FNSEA et les autres pour discuter « avenir de la Bretagne », « démocratie participative » et « développement durable » dans moult forums et ateliers, en relation avec le gouvernement, le Conseil régional et le CESER (conseil économique, social et environnemental régional), y chanter les mesures « modernes » et mener « le grand débat » appelé par l’illustre Jean-Marc Ayrault.

A propos, connaissez-vous la Glaz économie ? Glaz veut dire bleu en breton [2], et « Glaz économie », slogan phare du conseil régional, voudrait dire, selon les versions, économie verte et bleue : vert pour l’agro-alimentaire repeint en bio, bleu pour les maisons de retraite, ou vert, bleue et gris : dans ce cas vert a le même sens, mais bleu désigne la mer et gris, non les têtes grises mais « les cerveaux de la région, fer de lance de son développement » selon le président du conseil régional PS, Pierrick Massiot, exprimant par là sans nul doute l’idée qu’il se fait de lui-même. « Glaz Economie » ferait donc breton ; en fait, ça fait branché, patronalement et éco-durablement branché : cela même que le peuple est en train de vomir.

Le processus de mobilisation pour la manifestation de Quimper étant lancé, celle-ci aura lieu. L’union régionale CGT, suivie par la FSU et Solidaires, a décidé d’appeler à ne pas y aller et organise une sorte de contre-manifestation à Carhaix (dont le maire sera à Quimper !), à laquelle appelle également le PCF du Finistère. Accusant la manifestation de Quimper d’être récupérée par le MEDEF, l’Union régionale CGT déclare qu’elle est « orchestrée pour accélérer la dégradation sociale ». Au niveau confédéral, la CGT a pris position en faveur du maintien des écotaxes. Choisissant de laisser le beau symbole des bonnets rouges au MEDEF, les unions régionales CGT, FSU et Solidaires proclament : « Le combat des bonnets rouges n’est pas celui des salariés ». Qu’en pensent les salariés du saumon à Carhaix invités par leur syndicat à se battre pour la prime de licenciement sans agir pour contraindre le pouvoir politique, par exemple par la réquisition, à interdire les licenciements ?

Pendant ce temps la CFDT (dont la Bretagne est un bastion et qui fut littéralement personne disparue dans tous les derniers évènements) condamne « les cris indécents des patrons qui ont le plus meurtri et la Bretagne et le corps de leurs salariés », désignant par là ceux qui iront manifester à Quimper le 2 novembre ; et pour qu’on ne croit pas pour autant que la CFDT condamne « les patrons », son communiqué s’empresse d’ajouter que « la voix des entrepreneurs et des producteurs qui anticipent, agissent, créent de l’emploi… » doit, elle, être entendue. Les heurts entre salariés dans l’entreprise Gad, sur ses différents sites, ont permis à la CFDT de déposer une plainte contre X qui semble viser les militants FO. Certains secteurs patronaux, comme les patrons de la pèche (qui ne sont pas connus pour être des « socio-participatifs » !) appellent eux aussi à ne pas manifester le 2 novembre.

Localement, le sentiment le plus répandu est que l’appel à la manifestation CGT-FSU-Solidaires (et PCF) de Carhaix et ceux de la CFDT et de divers secteurs patronaux à ne pas aller à Quimper tirent dans le même sens : celui du gouvernement. En concentrant les militants CGT, FSU et Solidaires à Carhaix, la CGT, la FSU et Solidaires ne surmontent aucune confusion et n’isolent pas la masse des salariés, qui vont aller à Quimper, des mauvaises fréquentations : la place de tout militant syndicaliste, CGT, FSU ou Solidaire, devrait être Quimper, avec la masse. L’UD FO, elle, participe à la manifestation de Quimper et, semble-t-il, au collectif pour l’emploi, tout en formant son propre cortège.

Un fait significatif pour finir : les salariés de l’usine de volaille Tilly-Sabco à Guerlesquin, apprenant ce jeudi 31 octobre que la direction (n° 2 européen de la volaille…) annonce la « suspension de l’activité » pour janvier prochain, arrêtent le travail et se rassemblent. Ils décident d’aller tous à Quimper samedi. Pas à Carhaix (ils passeront par Carhaix, c’est sur la route). Le mouvement social se dirige là et ceux qui le traitent de mouvement faisant le jeu du MEDEF sont ceux qui ont choisi de le livrer au MEDEF, ce qui d’ailleurs ne se produira pas car le mouvement est trop fort.

Ce qui se passe en Bretagne, c’est le mouvement réel. Au même titre que dans des dizaines d’entreprises, qu’avec les lycéens contre les expulsions, qu’avec les personnels de l’enseignement public, des collectivités locales, et les parents contre la casse de l’école au motif des « nouveaux rythmes ». Le moment arrive ou, entre le mouvement réel et le gouvernement, il faut choisir.

Ne pas comprendre que le mouvement réel est là, qu’il est celui de la classe ouvrière, qu’il se développe contre le gouvernement, et pire l’insulter en l’accusant de « faire le jeu du FN », c’est signer son arrêt de mort morale pour quiconque se veut un militant de cette classe.

Nous avons chassé Sarkozy en 2012, mais pas pour ça :

Unité contre ce gouvernement !

Abrogation totale des écotaxes !

Pour un gouvernement qui fasse payer les capitalistes !

Le-militant.org, samedi 2 novembre 2013

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