Décès de Santiago Carrillo, théoricien et protagoniste de l’ « euro-communisme » et de la liquidation du Parti Communiste d’Espagne (PCE) AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

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De Juan Carlos à Mariano Rajoy en passant par José Luis Zapatero, l’ensemble de l’establishment espagnol a rendu hommage au dirigeant historique du Parti communiste d’Espagne (PCE) décédé ce mardi 18 septembre, à l’âge de 97 ans. Si on trouve souvent des qualités au mort qu’on niait au vivant, dans le cas de Carrillo, les éloges de la classe dominante ont précédé sa mort. Tous ont souligné dans son éloge funèbre un « personnage fondamental de la Transition ».

Tous ont en tête le rôle qu’il a joué dans la transformation-liquidation d’un des trois grands Partis communistes d’Occident, chez celui qui fut de 1960 à 1982 le secrétaire-général du Parti communiste d’Espagne, et finit compagnon de route du PSOE.

De l’opposition à la ligne révolutionnaire de la Pasionaria à l’accession à la tête du Parti sur fond de « déstalinisation »

Carrillo a commencé sa carrière politique comme dirigeant de la Jeunesse socialiste. Il participe, avec l’aval de Staline, à l’unification des Jeunesses communistes et socialistes en 1936 et adhère alors au Parti communiste, participant à la défense de Madrid pendant la guerre civile.

Après-guerre, il hérite du poste stratégique de responsable à l’organisation du PCE en Espagne. Au début des années 1950, ses positions droitières, notamment sur la « politique de réconciliation nationale », conduisent à un affrontement avec les dirigeants révolutionnaires historiques du PCE, menés par la Pasionaria, Dolorès Ibarruri. Marginalisé dans le parti, menacé d’exclusion, le mouvement de « déstalinisation » entamé après 1956 lui permet non seulement de sauver sa place, mais finalement d’accéder à la tête du PCE en 1960.

Dès lors, Carrillo va se faire le héraut d’une ligne de rupture avec l’héritage révolutionnaire du PCE.

Un pionnier de l’Euro-communisme : européisme de gauche, perspective réformiste et union de la gauche

Élément moteur du mouvement dit « euro-communiste », avec l’italien Enrico Berlinguer, son ouvrage « Euro-communisme et État » constitue un manifeste du mouvement. Il y préconise, comme son compère italien, la critique ouverte du bloc soviétique et la défense d’un européisme de gauche, la recherche de l’union de la gauche en vue de la conquête du pouvoir et de l’adoption de mesures d’aménagement du système.

Carillo va plus loin que l’Italien Berlinguer sur la question du Parti. Il avance même dans son ouvrage publié en 1977 la création d’une « nouvelle force politique de gauche », qui devrait supplanter ou se superposer au Parti communiste.

Le secrétaire-général du PCE ne tarde pas à mettre sa stratégie à l’œuvre.

Le compromis historique avec la monarchie et le renoncement à la République

Sur la question des alliances pour le pouvoir, non sans rapport avec le programme mis en œuvre par Berlinguer en Italie, Santiago Carrillo décide de signer un compromis historique avec la monarchie espagnole.

En échange de la légalisation du PCE, Carrillo promet en 1977 au chef du gouvernement, l’ancien jeune loup du franquisme et protégé du roi Adolfo Suarez, le soutien des communistes à la Transition, leur acceptation de la monarchie restaurée par Franco et du drapeau franquiste, et le renoncement à la perspective révolutionnaire tout comme au rétablissement de la république.

Les dernières révélations sur le rôle joué par la CIA dans la Transition dévoilent que l’agence nord-américaine a maintenu des contacts avec le dirigeant communiste pendant toute la période. Carrillo a été en outre le premier dirigeant communiste, en 1977, à effecteur une visite politique aux États-Unis.

L’échec de la liquidation du Parti communiste et le ralliement au PS

Sur le plan de l’organisation du Parti, Carrillo tente de mettre en pratique son projet liquidateur au début des années 1980.

Plombé par la ligne modérée prônée par le secrétaire-général, le PCE pourtant premier parti après la chute du franquisme avec ses 200.000 militants, connaît des résultats électoraux décevants en 1979 et surtout en 1982, avec 4% des voix.

Santiago Carrillo propose alors la création d’une nouvelle formation politique « de gauche ». Il se trouve marginalisé à la fois par l’aile révolutionnaire du PCE, attachée au Parti, et par les centristes rénovateurs.

En 1985, Carrillo fonde son nouveau parti, le Parti des travailleurs d’Espagne, une formation qui ne dépassera jamais le stade du groupuscule. Les dirigeants carrillistes rejoindront par la suite en bloc le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE).

« Si nous avions consulté les militants, jamais nous n’aurions réalisé ces virages »

Dans une des dernières interview avant sa mort, pour un documentaire de la TVE, Carrillo confessait : « Si nous avions consulté les militants, jamais nous n’aurions réalisé ces virages ». Pour un certain nombre de communistes espagnols, le « carrillisme » a été synonyme d’absence de démocratie interne, de glissade vers des positions réformistes, de liquidation passive de l’organisation communiste.

L’aveu de Carrillo, c’est aussi celui du choix d’une mutation-transformation-liquidation d’un des trois principaux partis communistes d’Europe de l’Ouest, un choix qui ne fut jamais porté devant les militants du PCE, un choix que les « rénovateurs » porteront sous la forme intermédiaire d’Izquierda Unida.

Un choix qui a pesé lourd dans l’effacement du seul parti qui a porté historiquement la rupture révolutionnaire avec le système capitaliste, avec cette monarchie héritée du franquisme. Le seul parti à avoir proposé historiquement une alternative à ce système en faillite.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre les hommages unanimes de la classe dirigeante espagnole au « communiste » Carrillo.

AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

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