Conférence fédérale de Gironde : impressions d’un délégué sur les impasses et les possibles

, par  Bernard Trannoy , popularité : 2%

Pendant que les communistes s’acharnaient à amender un texte, à la marge, (faisaient dans le cosmétique), l’essentiel se discutait ailleurs. Dans le cercle restreint de ceux qui pensent à notre, à votre place, sans que nous ayons notre mot à dire. Les adhérents du PCF, des autres organisations, mais aussi le citoyen de bonne volonté, sont logés à la même enseigne. Ils ne sont invités dans le cadre du FdG qu’à mettre en forme les « décisions » ou autre « feuille de route » du sommet, des appareils.

Cette construction de « sommet », a-t-elle un avenir ? Celui-ci ne pourra se construire que sur la base de la confiance dans l’intelligence collective développée par ceux d’en « bas ».

Tout ce qui est stratégique se décide en haut, hors du contrôle de ceux « d’en bas ».

« Révolution citoyenne » ils nous disent. « Prenez le pouvoir » ils nous répètent. Devons-nous être les simples relais de décisions venant d’en « haut » ? De fait, les vecteurs de leurs désirs de places dans le système des institutions ? Est-ce cela faire de la politique autrement ?

In fine l’on peut s’interroger sur cette séquence congrès. Quels sont les lieux réels des prises de décisions ?

Gironde, le secrétaire fédéral avait, n’en doutons pas, ces textes (conçus dans le secret des tractations d’état-major) « Développement du Front de gauche » et mis en ligne sur le site www.pcfbassin.fr dès le 25/01/2013. Suivi d’un document « Imposer une alternative à l’austérité » adopté le 28/01/2013 et un document intitulé « 25 premières mesures pour changer d’orientation »

Cette note sur le développement et la structuration du Front de Gauche montre que cette alliance n’a rien de démocratique. Qui décide des « équipes d’animation locales du Front de Gauche » ? En vertu de quel mandat ? Même remarque pour les membres du « Conseil national du FDG », cooptés nationalement dans l’opacité. Il s’agit d’une construction par le haut, en dehors de la pratique militante de terrain.

« Les décisions locales sont de toutes façons prises dans le respect des positions nationales du FDG, charge aux AC de les impulser et de les adapter localement et de prendre des décisions en ce qui concerne les questions locales. » Fin de citation.

Ce texte a une tout autre portée que la soupe aux étoiles que l’on nous a servie. La « haut », ils s’occupent des fondations, et pour nous « la tête dans les étoiles », nous avons l’insigne honneur de choisir la peinture de la maison qu’ils veulent construire pour nous, MAIS SANS NOUS. Et pourtant la direction fédérale, n’a pas dit mot de ce texte aux congressistes en ce dimanche 27/01/2013. Texte qui, d’ailleurs, aurait dû nous être remis, cela par simple respect pour les adhérents.

Pendant ce temps, incapable, que nous sommes, de répondre aux attentes du monde du travail, le mouvement social se développe, se cherche, produit de l’horizontalité, semble échapper aux structures participant de la verticalité, refusant toute caporalisation.

Ce monde du travail est de fait, dans une démarche de prise de « pouvoirs ». Il peut provoquer bien des surprises. Il peut connaitre des reculs, des avancées, mais rien ne l’arrêtera. A force d’avoir le nez rivé sur le seul horizon des élections (municipales et autres), on fini par ne plus être en état de voir émerger le nouveau, l’inattendu, le surprenant.

Tu délocalises OK, mais tes bagnoles elles ne rentrent plus. Voilà ce que nous aurions pu porter lors de l’ouverture de l’usine Renault à Tanger. Et plus largement pour l’automobile, faute de quoi, le risque est immense de voire la construction automobile et bien d’autres productions déserter l’espace national.

Ce n’est pas l’incantation sur le « partage des richesses » qui y changera quelque chose. Dans les 5 à 10 ans à venir nous courrons le risque de ne plus rien avoir à partager. A cet horizon nous n’aurons plus que la misère à partager.

Sortir le monde du travail du statut de marchandise pour aller vers la suppression du salariat, voilà un objectif porteur d’avenir.

Mais là, cela suppose de sortir du mythe d’une possible Europe sociale. Dans cette fuite en avant, nous renvoyons, pour une large part, l’action pour les changements au niveau de l’Europe, ou du Monde signe en réalité de notre renoncement à mener la bataille ici et maintenant.

Quelles propositions portons-nous pour les travailleurs de l’automobile : ????????

Heureusement, un peuple en marche est capable de bousculer bien des prévisions, des constructions « hors sol ». C’est lui qui détient les clés des possibles, les pieds dans la boue, la tête très loin des étoiles. A peine avons-nous abandonnés quasi honteusement le mot même de « Nationalisation » que les travailleurs en lutte le font de nouveau émerger avec force.

Confrontée à la même situation de délocalisation vers la Chine de l’usine Foxcomm brésilienne, Dilma Roussef a fait savoir à cette société, « Je ne peux vous empêcher de délocaliser. Mais je vous préviens vos produits ne rentreront plus au Brésil ». Conséquence de ce bras de fer, non seulement l’usine n’a pas été fermée, mais une deuxième a été construite. Signifiant ainsi les capacités d’interventions du politique, pour peu qu’il le veuille. Mais évidemment ce discours est impossible sans rompre avec les chaines de la monnaie unique et de l’Europe de « la concurrence libre et non faussée ».

NON LE PROTECTIONNISME N’EST PAS UN GROS MOT.

Oui, il faudra bien, à un moment donné, réfléchir à la nécessité de se doter de nouveaux instruments de régulation des échanges internationaux.

N’écoutons pas ceux qui prétendent, niant tout principe de réalité, que le "Bateau France" et tous ses salariés embarqués, peuvent naviguer dans cet océan en tempête de la mondialisation capitaliste en gardant tous les hublots ouverts. Ceux qui le prétendent sont à n’en pas douter des charlatans. OUI Il faudra bien ouvrir des processus de démondialisations, remondialisations. Dans ce processus il est impératif de retrouver la maitrise de cet outil fondamental de la souveraineté qu’est la capacité de battre monnaie.

En fait PCF et FDG embarqués, pour ne pas dire empêtrés dans le sociétal sont visiblement à court sur « la sociale ». Sociétal qui par nature divise, plutôt qu’il rassemble. Le sociétal divise, le social rassemble. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas nécessaire d’intervenir d’une manière spécifique dans ce domaine. Mais encore faut-il prendre en compte la spécificité du champ dans lequel notre intervention se place, se développe (spécificité au sens de la notion de champ proposé par Pierre Bourdieu).

Les propositions répondant aux attentes du monde du travail sont aux abonnés absents. A force d’ânonner « nous avons des propositions », sans jamais les décliner concrètement, cela finit par se voir. Pour les ouvriers s’identifier au PCF, c’est-à-dire à son collègue était somme toute, naturel (proximité de classe oblige).

70% des ouvriers ne se reconnaissent ni dans la droite, ni dans la gauche. Voilà qui constitue un sacré défi pour des communistes. Le FdG apparait pour eux, comme extérieur à leur monde. Il est perçu comme boboïsant, conduit par un « leader » qui exaspère et finit par repousser, au lieu de rassembler.

Ajoutons à cela qu’ils ressentent une nette tentation de vouloir les caporaliser, les instrumentaliser. Il ne faut donc pas s’étonner qu’ils soient naturellement distants (20 millions d’abstentions aux législatives devraient inciter à la réflexion, et arrêtons de nous réfugier derrière un paternalisme du genre "Ils n’ont pas compris, nous allons leur expliquer"). Pour avoir rencontré les Fralib, je peux témoigner que J.L.M n’a pas laissé un souvenir impérissable. Incapable qu’il était de répondre de façon cohérente à leurs attentes.

Décidément une classe ouvrière en mouvement peut faire peur à bien du monde ?

A la conférence de la FD Gironde, ne soyons pas trop pessimiste, il y avait des lueurs d’espoir tout de même. En dehors de celui qui avant de lever sa main observe celle de l’autre. J’ai vu poindre au travers de multiples interventions de l’intelligence en recherche, en mouvement, une capacité à douter face aux certitudes de l’appareil (Bilan FdG et Bilan Europe n’étaient pas au menu, congrès des accessoires oblige).

Débats plus riches que ne peut le laisser supposer les votes. Avec en plus une difficulté quasi insurmontable, un texte ne vaut pas seulement pour ce qu’il contient, mais aussi, et surtout, dans ce cas, pour ce qu’il ne contient pas. Comme nous ne sommes autorisés à intervenir que pour amender un texte. Nous ne le faisons finalement qu’à la marge.

La démocratie trouve là toutes ses limites, encadrée par les régulateurs habituels. Mon rêve impossible, aurait été de transformer sans régulateurs, pendant 3 voire 6 mois le PCF en un gigantesque atelier d’écriture ouvert à tous. Un atelier de ce type est-il en germe au sein du monde du travail en mouvement ? Avec je dirais comme d’habitude la classe ouvrière en tête, comme quoi il était pour le moins, prématuré de l’enterrer.

Difficultés pour le PCF qui tend à n’être qu’un parti d’élus ou de ceux qui y aspirent. Seul dans ce cas l’insertion dans l’institutionnel est l’objectif ultime à atteindre. Ajoutons à cela et compte tenu de ce qui est indiqué ci-dessus que le grand écart est à craindre pour ces élections municipales. La maitrise ne sera guère facile, et ce ne sont pas des statuts à haute teneur administrative qui règleront les dérapages. Lutte des places au lieu de la lutte des classes ne manquerons pas d’être au rendez-vous ? Compte tenu des manœuvres des appareils, ceux-ci seront, en fait, contraint à avaler bien des couleuvres (prochain rendez-vous à observer, la région Aquitaine après l’éclatement du groupe FdG au conseil régional).

Bordeaux, « beau » discours fait avec de la belle dentelle par Pierre Laurent, le « communisme », indéfini, insaisissable, empreint d’emphase, de lyrisme, mais sans contenu réel, du parler pour ne rien dire. Le vide qui se fait verbe. En l’absence de véritable projet s’articulant à un programme, la navigation à vue devient le point de passage obligé. Une montagne de généralités sans contenu concret, qui accouche d’une souris.

Un langage TOTALEMENT ETRANGER aux travailleurs en luttes d’Aulnay, de Flins, de Cléon, des Fralib, des Sanofi, des 3 Suisses, des Pétroplus et d’ailleurs. Significativement nous pouvons observer dans le PCF une bonne activité développée par les réseaux école et enseignement supérieur du PCF. Activités qui tranchent avec l’absence d’activité en direction des salariés de l’industrie et des transports. Ce qui n’est évidemment pas sans avoir des effets politique délétère. Situation illustrée par les propositions girondine pour le prochain CN, classe ouvrière absente. On ce souci des femmes, ce qui est positif. Mais assez peu des ouvriers.

En fait, nous sommes là, en face d’un « communisme » qui au pied du mur mettrait le sac à terre.

L’art de parler pour ne rien dire atteint ici des sommets. Voilà un communisme réduit à un simple mouvementisme, effrayé qu’il est à l’idée de nommer les choses : exploitation, capitalisme, impérialisme, propriété, appropriation, classes sociales, socialisation des moyens de production. Un communisme à dominante sociétal : à mal nommer les choses, on finit par ne plus les voir. Et très vite, dans ces conditions, nous sommes conduits à tolérer les désordres sociaux à l’œuvre.

Faute de notre part (de communistes) d’offrir une véritable issue CONCRETE aux luttes en développement, le pire est à craindre, tout devient possible. « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde » (Brecht, Arturo Ui). Ne provoquons pas, par nos renoncements, nos lâchetés, notre manque de courage le réveil de la bête.

Ayons en mémoire, notre histoire de France, traversée par des irruptions populaires soudaines, parfois violentes. Mais irruptions qui mettent au grand jour ce qui travaille une société dans ses profondeurs et dans la durée. Ne laissons pas, par abandons successifs, le terrain de la nation, de la souveraineté aux appétences de la bête immonde.

Le communisme qui nous est proposé là, est un communisme de la génération spontanée. N’y-a-t-il pas là comme une reddition en rase campagne face aux forces du capital ? Il serait pour le moins naïf d’envisager que le conflit de classe fondamental qui traverse la société va se régler dans une démarche « bisounounours » d’affrontements à fleuret moucheté.

Le capital en crise est capable d’une violence sans retenu. Brisant nos vies sur son passage. A cette violence-là, il faudra bien collectivement en opposer une autre (fut-elle symbolique). La pire des violences pour le capital est à rechercher dans l’émergence d’un peuple organisé. Sommes-nous incapable de voir un capital en pleine contre-offensive depuis la chute du mur de Berlin ? La poussière à peine retombée, il n’a qu’un seul objectif, déchirer le compromis social qui lui a été arraché au travers du programme du C.N.R. par la classe ouvrière française. Ce que pointe en direction du monde du travail le capital, c’est en fait, un gigantesque doigt d’honneur. Potentiellement, c’est vers un scénario à l’italienne que l’on courre.

Ce n’est pas pour nous « l’aube du siècle qui vient », le siècle qui vient c’est le 22ème. Et tant pis pour ceux qui resteront cloués dans le 21ème siècle.

Ce sera, à n’en pas douter un affrontement de Titan, ou socialisme, ou barbarie.

Bernard Trannoy, le 02/02/2013

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